Emploi : le Québec à contresens du Canada

Le Canada ajoute des emplois dans le secteur privé et en perd dans le secteur public, alors que c’est l’inverse au Québec. 

Politique

Les chiffres sur l’emploi de février sont arrivés vendredi dernier. (On en parlerait sans doute davantage si l’atterrissage de Pierre Karl Péladeau au PQ en fin de semaine, après des mois de rumeurs démenties, n’occupait pas soudain tout l’espace médiatique. J’en parlerai bientôt moi aussi.)

Revenons aux chiffres sur l’emploi pour un instant. Certains s’attardent à la perte de 26 000 emplois du mois dernier mais, comme le souligne entre autres Gérald Fillion, les tendances à plus long terme sont plus intéressantes.

Il y a un débat en cours sur la question des emplois à temps plein et ceux à temps partiel. Et il y aura certainement un débat important, et possiblement partisan, sur les causes sous-jacentes de cette hausse soudaine du chômage au Québec.

Les chiffres qui m’ont le plus frappé, toutefois, sont les suivants :

Emplois-cr-s-ou-perdus-depuis-un-an-Secteur-public-Secteur-priv-_chartbuilder (3)Ces chiffres sont frappants parce qu’ils illustrent des tendances complètement opposées, à deux niveaux.

Premièrement, le Canada crée plus d’emplois qu’il n’en perd. Au Québec, c’est l’inverse : on perd plus d’emplois qu’on en crée.

Deuxièmement, le Canada ajoute des emplois dans le secteur privé et en perd dans le secteur public, alors que c’est l’inverse au Québec. Au cours de la dernière année, le Canada a créé, grosso modo, trois fois plus d’emplois dans le secteur privé qu’il en a perdus dans le secteur public, alors que le Québec a perdu, grosso modo, deux fois plus d’emplois dans le secteur privé qu’il en a créés dans le secteur public.

Ces chiffres soulèvent quelques questions.

Premièrement, la création d’emplois dans le secteur public est toujours plus délicate à analyser dans la mesure où elle est a priori manipulable par un gouvernement.

Un État peut encourager la création d’emplois dans le secteur privé par l’entremise de politiques favorables à la croissance ou de subventions directes ou indirectes, mais il ne peut pas simplement décréter que le secteur privé embauchera 100 000 personnes au cours du prochain mois. Ces embauches privées dépendent de la conjoncture économique réelle, et non des vœux politiciens.

Par contre, un gouvernement pourrait théoriquement décider de créer 100 000 emplois dans le secteur public du jour au lendemain. Il suffirait, par exemple, que le ministère des Finances embauche 100 000 personnes pour cirer les trottoirs de Montréal. Et paf ! En un mois, le Québec ajoute 100 000 emplois, il réduit son taux de chômage et se dirige vers 1,2 million d’emplois «créés» en un an.

Ce serait évidemment loufoque. On aurait fabriqué des emplois avec du vent, en utilisant les fonds publics pour gonfler les statistiques tout en endettant le Québec davantage.

La création d’emplois dans le secteur public est problématique dans la mesure où, la plupart du temps, elle n’a pas pour effet de créer de la richesse (qui pourrait ensuite être partagée). En effet, contrairement au secteur privé, la création d’emplois dans le secteur public n’injecte pas «d’argent neuf» dans le système : elle ne fait généralement que distribuer à plus de personnes la richesse existante (ou empruntée).

Cela ne veut pas dire que les employés du secteur public — des enseignants aux policiers, en passant par les infirmières et les conducteurs de métro — soient inutiles. Loin de là. On peut débattre de l’enrichissement collectif qui découle de services publics plus accessibles, des vertus socioéconomiques d’une société plus égalitaire, ou des avantages intangibles d’une fonction publique mieux traitée.

Mais alors qu’on associe généralement les termes «création d’emplois» à une forme de croissance économique, l’association ne tient pas réellement la route dans le cas du secteur public (sauf quand l’État joue un rôle commercial).

Au sens strict, la croissance et l’enrichissement collectif passent le plus souvent par la création d’emplois dans le secteur privé, où ceux-ci sont justifiés par une hausse de l’activité économique réelle.

La nuance entre la création d’emplois publics et privés est importante. Et, depuis un an, elle n’avantage pas le Québec.

* * *

À propos de Jérôme Lussier

Jérôme Lussier est juriste et journaliste. Au cours des dernières années, il a notamment travaillé à Radio-Canada et tenu un blogue au journal Voir, en plus d’avoir été conseiller politique à la Coalition Avenir Québec. Il blogue sur les enjeux sociaux et politiques contemporains à L’actualité depuis 2013. On peut le suivre sur Twitter : @jeromelussier.

Les commentaires sont fermés.

Quand on regarde les chiffres, on peut se poser la question : qui a dit que l’austérité est opposé la prospérité? À regarder les chiffres du Canada, on voit que le ménage dans le secteur public a un effet positif sur l’emploi. Au moins, on a des politiciens qui comprennent l’économie à certains paliers de gouvernement.

D’accord avec vous, l’État ne créé pas de richesse en la diluant. Question : est-ce que les données d’emploi du Canada incluent celles du Québec? Ou s’agit-il de données du « ROC » excluant celles du Québec?

Remarquez Monsieur Lussier que le privé ne créée pas toujours de la richesse. Les agences publicitaires embauchent du monde mais les sommes investies des entreprises qui font appel aux publicitaires sont des argents qui ne seront pas disponibles pour moderniser ou augmenter la production. Aussi, l’impact économique d’Hydro-Québec dans la province est non négligeable : Hydro produit et distribue de l’énergie à bon nombre d’entreprises qui, comme Alcoa, sont privées (et pas seulement à elles). Ici on a Hydro, une entreprise d’état et des publicitaires, des entreprises privées…

C’est rafraîchissant de voir un commentaire comme le vôtre, qui ne se contente pas de rabâcher les mêmes lieux communs et fausses évidences qui dispensent certains de penser.

Si ces emplois servent à réparer des routes, des viaducs et des infrastrutures (Ecoles, Hopitaux ), des matériaux et des équipements ne seront-ils pas vendus, les travailleurs ne consommeront-ils pas davantage, n’achèteront-ils pas cette troisième voiture qui leur procura enfin le bonheur ??? On jase là…

Bien sûr, un équilibre est souhaitable, mais en conjoncture économique (mondiale) telle que nous vivons, ces investissements de l’état sont plus que bienvenus même en empruntant, les économistes parlent d’effet de levier pour le Privé, mais pour le méchant Etat… Vous savez, celui qui propose des lois, pour contenir un capitalisme, qui bien encadré, peut faire des merveilles ( c’est documenté ); MAIS lorsqu’il est laissé entre les mains de certains Vautours qui oeuvrent activement à affaiblir les gouvernements de chaque pays (mondialisation à gogo) et à dérèglementer à outrance, il peut aussi faire des ravages impitoyables… (C’est aussi documenté !!!)

Demandez à ce qu’il reste de la classe moyenne aux USA, des millions de citoyens comme nous, qui ont tout perdu, grâce à du CRÉDIT PRÉDATEUR.
Evidemment, tout cela a créé de la richesse et même beaucoup de richesse…. au 1% ultra-riche qui, À EUX SEUL, réussissent à maintenir le PIB américain à son niveau actuel… Le rêve américain en a pris pour son rhume !!!

Moi ce que j’en dis … mais je ne suis pas économiste… Joseph, lui, oui » LE PRIX DE L’INÉGALITÉ » par Joseph E. Stiglitz. (Prix Nobel d’économie)

Plus près de nous, au Canada : LES MILLIARDAIRES: Comment les ultra-riches nuisent à l’économie. Par Linda McQuaid et Neil Brook.

Pour ceux que l’économie rebute: Lle Pique-Nique des Vautours « , de Greg Palast ( Se lit comme un roman d’espionnage journalistique…Passionnant)

RENSEIGNONS-NOUS: Qu’ils disaient (:-) Nous deviendrons de meilleurs électeurs… Ah ! On jase

Merci pour ce commentaire. Je me sens parfois un peu seul dans les commentaires de certains auteurs de l’Actualité. J’en viens à attraper des boutons chaque fois que j’entends des termes aussi galvaudés que «création de richesse» et «trickle down economy».
À votre liste de titres, j’ajouterai «J’accuse l’économie triomphante» du Pr Albert Jacquard et «L’Empire de la honte» de Jean Ziegler.

Jérôme Lussier devrait garder ses sujets de blogue dans le domaine politique au lieu de s’aventurer dans une chronique économique, parce que je viens de lire un tas d’âneries.

Vous écrivez : « Ces embauches privées dépendent de la conjoncture économique réelle, et non des vœux politiciens. »

En fait, vous touchez à la vraie question : De quoi dépendent les embauches et je parle ici de toutes les embauches car publiques ou privées, les unes découlent de l’autre et inversement ?

En sorte que les employés du secteur public sont aussi les acteurs de la croissance économique et de la production de richesse contrairement à ce que vous postulez.

Il serait trop long je pense d’évoquer dans le détail l’ensemble des réponses qui pourraient être formulées sur ce questionnement, d’autant qu’on parle beaucoup de conjoncture, y compris encore tout récemment madame Marois précisément sur ce sujet de l’emploi. J’essayerai néanmoins de définir quelques pistes d’investigations.

La conjoncture repose principalement sur deux arguments : Des hypothèses et des postulats. Si les deux se rencontrent, alors il se crée des emplois. Si l’un ou l’autre foirent, il se perd des emplois. Et si les deux foirent simultanément, il se perd encore plus d’emplois et cela peut conduire à une crise.

La réalité, c’est que lorsque la conjoncture n’est pas terrible, on trouve toutes sortes de très bonnes raisons : le prix du pétrole, le taux de change, le ralentissement de la Chine ou les changements de comportement des consommateurs, etc. pour justifier toutes ces pertes d’emplois et ou le ralentissement de notre propre économie.

Toutes ces explications satisfont les gens. Pourtant sont-elles satisfaisantes réellement ?

Pourquoi certains pays comme l’Autriche, s’efforcent de maintenir les gens au travail même en cas de ralentissement ? Simplement parce que pour les Autrichiens, le travail cela a une valeur, une personne qui peut travailler, qui est apte au travail, qui peut s’adapter aux diverses contraintes du travail, cela a une valeur et cela se paye. Et comme donc ce sont les travailleurs et les travailleuses qui ont une valeur. Eh bien on s’efforce de mettre tout en œuvre pour les conserver.

Au Québec, c’est quoi la valeur des gens ? Certains sont payés très chers pour une productivité parmi les pires des pays membres de l’OCDE, tandis que d’autres travaillent comme des damnés pour ne jamais être en mesure de joindre les deux bouts.

— Où est-ce que je veux en venir ? Eh bien c’est très simple : il n’y a rien de pire que les inégalités si vous voulez tuer les emplois. Au Québec, on compense cette réalité par une plus grande place faite au secteur public et parapublic. Si par bonheur la conjecture est meilleure, l’État Québécois a plus de revenus, il peut donc comme donneur d’ordres ou comme maître d’ouvrage contribuer à créer plus de jobs.

Ainsi, la prospérité du Québec est-elle très dépendante de la capacité de dépenser du secteur public. De sorte que la création ou la non création d’emplois au Québec n’est pas à proprement parler conjoncturelle, elle dépend simplement de la capacité de l’État de produire de la richesse par une plus grande redistribution et si possible par plus d’économies en coupant les coins ronds ou encore par le truchement de transferts fédéraux si possibles bonifiés.

Pas sûr qu’un patron qui dévalorise à l’occasion ses meilleurs employés soit vraiment dans ce cas l’homme de la situation. À qui d’après-vous est-ce que je fais allusion ?

Là Serge, cela redevient possible… le désaccord et le respect…

Vous écrivez: » Où est-ce que je veux en venir ? Eh bien c’est très simple : il n’y a rien de pire que les inégalités si vous voulez tuer les emplois. » Tout faut: Allez voir dans les pays émergents… Ça travaille en masse !!! Dans les usines de la Thaîlande, même la nuit ça travaiile beaucoup, des emplois y en a même pour les enfants….

Vous n’avez pas fait vos devoirs, à tous âges, on peut encore apprendre, Je vous avait suggéré de lire: » LE PRIX DE L’INÉGALITÉ » par Joseph E. Stiglitz, prix Nobel d’économie.

Vous m’avez répondu que vous le connaissiez… Il me semble que non finalement… Le Canada est, encore, un pays ou l’égalité dans la répartion de la richesse et encore plus au Québec… Parmi les pays post-industrialisés, les pays ou il y a le plus d’inégalité sont les USA, le Royaume-Unis et l’Australie ou l’autriche ( AH mémoire…) Allez vérifier s.v.p.

Le secteur publique est très important pour BALISER un secteur privé lorsqu’il cherche à devenir exagérément prédateur… Un équilibre doit exister, il peut, peut-être, être moins performant dans le court terme ( disons au mois de février (:-) que dans les pays ou cet équilibre n’existe pratiquement plus, provoquant ainsi des crises financières à répétions dans le monde entier (grâce aux bienfaits de la MONDIALISATION qui ont frappés de plein fouet plusieurs économies même celles plus égalitaires…

Excusez moi mais j’adore cette formulation !!!! (:-)

Vous n’avez rien compris de ce que j’ai écrit, vous ne savez pas lire tout simplement, la seule chose que vous sachiez faire c’est prendre systématiquement la contre-partie de ce que j’ai écrit.. Pour vous fabriquer du capital de popularité.

Prenons un exemple concret : j’ai écrit : « En sorte que les employés du secteur public sont aussi les acteurs de la croissance économique et de la production de richesse contrairement à ce que vous postulez. »

— En quoi cela est-il si différent de ce que vous écrivez ?

Le hic, voyez-vous, c’est la seule affirmation dans votre texte qui a du sens, pour le reste … c’est aussi faible que ce que Jérôme Lussier a écrit.

La création de la richesse n’est pas une propriété magique du privé. Si une trentaine de milliards de $ de soins de santé étaient faits en dehors de l’assurance publique mais en chargeant le même montant moyen et en faisant pas de profit, ça coûterait quand même une trentaine de milliards de $, et on dirait que le travail accompli vaut une trentaine de milliards de $. La différence est que l’État fait de la redistribution de revenus en même temps (sous forme d’impôts et de déductions d’impôts), mais ça devrait pas disqualifier les soins de santé en tant que richesse créée au Québec.

Il semble que juste le fait que quelque chose soit effectué par le secteur public déboussole bien des gens sur la nature de la chose accomplie.

On peut aussi recommencer l’exercice avec un cirage de trottoirs qui serait effectué par le privé en engageant cent-mille personnes : qu’est-ce qui est fondamentalement différent dans ce cas ?