Environnement : des semaines décisives pour Legault et Trudeau

D’ici la fin du mois de mars, les décisions de François Legault et Justin Trudeau en matière de lutte aux changements climatiques pourraient définir leur mandat. Et peut-être même dicter, en partie, l’ordre du jour de leurs prochaines campagnes électorales.

Photo : Daphnée Caron

Le mardi 12 novembre dernier, lorsque Gabriel Nadeau-Dubois s’est rendu dans les bureaux de François Legault, au troisième étage de l’édifice Honoré-Mercier sur la colline parlementaire, pour lui apporter un exemplaire de son nouveau livre sur les changements climatiques, les deux hommes ont eu une courte conversation. « Si tu pensais gagner les prochaines élections en 2022 sur l’environnement, tu auras besoin d’un plan B, parce qu’on va occuper beaucoup de terrain ! », lui a lancé un François Legault particulièrement de bonne humeur.

Le co-porte-parole de Québec solidaire était (et demeure) sceptique sur la volonté de la CAQ de mettre la pédale au plancher de l’effort environnemental, mais le premier ministre était sérieux. Il promet un plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre « ambitieux » et « musclé », tel qu’on n’en a « jamais vu au Québec », m’a-t-il dit en entrevue l’automne dernier, plaçant la barre bien haut.

À la mi-novembre, François Legault était plongé dans ses lectures sur la lutte aux changements climatiques. Des ouvrages comme Le New Deal vert mondial, de Jeremy Rifkin, et des études comme Trajectoires de réduction d’émissions de GES du Québec — Horizons 2030 et 2050, du cabinet de consultants montréalais Dunsky, trainaient sur son bureau.

Legault est un premier ministre impliqué dans les dossiers de ses ministres et le plan vert de son gouvernement ne fait pas exception. Le cœur de la stratégie tournera autour de l’électrification des transports et de l’économie en général. Au Québec, le secteur des transports émet 43 % des GES et c’est le secteur avec la plus forte croissance des émissions dans les dernières années.

Attendu quelque part en mars, ce plan est le point d’orgue d’une séquence verte que le gouvernement Legault a commencé à déployer avec l’annonce sur la consigne élargie la semaine dernière. D’autres annonces suivront : collecte sélective et débouchés locaux des matières recyclables, transports en commun (tramway, REM, etc.), matières organiques… À la fin mars, le gouvernement souhaite présenter un budget écrit à l’encre verte.

La réorganisation du tracé du troisième lien entre Québec et Lévis, afin d’y inclure davantage de transport en commun (et ainsi se donner la possibilité de mettre le gouvernement fédéral financièrement à contribution), entre dans cette série d’annonces.

Dans quelques semaines, le gouvernement Legault aura abattu la majorité de ses cartes en matière d’environnement afin de marquer le coup de sa deuxième année de mandat, qui se conclura avec un voyage de François Legault fin novembre à Glasgow, en Écosse, lors de la COP26 des Nations Unies, la grande messe de la lutte aux GES.

Est-ce que ce sera suffisant pour apaiser ceux qui jugent que la CAQ n’en fait pas assez ? Est-ce que ce sera de nature à étouffer les critiques concernant les projets de troisième lien routier à Québec et d’usine de gaz liquéfié à Saguenay ?

Les jeunes, notamment, continuent de se mobiliser pour mettre de la pression sur le gouvernement Legault. Les mêmes organisateurs à l’origine de la manifestation monstre du 27 septembre dernier à Montréal reprennent la lutte sous une nouvelle bannière : la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social (CEVES).

Une semaine de grève climatique, du 30 mars au 3 avril, dans les universités, les cégeps et les écoles secondaires est dans les plans. À ce moment, nous aurons déjà en main le plan de match du gouvernement Legault.

Justin Trudeau face à un dilemme cornélien

À Ottawa, Justin Trudeau doit prendre dans les prochaines semaines, probablement d’ici la fin du mois de février, l’une des décisions les plus importantes et controversées depuis qu’il est premier ministre. Le type de décision qui peut définir un mandat au pouvoir et même dicter l’ordre du jour de la prochaine campagne électorale.

Le premier ministre et son cabinet doivent approuver ou refuser le projet Frontier, une immense mine d’exploitation des sables bitumineux située environ 110 km au nord de Fort McMurray, en Alberta.

Piloté par l’entreprise Teck Resources de la Colombie-Britannique, le projet Frontier s’étendrait sur 292 km2, soit plus que la superficie de l’île de Laval (266 km2). On parle de 7500 emplois pendant la construction, puis de 2500 emplois très payants pendant les 40 ans d’exploitation. À la clé, 70 milliards de dollars de retombées économiques pour les gouvernements albertain et canadien.

Or, la vaste majorité du caucus libéral s’oppose à ce projet, tout comme une bonne partie du conseil des ministres, selon mes informations. La tension est vive et les discussions sont musclées depuis quelques semaines.

Des poids lourds autour de Justin Trudeau, comme son conseiller pour l’Ouest, Jim Carr, et la vice-première ministre, Chrystia Freeland, sont plutôt favorables au projet, moyennant des conditions strictes à respecter pour l’entreprise. Ils plaident que le gouvernement doit passer de la parole aux actes dans sa volonté d’aplanir les divisions régionales au pays et faire baisser la colère en Alberta et en Saskatchewan.

Le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, a déjà commencé sa cabale en faveur du projet, en faisant un enjeu d’unité nationale si le projet est refusé par Ottawa. « Franchement, ce serait une crise, parce que nous faisons déjà face à un manque de confiance dans la fédération, avec l’expression d’une énorme frustration, particulièrement en Alberta et en Saskatchewan », a-t-il dit au journaliste Louis Blouin de Radio-Canada. « Si ce projet n’est pas accepté par le gouvernement fédéral, ça envoie le message qu’aucun projet ne sera accepté à l’avenir, et ça, c’est un message épouvantable pour l’économie canadienne. »

Frontier a reçu le feu vert de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale et de l’Agence de réglementation de l’énergie de l’Alberta, qui ont conclu dans un rapport conjoint, l’été dernier, que le projet est dans « l’intérêt public » en raison de ses retombées économiques, malgré des répercussions majeures sur l’environnement. Le projet a été approuvé par les 14 communautés autochtones locales, sous certaines conditions.

C’est justement la source du problème pour les opposants à ce mégaprojet : les répercussions sur l’environnement, mais aussi sur la crédibilité verte de Justin Trudeau et de son gouvernement. Une crédibilité déjà sur le respirateur artificielle depuis l’achat du pipeline Trans Mountain. « Est-ce qu’on peut se permettre une autre saga à la Trans Mountain ? Je ne pense pas », m’a confié un député libéral qui a souhaité garder l’anonymat pour pouvoir s’exprimer librement.

C’est qu’à plein régime, le gisement de sable bitumineux Frontier produirait 260 000 barils de pétrole par jour, soit l’équivalent de 9 % de la production de pétrole en Alberta. C’est 4,1 millions de tonnes de GES par année, soit autant que 870 000 voitures de plus sur les routes. Frontier deviendrait la cinquième source d’émission de GES au Canada et l’une des plus grosses mines de sable bitumineux au monde.

Dans leur rapport conjoint, l’Agence canadienne d’évaluation environnementale et l’Agence de réglementation de l’énergie de l’Alberta affirment que le projet Frontier « est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants sur les milieux humides, les forêts anciennes, la biodiversité et les espèces en périls dépendantes des milieux humides et des forêts anciennes », peut-on lire. Le document précise que les lynx, les caribous des bois et la harde de bisons du lac Ronald seront touchés.

Dans le cas de la grue blanche, une espèce menacée d’extinction en Amérique du Nord (il ne restait que 757 grues blanches en 2017), le projet Frontier nuirait à leur migration, puisque la vaste majorité des grues blanches se reproduisent dans le parc national Wood Buffalo, plus au nord, mais doivent survoler la zone qui serait exploitée par la mine Frontier, qui détruira la presque totalité des milieux humides sur le chemin des grues.

Comment promettre un Canada carboneutre en 2050, tout en approuvant un tel projet de sable bitumineux ? Ce projet deviendrait la cible de toutes les attaques environnementales contre Justin Trudeau.

Peut-il y avoir une voie de passage, même étroite ? C’est ce que le cabinet et les conseillers de Trudeau analysent.

Trudeau coincé avec le pire scénario possible ?

Est-il possible d’approuver le projet en échange de gains majeurs sur le plan de la lutte aux changements climatiques en Alberta ? Par exemple, leur faire accepter une taxe sur le carbone ? Ou alors que l’Alberta s’engage à être carboneutre d’ici 2050 ?

Peut-on faire baisser le plafond d’émissions de GES du secteur pétrolier que l’Alberta s’est imposé sous le gouvernement néo-démocrate de Rachel Notley et que Jason Kenney a maintenu ? Les émissions de GES du secteur pétrolier ne peuvent pas dépasser 100 millions de tonnes de GES par année. Actuellement, les émissions de ce secteur sont d’environ 77 millions de tonnes de GES. L’ajout des 4,1 millions de tonnes de GES de Frontier n’est rien pour s’approcher de ce plafond.

Mais selon une analyse de l’Institut Pembina, si tous les projets approuvés dans les dernières années vont de l’avant un jour — la chute des prix du pétrole a figé les investissements depuis 2015 — les émissions de GES des sables bitumineux atteindrait alors 131 millions de tonnes. Dans ce contexte, difficile de voir comment Jason Kenney accepterait d’abaisser son plafond de GES de manière significative…

Est-ce que ce type de compromis ou ces contraintes imposées à l’Alberta seraient suffisants pour faire passer la pilule politique de l’approbation du projet ailleurs au pays, notamment au Québec et en Colombie-Britannique, où l’achat du pipeline Trans Mountain a eu un effet repoussoir chez une partie de l’électorat ? Bien des députés au caucus en doute.

Ce projet est-il même viable ?

En 2016, l’entreprise évaluait que le prix du baril lors de la mise en service, en 2026, serait de 80 $ à 90 $. Depuis, il baisse sans arrêt.

Le West Texas Intermediate, soit le cours du baril de pétrole bitumineux, est actuellement à 52 $. Or, les experts en énergie affirment que le mégaprojet Frontier n’est pas rentable avec un baril de pétrole sous les 75 $.

Rien ne laisse présager un retour aux belles années du pétrole, alors que l’économie stagne ou ralentit dans plusieurs pays et qu’il y a une surabondance de l’offre sur le marché du pétrole. En plus, la majorité des pays tentent de diminuer leur consommation de l’or noir pour lutter contre les changements climatiques.

Si le gouvernement Trudeau approuve un projet qui ne voit finalement pas le jour, il serait coincé avec le pire scénario possible : son image verte serait entachée et les retombées économiques ne seraient pas au rendez-vous.

Réconciliation avec l’Alberta et la Saskatchewan d’un côté, impératif de lutter contre les changements climatiques de l’autre… sans compter la précarité du gouvernement Trudeau, minoritaire à la Chambre des communes et qui a besoin de l’appui du NPD ou du Bloc québécois pour survivre à moyen terme — deux partis réfractaires au projet Frontier et même si aucun vote aux Communes ne serait nécessaire, ça nuirait certainement à l’ambiance générale et à la capacité du gouvernement de faire cheminer d’autres projets.

Bref, il ne semble pas y avoir de bon scénario pour Justin Trudeau. À ce titre, je vous suggère de lire l’excellente chronique de Chantal Hébert dans le nouveau numéro du magazine.

Ceux qui pensaient, avec raison, que le dossier de Trans Mountain a été complexe à gérer politiquement pourraient trouver qu’il s’agissait finalement d’une simple répétition par rapport aux répercussions de Frontier.

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On est plus au fanal à l’huile, mais à l’ampoule LED

L’énergie solaire c’est comme un ami qui a une somme d’argent illimitée
et qui est prêt à nous donner plus que nous aurons jamais besoin
mais tout ce que cet ami nous demande est de convertir cette argent en projets d’intérêt commun.

Donc pas besoin d’arracher quoique que ce soit à la planète pour avoir de l’énergie pcq le soleil est une énergie de flux, comme le vent, la mer, la géothermie.
Une énergie illimitée, gratuite, locale et qui appartient à tous.

On élimine tous les coût d’extraction, il s’agit seulement de capter les énergies de flux.

Pas besoin d’aller en guerre, de tuer des gens, de voler leur énergie fossile et de créer une économie de guerre qui ne profite qu’aux vendeurs de canons pour protéger les oléoducs.

Pas besoin de détruire la santé et l’environnement

Même économiquement tout projet pétrolier n’a aucun sens à comparer avec l’énergie solaire.

Je pense qu’on a les yeux fermés sur la quantité astronomique de l’énergie solaire:

2 minutes d’énergie solaire est assez pour alimenter toute l’humanité entière pendant un an.

Un carré de 100 miles par 100 miles de panneaux solaires est assez pour alimenter tous les ÉU et la batterie pour accumuler cette énergie;
1 mile par 1 mile. (Elon Musk de Tesla)
Alors pour alimenter le Canada ce serait 10 fois moins.

Et c’est gratuit; quelle est la partie que vous ne comprenez pas messieurs les ministres dans:

« ça coûte RIEN en extraction »? même pas un pot de vin.

Le fossile est la géo-ingénierie la plus stupide que l’humanité ait pu pondre

Nous extrayons des trillions de litres de carbone et produits toxiques, sous terre depuis des millions d’années, et on déverse ce poison dans notre atmosphère qui nuit et détruit la vie, dans le but de créer de l’énergie pcq c’est de l’argent facile,
alors que
nous avons une centrale à fusion nucléaire dans le ciel qui se lève à tous les matins. qui est une source illimitée d’énergie directe qui ne sert qu’à améliorer la vie sur terre et c’est gratuit.

C’est assez incongru d’envisager des projets rétrogrades pétroliers quand on est à l’heure de bannir les véhicules polluants dans les villes modernes, de fermer les centrales électriques polluantes pour les remplacer par les énergies de flux mer vent soleil, à l’heure où même les banques commencent à s’inquiéter des actifs basés sur le baril de pétrole bloqués par les innovations des énergies renouvelables.

La Chine a pris les devants sur tout l’occident en matière d’énergies renouvelables et de VE, assez que les industriels demandent un répit au gouvernement pcq ils ne peuvent pas fournir la demande de VE et énergies renouvelables. Voir la Gigafactory de Tesla bâti en un temps record à Shanghai (moins d’un an et qui a déjà commencé à produire la Tesla 3 pour le marché chinois.

À l’heure des micro-réseaux alimentés par les panneaux solaires où même les fils électriques entre les villes seront choses du passé encore moins des boudins remplis de poison.

Nous sommes à l’heure où il faudrait vider les oléoducs et les nettoyer avant que ça crève.

Comment peut-on penser à faire plus d’oléoducs remplis de poison pour l’environnement qui vont tous nous péter en peine face un jour ou l’autre soit par la rouille ou que sais-je,
ah oui
laissons les futures générations se démerder avec nos projets débiles de fossile.

Non seulement le pétrole est subventionné à coup de milliards directement mais nous subventionnons les pollueurs indirectement pcq ils ne payent pas pour les dégâts qu’ils causent,
Avant de nous enfumer avec les retombés économiques de 70 milliards TransM dites nous comment les 260 milliards de dégâts et de puits orphelins en AB seront payés.
Ah oui j’oubliais que le fossile est une industrie d’experts en irresponsabilité, alors les futurs générations payeront, bien sûr.

Vous semblez oublier que le parti libéral est inféodé aux pétrolières et que le PM Trudeau a même acheté un oléoduc pour faire plaisir à l’Alberta. Il est impensable qu’il n’autorise pas le projet Frontier car ce sera la guerre ouverte avec l’Alberta. Trudeau préfère endormir les gens avec ses belles paroles vertes mais les bottines ne suivent pas les babines.

Dans ce pays, l’intérêt national veut dire des emplois et l’exploitation des richesses naturelles car c’est facile et c’est ce qui fait respirer les politiciens. L’environnement n’est que la mouche du coche qui dérange un peu mais qu’ils peuvent balayer de la main quand ça les fatigue trop. Trudeau compte aussi sur le fait qu’à peu près 1 semaine après les grandes manifestations environnementales de l’automne dernier, il a été réélu par ces mêmes gens qui étaient dans la rue !!! Faut le faire ! Faut croire qu’au pays des aveugles, les borgnes sont rois !