Santé : le plan de match de Danielle McCann

La ministre de la Santé l’avoue : l’accès à la première ligne de soins au Québec « n’a pas de bon sens ». Pour améliorer les services et désengorger les urgences, elle a un plan de match en trois étapes qui devrait donner des résultats avant la fin de son mandat. Grande entrevue.

Photo : Rodolphe Beaulieu

Cette entrevue a été publiée le 5 février 2020. 

« Ça n’a pas de bon sens ! Il y a quelque chose d’anormal au Québec. Comment ça se fait que tout le monde n’a pas facilement accès à un médecin, alors qu’ailleurs au Canada, les citoyens l’ont ? » La voix demeure douce et le ton, maîtrisé. Pourtant, on entend la détermination de la ministre de la Santé et des Services sociaux. « Ça ne marche pas. C’est ça qu’on veut régler. »

C’est lorsque l’émotion gagne Danielle McCann, à mi-chemin de l’entrevue, que le contraste avec son prédécesseur, Gaétan Barrette, est le plus saisissant. Elle ne frappe pas du poing sur la table. N’a recours à aucun effet de toge pour impressionner ses interlocuteurs. 

Que ce soit en entretien avec les journalistes ou dans ses interactions avec les intervenants du réseau de la santé, Danielle McCann, 67 ans, incarne l’anti-Gaétan Barrette. Depuis un peu plus d’un an, c’est un virage à 180 degrés qui s’opère dans le style de gestion du ministère qui administre le plus important poste budgétaire de l’État québécois.

Alors que l’ancien ministre libéral se déplaçait en grande pompe dans les corridors des hôpitaux ou du ministère de la Santé, remuant tout sur son passage, Danielle McCann, telle une petite souris, passerait inaperçue si elle n’avait pas ses attachés politiques sur les talons. Il aimait l’affrontement. Elle affectionne le compromis. Même lorsqu’elle écorche les médecins de famille qui ne « travaillent pas assez », la voix est posée et le sourire, jamais très loin.

Le réseau de la santé est passé d’un patron médecin spécialiste qui, avant son entrée en politique, était radiologiste d’intervention, un poste qui trône au sommet de la chaîne de paye, à une ministre qui a d’abord œuvré comme travailleuse sociale dans les hôpitaux, un emploi souvent considéré comme au bas de l’échelle des priorités du Ministère. À l’époque où Gaétan Barrette était le bagarreur en chef de son puissant syndicat, Danielle McCann, elle, son diplôme de MBA de HEC Montréal en poche, était de l’autre côté de la table. Elle a en effet gravi les échelons comme gestionnaire dans le réseau, jusqu’à celui de PDG de l’énorme Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, un poste qu’elle a occupé de 2012 à 2014.

Gaétan Barrette a songé à se lancer en politique pendant des années avant d’y faire le saut. Danielle McCann, elle, à la retraite depuis quatre ans, s’est laissé convaincre par François Legault alors que la campagne électorale était déjà en marche, en 2018, à l’occasion d’une rencontre à la maison d’Outremont du politicien. « Ça ne m’a même pas pris 24 heures pour décider ! »

Quel argument a utilisé le chef de la Coalition Avenir Québec pour attirer la future ministre de la Santé dans ses rangs ? « Il m’a parlé de modifier le mode de rémunération des médecins de famille. C’est la clé pour changer le système », raconte-t-elle. À ce jour, c’est encore sa grande priorité, avec l’augmentation des actes médicaux sans supervision pour les pharmaciens et les infirmières praticiennes spécialisées.

À aucun moment Danielle McCann n’a eu l’intention de défaire les réformes mises en place par Gaétan Barrette. « C’est la première fois depuis des années qu’il n’y a pas de changement de structures en marche. Il y a eu tellement d’énergie dépensée. Ça a été très dur pour le personnel. Il y a aussi eu des compressions budgétaires qui ont laissé des traces », dit-elle.

L’actualité a rencontré la ministre dans son bureau parfaitement rangé du centre-ville de Montréal, où aucun papier ne traîne, ni sur sa table de travail ni dans sa bibliothèque près des grandes fenêtres. « Je range tout dans les armoires. Il faut que mon environnement soit libre et clair. » Tout comme ses idées, aurait-elle pu ajouter, puisque Danielle McCann sait très bien comment elle souhaite réorienter le paquebot que représente le ministère de la Santé.

Photo : Rodolphe Beaulieu

Vous êtes à la tête du ministère le plus lourd et le plus complexe de la province depuis un peu plus d’un an. Est-ce plus ardu que vous le pensiez ?

Ce qui m’a aidée, c’est mon expérience de 30 ans dans le réseau. Honnêtement, ma courbe d’apprentissage la plus abrupte, je l’ai vécue lors de mes premiers mois en politique ! 

C’était plus difficile que de diriger le ministère de la Santé ?

Ah oui ! L’ajustement à la joute parlementaire, à la période des questions… Juste me retrouver dans le labyrinthe de l’Assemblée nationale, ouf ! [Rire]

Parce que ça ressemble un peu à un spectacle ?

Parfois oui, et il faut le reconnaître. Mais je vois ça aussi comme une occasion d’expliquer certains dossiers à la population dans un langage que les gens saisissent. Quand je parle de la joute politique, je fais surtout allusion au cheminement des projets de loi, qui est beaucoup plus long que je l’imaginais. Je comprends l’importance du processus avec les partis d’opposition, les consultations et tout, parce qu’on est en démocratie, mais je suis une femme de résultats et il arrive que je m’impatiente. Mais bon, ce sont des dossiers complexes, sinon, tout ça aurait déjà été fait !

Vous avez récemment conclu une visite du réseau de la santé d’un bout à l’autre du Québec. Est-ce que quelque chose vous a surprise ?

Oui, même si je connaissais déjà la plupart des problèmes. Je me suis aperçue qu’il y a eu une détérioration du réseau. Il y a plus d’améliorations à apporter que je le croyais. 

Par exemple ?

Les services sociaux. Ça s’est détérioré, on le voit. On veut réparer les choses.

L’accès à des services de base dans les régions éloignées ou dans les petits milieux, c’est aussi un problème. Ça a été une révélation durant ma tournée du Québec. On a donc remis en place des services dans certains secteurs, comme La Malbaie ou La Sarre, notamment en obstétrique. On a annoncé l’embauche d’infirmières dans des CLSC de l’Outaouais où on avait aboli des postes ces dernières années. Lors des annonces, des gens pleuraient de joie, tellement ils avaient travaillé fort pour obtenir ces services. Et je les comprends. La population est vieillissante, on ne peut pas demander aux malades de faire 100 km pour aller chercher des services de base ! On parle souvent de la grande région de Montréal, où c’est vrai qu’il y a plusieurs problématiques, mais il y a des problèmes à régler dans l’ensemble des régions du Québec.

Je tiens aussi à dire que de belles choses se passent hors des grands centres. Je suis allée aux Îles-de-la-Madeleine, en Gaspésie, sur la Côte-Nord… Les défis n’y sont pas les mêmes qu’à Montréal. Dans ces secteurs, les urgences vont mieux, parce que la densité de population est moins forte, c’est vrai, mais également parce que le travail de collaboration est meilleur entre les hôpitaux, les CLSC et les cliniques. Il y a beaucoup de concertation. Il faut apprendre de ça.

De vos fonctions antérieures, de votre carrière, qu’avez-vous trouvé utile en devenant ministre ?

J’ai été travailleuse sociale en milieu hospitalier pendant les 10 premières années de ma carrière. J’étais en protection de la jeunesse.

Tiens, un dossier qui revient dans l’actualité… 

Regardez donc ça ! En protection de la jeunesse, ce sont souvent des jeunes professionnels, alors il leur faut plus de soutien et d’encadrement. C’est là-dessus que mon collègue Lionel Carmant travaille. Je sais très bien à quoi [les jeunes professionnels] doivent faire face.

Parmi vos priorités, il y a le changement de mode de rémunération des médecins omnipraticiens. Pourquoi ?

C’est le changement le plus fondamental qu’on va apporter dans le réseau de la santé. On veut arriver à un mode de rémunération qui se nomme la « capitation mixte ». Présentement, les médecins de famille sont payés en majeure partie à l’acte, puis à forfait pour environ 30 % de leur salaire. On veut inverser ça. On veut que la majeure partie de leur rémunération provienne de la prise en charge des patients. C’est déjà le cas dans d’autres provinces, comme en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Ça nous ouvre tout un champ de possibilités. Ça peut vouloir dire que le médecin interviendra davantage par téléphone ou même par Internet.

L’objectif, c’est d’améliorer l’accès aux médecins pour que la première ligne soit plus efficace… 

Exactement. On est en 2020 ! Il faut qu’on s’organise pour débloquer du temps. Je vous donne un exemple : on vous a fait des prélèvements et vos tests sont négatifs, tout est beau. Avez-vous besoin de revoir votre médecin ? Pas sûr. On a des rencontres avec le Collège des médecins et la Fédération des médecins omnipraticiens pour voir comment arriver à changer ça. Qu’est-ce qui pourrait être fait par téléphone ou par Internet par nos médecins de famille ? On ne réinvente pas la roue, je vous le dis, ça existe ailleurs ! Au Nouveau-Brunswick, le téléphone et Internet représentent la moitié du temps des médecins de famille. Nos médecins sont intéressés par ces modalités.

Il y a une ouverture de la part des médecins ?

Oui. Et de la part du Collège des médecins aussi. J’appelle ça « grandir de l’intérieur ». C’est un moyen d’augmenter l’offre de service, parce qu’on ne peut pas avoir 20 000 médecins de famille au Québec. Il faut changer la façon dont on pratique.

C’est pour quand ?

Je suis un peu comme notre premier ministre, parfois je suis impatiente ! Il y a cependant des étapes à suivre. Je sympathise avec les citoyens. On aimerait changer le système très, très rapidement, mais ce sont de gros changements. Il faut modifier les règles de déontologie du Collège des médecins, revoir leur rémunération et donc changer le système de paye de la RAMQ, avoir une entente de principe avec la Fédération des médecins omnipraticiens… Ça progresse, mais je souhaiterais qu’on accélère. 

Les médecins doivent-ils prendre en charge plus de patients ?

On aimerait que les médecins travaillent davantage, je ne vous le cache pas. Il y en a qui travaillent beaucoup, mais un certain nombre de médecins, peut-être 2 000 sur 9 000, ont moins de 1 000 patients à leur charge. La moyenne au Canada, c’est 1 500. Au Québec, c’est 1 000. Donc, parmi nos médecins de famille, on aimerait que ceux qui travaillent moins travaillent plus.

Le réseau compte maintenant beaucoup de femmes médecins. Elles ont des enfants et cherchent la conciliation travail-famille…

On veut aider tout le monde. Si la façon dont le médecin intervient change, ça va lui permettre de gagner du temps. Il y aura plus de délégation à d’autres professionnels, parce que lorsqu’un médecin est payé globalement, pour un patient, et non pas pour chacun de ses gestes, ça l’incite peut-être davantage à confier des tâches à d’autres. Certains le font déjà, mais il faut le faire plus.

Vous pensez aux infirmières ?

Oui, mais aussi aux travailleurs sociaux, aux psychologues… Je pense à l’ensemble des professionnels. Comprenez-moi bien, je ne dis pas que les médecins de famille ne délèguent pas, mais une amélioration serait souhaitable. On est prêts à les aider, mais pour ça, il faut changer la façon dont les médecins de famille pratiquent. On ne peut pas attendre. 

Lorsqu’un médecin est payé globalement, pour un patient, et non pas pour chacun de ses gestes, ça l’incite peut-être davantage à confier des tâches à d’autres. Certains le font déjà, mais il faut le faire plus.

Quelle est votre deuxième priorité ?

Ajouter des infirmières praticiennes spécialisées, et leur permettre d’accomplir plus d’actes sans supervision. Vous ne pouvez pas savoir l’effet psychologique positif que ça a sur les infirmières et infirmiers du Québec. Enfin, on reconnaît leurs compétences. Mais il faut également leur permettre de déployer davantage ces compétences. On a 600 infirmières praticiennes spécialisées, des IPS. On va en avoir 800 à la fin de 2020. On en veut 2 000 en 2023. Et 2 000, c’est un minimum. Il y en a 3 000 en Ontario.

Vous sentez de la résistance ?

C’est toujours comme ça quand il y a des changements de pratique. Les médecins veulent s’assurer que ça va bien se faire et qu’ils n’y perdront pas au change. On va s’occuper de ça, parce qu’il faut accomplir ces changements. Avec le projet de loi 43, les IPS vont pouvoir poser certains diagnostics, déterminer des plans de traitement et effectuer des suivis de grossesse. Ça va débloquer du temps aux médecins, qui pourront voir plus de patients. On évalue que ça pourrait représenter 25 % du temps des IPS et débloquer d’autant celui des médecins qui les supervisaient. Supposons qu’il y en a 500 en première ligne, faites le calcul : ça veut dire 500 médecins qui les supervisent actuellement et qui pourront faire autre chose !

Ce qu’on entend de la part des IPS, c’est qu’il y a quand même de la résistance du côté des médecins, qui ne veulent pas leur donner les pleins pouvoirs. Il y a encore des chasses gardées.

C’est vrai, mais si le projet de loi 43 est adopté, ce sera un gros changement. Ils n’auront pas le choix. Et je pense que la plupart des médecins sont très ouverts à ça. En faisant le tour du Québec, j’ai rencontré des médecins qui travaillent avec des IPS et plusieurs sont déjà au maximum de leur utilisation dans le cadre de la loi actuelle.

Vous parliez des médecins qui pourraient faire plus d’actes par téléphone ou par Internet afin de gagner du temps. Où en est-on avec la télémédecine ? Poser des diagnostics simples par vidéoconférence et remettre des ordonnances par Internet, ce qui éviterait de se rendre aux urgences… ça se fait déjà dans le privé. Qu’est-ce qui nous retient de le faire à grande échelle dans le système public ?

Je suis contente que vous le mentionniez, parce que c’est une autre solution. Quand je suis arrivée en politique, ça m’a étonnée de voir que le chantier de la télémédecine n’avait pratiquement pas avancé pendant ma retraite de quatre ans. Lorsque j’ai quitté le réseau, en 2014, on en parlait pourtant beaucoup. Il y a bien quelques réalisations, mais c’est ça le problème au Québec : on a des initiatives à certains endroits, mais on ne les propage pas dans toute la province. Ça va changer. La télémédecine, on fait un effort pour la développer. Ce que vous décrivez, c’est vers ça qu’il faut aller, mais le Collège des médecins doit revoir le code de déontologie. Les citoyens sont prêts à ça. 

Notre système est un peu archaïque…

Oui, et il va falloir se mettre à la page. C’est pour ça que ma troisième priorité pour améliorer l’accès aux soins, ce sont les pharmaciens et le projet de loi 31. 

Vous souhaitez leur donner plus de pouvoir ?

Absolument. On a presque 2 000 pharmacies au Québec. C’est du monde ça, et c’est pas loin de chez vous. Les pharmaciens doivent pouvoir intervenir lors de problèmes mineurs, comme la grippe, le zona, les infections urinaires, les conjonctivites… Il y a une trentaine de problèmes comme ça. Et dans le projet de loi, on a spécifié que ces services doivent être gratuits pour les citoyens.

Pourquoi ça bloque ?

Parce qu’il faut discuter de la rémunération avec les pharmaciens, de la compensation à leur verser pour qu’ils accomplissent ces gestes. Et c’est l’argent des contribuables, alors il faut que ce soit gagnant-gagnant. On a une approche raisonnable et on va prendre le temps. Ce serait une avancée très importante, surtout que ça existe ailleurs, notamment en Floride. On ne réinvente pas la roue. 

Photo : Rodolphe Beaulieu

Parlons du temps d’attente aux urgences. La promesse de la CAQ, c’est 90 minutes maximum avant de voir un médecin. Or, la moyenne au Québec est de 2 h 30. Allez-vous y arriver ?

Notre engagement est maintenu. Je réfléchis à ça. 

Ça nous rassure que vous y pensiez !

[Rire] Ah oui, et j’y pense beaucoup, même ! Pendant mes 30 ans dans le réseau, on ne parlait que d’accès aux soins, mais on n’a jamais mené à terme les changements nécessaires. Là, il faut aller jusqu’au bout. Dans les pays où la première ligne est forte, il n’y a pas un engorgement aux urgences comme ici. Et les gens y sont plus en santé. On ne voit pas encore les effets des changements que nous sommes en train d’apporter. Les gens me disent, avec raison : « C’est encore 2 heures 30 d’attente à l’urgence en moyenne. » D’ici la fin du mandat, quand nos projets de loi auront été adoptés, que nous aurons changé le mode de rémunération des médecins de famille et permis plus d’autonomie aux IPS et aux pharmaciens, il y aura un effet, vous allez voir.

Donc, d’ici deux ou trois ans ?

Oui, oui, oui ! Vous savez, j’étais très enthousiaste quand je suis arrivée comme ministre, mais je fais maintenant plus attention à ce que je dis, parce que je vois l’ampleur et la complexité des changements.

Vous les aviez mal évaluées ?

Le cheminement d’un projet de loi, c’est parfois un an. Et ensuite, il faut élaborer les règlements, les instaurer… C’est long. Ce que je trouve le plus difficile, c’est que les citoyens soient encore mal pris. J’aimerais avoir une baguette magique. C’est pour ça qu’il faut bien expliquer à la population ce qu’on veut faire, répéter les étapes. Nous allons arriver à bon port. De toute façon, tous les acteurs de la santé, que ce soit les médecins, les IPS, les pharmaciens ou les autres professionnels, ils voient l’urgence de la situation. Ça n’a pas de bon sens !

Quand on dit que les infirmières représentent l’épine dorsale du système, je suis d’accord. Je veux les soutenir par tous les moyens. Je veux qu’elles aient de meilleures conditions.

Bien des experts du réseau de la santé nous disent que la pénurie de main-d’œuvre chez les infirmières est artificielle, puisqu’un nombre historique d’entre elles obtiennent leur diplôme chaque année depuis une dizaine d’années. Mais les conditions de travail difficiles font qu’au bout de cinq ans, beaucoup d’infirmières partent faire autre chose, travaillent à temps partiel ou s’en vont en congé de maladie. Avez-vous un plan pour améliorer leurs conditions et les convaincre de travailler à temps plein ?

Mon Dieu, quelle bonne question ! J’ai eu beaucoup d’échanges là-dessus avec Nancy Bédard, la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec. C’est effectivement un défi. Il y a encore 40 % des infirmières qui travaillent à temps partiel au Québec. Le gouvernement a ordonné à certains établissements d’afficher des postes à temps plein, mais les infirmières n’en veulent pas. Pas toutes, évidemment. Certaines sont très heureuses d’avoir un poste à temps plein, mais il y en a encore trop que ça n’intéresse pas. Il faut continuer de travailler sur ce dossier. C’est comme l’œuf ou la poule : plus on va avoir d’infirmières à temps plein, moins il faudra imposer des heures supplémentaires obligatoires. En passant, celles-ci ont commencé à baisser un peu. J’ai pris l’engagement d’éliminer les heures supplémentaires obligatoires d’ici la fin du mandat.

Quand on dit que les infirmières représentent l’épine dorsale du système, je suis d’accord. Je veux les soutenir par tous les moyens. Je veux qu’elles aient de meilleures conditions. Je ne sais pas encore si on a arrêté l’hémorragie, mais les derniers bilans que j’ai reçus montrent en tout cas qu’on a plus d’infirmières dans le réseau que l’an passé. 

Le problème est semblable pour les préposés aux bénéficiaires, dont les conditions de travail sont difficiles, ce qui rend la profession moins attirante. Pour eux aussi, les heures supplémentaires obligatoires sont une plaie. Qui a le goût d’être forcé à travailler 16 heures d’affilée quand il a une famille à la maison ? Or, on va devoir pourvoir 33 000 postes d’ici cinq ans dans les CHSLD…

Il y a une plus forte proportion d’employés à temps plein chez les préposés aux bénéficiaires que chez les infirmières, mais c’est sûr que les résultats ne sont pas au rendez-vous comme on l’aurait souhaité. Je vais être bien franche avec vous, on a mis des mesures en place, du coaching, des bourses… mais il va falloir qu’on trouve d’autres mesures pour attirer davantage ces personnes-là. Les préposés aux bénéficiaires, c’est une priorité.

L’accès à des services en santé mentale est vraiment difficile. Il y a même eu des cas documentés de suicide, faute d’avoir reçu des services. Est-ce que c’est un chantier pour vous ?

C’est majeur. On a tenu deux forums de consultation jusqu’à présent, autant pour les jeunes que pour les adultes et les personnes âgées. On va faire d’autres consultations dans plusieurs régions du Québec. On travaille avec les partis d’opposition là-dessus.

Comprenez-vous ceux qui se plaignent de ne pas avoir accès à des psychologues ou à des psychiatres dans des délais raisonnables ? La détresse est si forte…

Bien oui ! On est en train de revoir nos façons de faire, parce qu’on veut que le patient soit au bon endroit. Les psychiatres et les pédopsychiatres, c’est pour des situations plus complexes. Mais on a des organismes communautaires et des équipes en santé qui peuvent intervenir avec des psychologues ou des travailleurs sociaux. On est en train de réviser ce qui concerne le guichet d’accès en santé mentale. On revoit nos listes d’attente afin que plus de gens puissent profiter de ces services. Cette année, on investit 20 millions de dollars pour les adultes et 20 millions de dollars pour les jeunes. On met également sur pied un plan d’action national en prévention du suicide. On va continuer. Il y a tellement de besoins.

Concernant l’aide médicale à mourir, jusqu’où les Québécois sont-ils prêts à aller, selon vous ? Où est la limite ?

C’est un sujet délicat et complexe. On ne peut pas traiter ça — je vais prendre une expression populaire — sur le coin d’une table. On a choisi de laisser tomber le critère de « fin de vie », comme l’avait réclamé le tribunal, ce qui ouvre davantage l’accès à l’aide médicale à mourir. Ensuite, pour ce qui est de l’inaptitude et des directives anticipées, on va procéder à une vaste consultation qui sera très importante. Ce que je perçois, et on a des sondages qui le démontrent, c’est que les Québécois veulent qu’on aille plus loin. Beaucoup de gens nous parlent de l’alzheimer, entre autres. On a la chance d’avoir eu un rapport d’un groupe d’experts, en décembre, qui a réalisé un travail rigoureux. On va se baser là-dessus pour notre consultation. Par exemple, on va se pencher sur ce qu’on doit faire dans une situation où une personne consent à l’aide médicale à mourir, mais perd ses aptitudes dans le délai obligatoire de 10 jours entre la demande et l’acte. Ça peut certainement être amélioré.

Est-ce qu’il y a des possibilités que vous excluez d’emblée, comme le recours à l’aide médicale à mourir pour les mineurs, par exemple ? Est-ce qu’une personne de 15, 16 ou 17 ans pourrait être admissible ?

D’après les signaux que je reçois, on n’inclurait pas les mineurs dans la loi. Peu de pays pratiquent l’aide médicale à mourir chez les mineurs. Il y a la Belgique et jusqu’à un certain point les Pays-Bas. Il faut être très rigoureux dans notre approche et prendre le temps nécessaire.

Et en ce qui concerne les gens qui souffrent de graves problèmes de santé mentale, est-ce que vous sentez une ouverture de la part de la population ?

On entre dans une sphère où il faut respecter les droits des personnes qui ont un problème de santé mentale, mais sans que ça dérape pour autant. J’ai demandé un avis à la Commission sur les soins de fin de vie. Il faut qu’on ait une base solide, parce que le diable se cache dans les détails. Il faut retourner toutes les pierres. On va y aller prudemment et attendre les consultations. Cela dit, comme on a mis de côté le critère de « fin de vie », des gens avec des problèmes de santé mentale pourraient avoir accès à l’aide médicale à mourir, mais en respectant les cinq autres conditions de base de la loi : être assuré au sens de la Loi sur l’assurance maladie du Québec ; être majeur et apte à consentir aux soins ; être atteint d’une maladie grave et incurable ; être dans une situation médicale qui se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités ; et éprouver des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’on juge tolérables. Il s’agit de situations exceptionnelles où la personne a reçu des traitements sur une longue période et s’est avérée résistante à toutes les thérapies. En plus, on va demander au Collège des médecins d’adapter le guide de pratique. Par exemple, on pourrait ajouter, dans les cas de santé mentale, l’avis d’un psychiatre, pour renforcer l’expertise. On va suivre ça de près.

Les commentaires sont fermés.

Très bon article , c’est ce que j’appelle de l’information et ça fait du bien .Bravo à cette femme pour ses idées et sa volontés réelle de changer les choses et avec tact . Elle a un plan précis et ce n’est pas du pelletage de nuage . Aucun doute que ses idées vont porter fruit , dans les années a venir .

J’ai confiance en Mme McCan car elle procède avec une main ferme mais douce. Ce n’est pas un bulldozer comme on a connu. Elle connaît très bien notre système de santé et ses failles car elle a gravie les échelons contrairement à d’autres ministres de la santé qui travaillaient que pour améliorer leurs collègues spécialistes sans se préoccuper des autres intervenants du système comme les infirmières, les préposés et autres professionnels de la santé. La façon dont elle veut rémunéré les médecins de famille me semble très sensée et j’espère qu’elle va y arriver. Je comprends pas pourquoi qu’au Québec les IPS et pharmaciens sont pas encore utilisés à leur maximum comme ailleurs au Canada, va falloir que les médecins lâche du lest et ça urge.

Excellent texte. Les deux journalistes ont permis à la ministre de la Santé de s’exprimer sur l’ensemble des problèmes qu’elle a identifiés et sur les mesures qu’elle veut faire adopter par le gouvernement. J’ai confiance en madame McCann et je remercie Alec Castonguay et Marie-Hélène Proulx de leur excellente entrevue.

Il y aura engorgement de la première ligne tant qu’il n’y aura pas suffisamment de médecins. Il faut augmenter le nombre total de médecins, y compris le nombre de spécialistes. Pour cela, il faut que l’Odre des médecins réduise ses exigences démesurées. De trop nombreuses candidates et de trop nombreux candidats sont écartés. La file d’attente pour devenir médecin est vraiment très longue. On pourrait certainement réduire UN PEU les exigences en matière de formation et ainsi admettre chaque année au moins une centaine de candidates et candidats supplémentaires. Et si, en faisant cela, les médecins formés au Québec n’étaient plus admis à pratiquer dans les autres provinces ou aux USA, ce serait tant mieux, les gens qui auront été formés grâce à nos taxes n’iraient pas s’enrichir ailleurs et nous aurions alors tous les médecins que notre système aurait formés.

Il manque déja des places pour la formation adéquate et de bonnes qualités des médecins et l’on veut ajouter la formation des infirmières spécialisés qui se fait a la même place.Alors l’augmentation des places de formation!!

Il y a bien longtemps que nous savons que la rémunération à capitation pour les médecins est une clé pour améliorer qualité et accessibilité des services. Je suis très rassuré par les propos de notre ministre de la santé qui pour une fois n’est pas médecin et qui fait de la rémunération des médecin sa priorité.

Merci pour l’entrevue.

1-Concernant les résultats d’examen,lors de mon rendez-vous annuel,mon médecin a déjà les résultats des examens qu’il m’avait demandé l’année précédente et que je suis allé passer 2 semaines avant mon nouveau rendez-vous.
2-La confiance n’est pas encore établie entre la population et les super infirmiers,infirmieres.Et leurs prescriptions ne sont pas encore acceptées par les assurances privées. Exemple:on doit toujours avoir une prescription d’un médecin pour qu’une visite d’un psy soit remboursée.

Que les médecins en fassent plus? Non. Autrement.

Toujours en nostalgie des CLSC 24/7 ou, au moins, 18/7.
Et vive l’interdisciplinarité à son meilleur, à l’entraide concentrée ( la prochaidance, prévention, à la prochitude utile et solidaire, …)

Il est triste que la ministre simplifie a outrance les causes de la pénurie de médecins en première ligne .Elle oublie de mentionner que les omnipraticiens québécois sont les médecins qui travaillent le plus en milieu hospitalier .Je crois que le système de santé serait très mal pris si les omnipraticiens décidaient de déserter les hôpitaux pour ne travailler que dans leurs bureaux comme dans les autres provinces .Leurs solutions miracles sont les infirmières! Ou les trouvera-t-on? Dans les hôpitaux ou elles sont déja en pénurie? Devra-t-on fermer des lits par manque d’infirmières qui travailleront en prémière ligne?