Discours haineux: les libéraux font fausse route

Les avis juridiques du gouvernement nous diraient, avec plus de cohérence et de clarté que la ministre, si le projet est viable ou non.

Photo : Jacques Boissinot/La Presse Canadienne
Photo : Jacques Boissinot/La Presse Canadienne

PolitiqueDeux constats s’imposent depuis le début de la commission parlementaire sur l’étude du projet de loi 59. Les libéraux n’ont aucune idée des torts qu’ils s’apprêtent à causer à la liberté d’expression avec leur intention d’encadrer les discours haineux. Et la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, n’est vraiment pas à la hauteur de sa fonction.

Dans les derniers jours, je me suis tapé, en direct ou en différé, l’écoute de la commission parlementaire. La ministre Vallée a de la difficulté à construire des phrases cohérentes. Son propos, nébuleux et confus, se résume à un mantra: ne vous en faites pas, la liberté d’expression est sauve, il faut trouver un équilibre entre le respect et la liberté d’expression, et ainsi de suite.

La faiblesse de son argumentaire est telle qu’elle ferait mieux de dévoiler les avis juridiques sur la validité du projet de loi. Ces avis nous diront, avec plus de cohérence et de clarté que la ministre, si le projet est viable ou non. Il y aurait, semble-t-il, des assises légitimes à ce projet qui va conférer à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec le pouvoir de sanctionner l’expression des discours haineux ou des discours incitant à la violence. La commission héritera même du pouvoir de dresser des listes publiques des fautifs (l’équivalent numérique du goudron et des plumes) et d’intervenir en amont pour prévenir l’expression de discours haineux. Le tout, sur la base de plaintes anonymes.

Le Barreau du Québec juge le projet intéressant, mais imparfait. L’organisme reconnaît à la Commission des droits un pouvoir d’intervention pour réprimer les discours haineux et les discours incitant à la violence. Il a cependant de vives inquiétudes sur le libellé du projet. «Il faut reconnaître qu’il s’agit d’une limite au droit à la liberté d’expression», a dit la présidente du comité sur les droits de la personne du Barreau, Flora Pearl Eliadis.

Curieusement, le Québec fait le chemin inverse des autres provinces et du fédéral. La Commission canadienne des droits de la personne avait le pouvoir de lutter contre le discours haineux et le discours incitant à la violence, en vertu de l’article 13. Le gouvernement conservateur a aboli l’article 13 en raison des poursuites excessives. Des chroniqueurs et des commentateurs qui dressaient des portraits critiques de groupes identifiables, tels les musulmans, ont été poursuivis pour discours haineux.

Les barbus assimilent allègrement la satire et le blasphème au discours haineux. La ministre Vallée aura beau fournir toutes les assurances du monde, rien n’empêchera la multiplication des poursuites abusives et mal fondées.

Le président du Conseil musulman de Montréal, Salam Elmenyawi, a donné une bonne idée du fossé d’incompréhension et des risques sous-jacents au projet. «Nous devrions également inclure la prévention de la dérision et le dénigrement de toute religion et de toutes ses personnalités afin d’assurer l’harmonie et le respect mutuel», a-t-il affirmé en août, lors de sa comparution.

Adil Charkaoui, qui pose en victime et en martyr des élus depuis son passage à la commission parlementaire, comprend tout aussi mal les nuances qui s’imposent entre discours haineux, satire et critique. La députée caquiste Nathalie Roy l’a remis à sa place en termes clairs et justes. «Vous ne représentez pas la communauté musulmane au Québec et vous n’avez aucune crédibilité», lui a-t-elle lancé.

Adil Charkaoui a vu dans cette critique, parfaitement acceptable dans une société démocratique, une expression de haine à son endroit. Voyez où mène ce projet insensé, avant même son adoption.

Une société qui interdit de rire des religions et de les critiquer n’est plus une société libre et démocratique. C’est une société marquée par l’emprise du sacré sur le profane. Une société où le fait religieux et ses défenseurs ont préséance sur les individus. Le Québec a connu cette noirceur, il ne faut pas y retourner. D’autres pays dans le monde vivent sous le joug des théocraties.

Bien sûr, le projet libéral n’est pas d’inspiration théocratique. Il trempe plutôt dans la rectitude politique et le conformisme du moment. Il est cependant porteur d’un poison: la restriction de la liberté d’expression. C’est toujours cette liberté que les théocrates et les régimes répressifs veulent gommer en premier.

Même dans une démocratie, la liberté d’expression n’est pas absolue. En droit constitutionnel, elle n’est ni moins ni plus importante que d’autres libertés fondamentales. C’est une question d’équilibre, et cet équilibre est déjà atteint. Le discours haineux est prohibé par le Code criminel. On ne peut pas tout dire. On ne peut inciter au meurtre et au génocide d’un groupe identifiable, sans en subir les conséquences juridiques. Soucieuse de protéger la liberté d’expression, la Cour suprême a jugé, dans l’affaire Whatcott, que les propos qui rabaissent, ridiculisent ou portent atteinte à la dignité ne constituent pas l’expression d’un discours haineux. Seuls les propos les plus virulents sont passibles de poursuites criminelles.

Ces garanties sont largement suffisantes. Elles font la preuve que le projet de loi libéral est redondant et dangereux.

L’ex-députée libérale Fatima Houda-Pepin et l’Association canadienne des libertés civiles, représentée par Julius Grey et Julie Latour, ont sonné l’alarme lors de la commission parlementaire. «À notre avis, il n’y a aucune nécessité pour cette loi. On ne sait pas contre quel péril inexistant on veut nous protéger, et donc le danger, c’est que la législation fasse boomerang à moyen terme. C’est un projet de loi qui contient des mesures radicales et extensives et avec des ramifications inquiétantes», a dit Me Latour.

Les libéraux utilisent «un canon juridique pour tuer une mouche hypothétique», a dit Me Latour. Belle image… Criante de vérité.

Les commentaires sont fermés.

En total accord avec vos dires!
Nous n’avons aucunement besoin de cette loi.
La beauté de la démocratie: pouvoir librement s’exprimer…et se moquer aussi des travers d’autrui, qu’il soit musulman, voisin, gars de construction ou PM de la province.
Quand tu choisis un pays pour y immigrer (et je ne parle pas des réfugiés issus de crise hummanitaire), tu le fais après avoir analysé, étudié ton possible pays d’accueil. Tu es donc en mesure d’évaluer en tout connaissance de cause les qualités et défauts de ladite société où tu poseras prochainement les pieds. Donc, M. Charkaoui, l’humour au Québec est là pour y rester…alors que vous, rien ne vous y oblige si ça ne vous plait pas!

C’est un peu a cause de moi si Couillard veux passer cette loi la, ce n’est pas un accomodement pour les arabes, cette loi la seras ecrite de maniere a nous interdire de nous exprimer contre leurs alliances avec leurs amis assassin sioniste, oui Couillard, Harper et meme Codere son pro-sioniste et quand ont connais les plans des sionistes, il y a de quoi s’inquieter, c’est tres grave ca, le sioniste pourrais etre definis comme tel, le sioniste est le mal
Etre pro-sioniste c’est etre traite envers sa propre nation, j’arrete pas de les achalers avec ca sur twitter.

Sans vouloir être méchant vous vous donnez trop d’importance. Et pour le sionisme svp des preuves. Il est clair que l’on tente de baillonner toute critique envers l’Islam. Alors on invente Islamophobie et invente une police de la pensée. Et pour ce faire on attaque la liberté, principe fondamentale de la démocratie.

Quand nous serons rendu une minorité chez nous, et cela viendra plus vite qu’on le croit et bien est-ce que « eux » vont se souvenir comment on les a accommodés et nous traité avec un minimum de respect ou bien est-ce que ce sera le « Crois ou meurs! »? Allez voir sur Youtube comment les islamistes agissent en Angleterre, en France, En Belgique et j’en passe… Pensez vous que se sera différent au Québec? Et pourquoi? Ah oui nous on est « plus » meilleurs, c’est vrai. Ils n’auront même pas besoin d’hausser le ton on va s’écrasé comme un bon petit peuple de mouton.

RIDICULE ce projet de loi! Le code criminel interdit déjà les discours haineux! Pourquoi s’ enfarger dans les fleurs du tapis! Les seul gagnants de ce projet de loi sont les extrémistes musulmans et non les juifs,crhétiens, hindous,boudhiste etc…

Ai-je bien lu quelque part que notre PM était un homme intelligent???
Plutôt rusé et opportuniste?
Bravo pour cet article des plus pertinent!

« ….ce projet qui va conférer à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec (CDPDJQ) le pouvoir de sanctionner l’expression des discours haineux ou des discours incitant à la violence. »
Ce sera une condamnation….sans appel possible. Si je juge cette condamnation injuste, je n’aurai aucun recours. C’est tout simplement inconcevable.

Le pire danger, ce sont les primaires instruits de la classe militante, qui après avoir fait dire n’importe quoi au mot « fascisme », puis au mot « racisme », s’apprêtent à faire dire n’importe quoi au mot « haineux ». Alors que les antagonismes sont centraux à la démocratie (laquelle a déjà été définie fort justement comme « an agreement on how to disagree », un accord sur la façon d’être en désaccord), une curieuse idéologie bonne-ententiste et unanimiste prend tout antagonisme pour de la haine. Or vouloir annuler les antagonismes, les conflictualités (« vous êtes pas tannés de la chicane » / « this is divisive ») ne peut que les faire monter jusqu’au plafond.

Donner à la très militante et très borgne Commission des droits de la personne une espèce de chèque en blanc pour poursuivre n’importe quel citoyen au langage un peu vert à la demande d’une organisation militante va instaurer le règne de la peur et une forme de « maccarthysme de gauche »..Une fois adopté ce projet de loi funeste, vous allez voir le sens des mots « haine » et « haineux » s’étirer, se galvauder, se slacker sans cesse davantage pour englober in fine n’importe qui osant contredire la vulgate.

Électeur libéral (lors des dernières élections en tout cas), je ne comprends pas comment un Parti libéral peut accoucher de cette loi liberticide. Dans une démocratie, toute vulgate et toute croyance est sujette à essuyer d’âpres critiques, à se faire décortiquer et retourner comme une crêpe par des penseurs, des satiristes, des pamphlétaires, des citoyens de toutes sortes et de tous bords. La liberté de ne pas être contredit est un non-sens.

Cette loi ne nous interdit pas de critiquer ou de se moquer d’un groupe de personne, elle nous interdit l’appel à la haine et a la violence contre un groupe de personne.
Être contre ce projet c’est demander d’avoir le droit d’appeler à la violence contre un groupe de citoyens.

Allons donc, citoyen Jean, vous savez très bien que n’importe quoi et son contraire va être qualifié d' »appel à la haine », selon les lubies idéologiques de la Commission, qui prend pour raciste quiconque n’est pas d’une minorité. (Voir par exemple la rhétorique aussi discrète qu’étrange sur les « groupes racisés » (rigoureusement sic), qui parsème le jargon de la Commission et qui pose comme un fait accompli, comme une évidence allant de soi, l’ultime désastre humain que Hannal Arendt (et Benedetto Croce avant elle) appelaient « la transformation des peuples en races ». Ce qui dans le même souffle n’empêche pas du tout ladite commission, apparemment, de prêter une oreille ô combien favorable à une chose qui s’appelle le Centre de recherche-action sur les relations… raciales !!! (rigoureusement sic).)

Eh mais dites donc,parlant de rhétorique, je viens de faire un « double-take », citoyen Jean.

Vous écrivez en effet : « Être contre ce projet c’est demander d’avoir le droit d’appeler à la violence contre un groupe de citoyens. »

Oh, là, là. Donc, si je m’oppose au projet de loi 59 en raison de ses abus hautement prévisibles – ainsi que du jeu de saute-mouton judiciaire de la Commission, qui n’aura plus besoin de la plainte en bonne et due forme d’un citoyen pour sévir à sa guise – alors c’est que je cache un agenda haineux caché, c’est ça ? Mon opposition au projet de loi 59 s’explique par mon intention secrète de lancer des appels à la violence, c’est bien ça ?

Cette forme de chantage captieux confirme les pires craintes.exprimées dans mon message initial. Merci, en un sens, de cette précision.