L’auteur a été journaliste, puis sénateur. Il est aujourd’hui professionnel en résidence à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa.
L’actualité nous le rappelle chaque jour, la politique est cruellement ingrate. Une cheffe a beau posséder des qualités exceptionnelles et se défoncer au travail, comme ç’a été le cas pour Dominique Anglade, il arrive que le ciment ne prenne tout simplement pas.
Rendons à madame Anglade ce qui lui revient. Dans des circonstances difficiles, elle a mené une campagne énergique. Mais les résultats ont été catastrophiques. Les militants du Parti libéral du Québec (PLQ) en ont conclu, à tort ou à raison, qu’avec la leader actuelle, le ciment ne prendrait jamais. Dominique Anglade aurait pu s’accrocher pendant des mois dans l’espoir que les choses changent. Elle a choisi, pour le bien des libéraux, de partir rapidement. Et elle l’a fait à son image : dignement et sobrement.
Dans son allocution, la cheffe démissionnaire a parfaitement résumé le défi considérable auquel fait face ce parti, qui doit « renouveler son offre politique » tout en restant fidèle aux valeurs libérales.
Mais le départ de Dominique Anglade pose d’abord et avant tout la question de sa succession. Comme l’ont souligné de nombreux commentateurs, les problèmes du Parti libéral du Québec sont plus profonds que le seul leadership. Cependant, compte tenu de notre culture politique, le choix du chef est de la plus haute importance.
Les libéraux, c’est bien connu, aiment gagner, et forte sera la tentation — on le sent déjà — de chercher un sauveur ou une sauveuse, venant de l’extérieur des rangs du parti, qui pourrait comme par magie mener le PLQ à la victoire dans quatre ans. Les militants doivent résister à cette tentation. À tout le moins doivent-ils s’assurer que tout candidat externe possède des racines libérales profondes ; ces racines sont le seul guide sûr pour les décisions stratégiques à prendre.
Certains parlent de tenir le congrès à la direction aussi tard qu’en 2025, dans deux ans, pour donner le temps à d’illusoires « candidats de prestige » de se préparer. Deux ans avec uniquement un chef intérimaire, c’est beaucoup trop long. Il y a un patient travail de terrain à faire, et le prochain chef devra être impliqué dans ce travail. Si une personnalité venant de l’extérieur des rangs libéraux est intéressée par la direction du parti, elle doit être prête à sauter dans l’arène dans les prochains mois, et non gaspiller deux ans à se faire désirer.
Par ailleurs, les députés libéraux devront s’acquitter de leurs responsabilités d’opposition officielle. Ce navire a besoin d’un capitaine disposant d’une forte autorité morale pour tenir le gouvernail sur la mer houleuse de l’Assemblée nationale ; ce navire a besoin d’un chef permanent.
Outre un profond enracinement dans la culture libérale, les qualités que doit posséder le chef ou la cheffe sont bien connues : bon communicateur, en mesure de « connecter » avec les gens de tous les milieux, à la fois travailleur de terrain et personne de réflexion, capable de s’entourer de collaborateurs solides, qui a idéalement une expérience de gouvernement, etc. Les noms de plusieurs personnes de qualité sont mentionnés. Bravo ! Cette fois-ci, il y aura une vraie course. Le parti en a bien besoin.
Un parti démobilisé
Dominique Anglade a parlé de la nécessité de « renouveler l’offre politique libérale ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Dans le dictionnaire, le mot « renouveler » a plusieurs sens. Dans le cas du Parti libéral du Québec, il ne devrait pas s’agir de « remplacer par une chose nouvelle ». Comme l’a souligné l’ancien chef intérimaire Pierre Arcand, il ne saurait être question ici de repartir à zéro ; il faut plutôt « faire évoluer » le parti.
Le Petit Robert parle aussi de « faire renaître, donner une vigueur nouvelle » ; c’est ce sens que doit prendre le verbe « renouveler » quand il s’agit du Parti libéral. Ses membres sont actuellement démobilisés et ses rangs sont dégarnis. Il faut lui insuffler une vigueur nouvelle. La course à la direction y contribuera. Mais il faut plus.
Pourquoi renouveler l’offre politique du PLQ ? Parce que le contexte a changé depuis les victoires de Jean Charest et de Philippe Couillard :
- Aujourd’hui, cinq partis sont compétitifs sur la scène provinciale ;
- La dialectique fédéralisme-indépendance n’est plus dominante dans le débat politique ;
- Les électeurs francophones se sont éloignés du PLQ, au point que nombre d’entre eux, lors du scrutin du 3 octobre dernier, ne le considéraient même plus comme une option valable ;
- Le Québec, comme une bonne partie de la planète, entre dans une période économique difficile, possiblement caractérisée par la combinaison d’un ralentissement économique et d’une hausse continue des prix (stagflation).
Par ailleurs, le Québec doit poursuivre sa contribution à la lutte planétaire contre les changements climatiques, un domaine où les libéraux n’ont pas encore trouvé leur niche.
L’offre politique libérale doit donc s’ajuster à ce nouveau contexte, tout en étant toujours fondée sur les valeurs du PLQ. Pour y arriver, il faut lancer un travail de fond visant à consulter et mobiliser les membres, actuels et anciens, du parti. Ces militants sont bien implantés dans leur milieu ; mieux que quiconque, ils savent ce qui a cloché lors des défaites de 2018 et 2022.
L’avenir du libéralisme
Cet exercice de réflexion collective doit s’amorcer dès maintenant, sans attendre une course à la direction qui vraisemblablement ne commencera pas avant plusieurs mois. Il devrait être mené par la commission politique du parti, dont le rôle, selon la constitution du PLQ, est précisément de « définir les orientations politiques du Parti, en consultant les membres à tous les niveaux et en collaborant avec l’aile parlementaire et le chef du Parti ». Le chef intérimaire, Marc Tanguay, jouera évidemment un rôle très important dans ce travail de terrain, il devra rencontrer non seulement les libéraux, mais les forces vives dans chaque région du Québec.
Du travail qu’abattront les libéraux au cours des quatre prochaines années dépendra l’avenir du libéralisme au Québec. C’est dire l’importance du moment. L’histoire du Québec a été façonnée par une saine tension, un équilibre entre les caractères démocratique, nationaliste et libéral de notre régime politique. La disparition des idéaux libéraux mènerait à un changement de cap aux conséquences imprévisibles.
La principale qualité du prochain chef du Parti libéral sera sans doute de comprendre qu’une fois la course à la direction gagnée, le travail ne fera que commencer.
La stagflation se définit par un taux d’inflation élevé, un ralentissement économique prononcé et un taux de chômage important. Monsieur Pratte prévoit cela pour le Québec. Je serais curieux de savoir sur quelles données il se fie.
Qu’est-ce qui dans de telles occurrences justifierait qu’on fasse entrer au Canada quelques un demi-million d’immigrants par ans avec de telles perspectives économiques ?
Une récession, ce n’est pas la stagflation. Par définition la récession est limitée dans le temps, si elle dure, c’est la dépression. Nous n’en sommes pas là.
Il est particulièrement difficile dans de semblables situations de parvenir à des objectifs d’équilibre fiscal (promis par les deux paliers de gouvernement) à moins de sabrer dans tous les services de l’État.
Je pense que si le prochain chef ou la prochaine cheffe du PLQ devait se déterminer sur la base de tels arguments qui n’offrent aucune perspective d’avenir ou de renouvellement. Ce parti devrait s’attendre à perdre encore de la députation.
Renouveler l’offre politique consiste essentiellement à recruter de nouveaux membres, puis élire celui ou celle qui a vendu le plus grand nombre de cartes. Le renouvellement de l’offre politique est purement arithmétique. L’avenir n’est pas conditionné par la réflexion des membres encore présents, ce sont aux nouveaux membres d’insuffler de nouvelles pratiques.
Le principal défaut de madame Anglade était qu’elle n’a pas engendré un flux de soutien vers le parti qu’elle dirigeait. C’est plutôt le contraire qui s’est produit. Les femmes aiment Dominique Anglade parce que c’est une femme, mais elles votent pour François Legault… trouvez l’erreur. Lequel des deux est le plus rassembleur ?
L’un des problèmes inhérent du libéralisme réside dans le fait qu’il existe trois sortes de libéralisme : le libéralisme philosophique, le libéralisme politique et le libéralisme économique. Lorsque les trois vont dans le même sens, les choses vont plutôt rondement. Lorsque les uns et les autres marchent dans toutes les directions plus rien ne fonctionne.
L’Union européenne qui se targue d’être le plus grand espace économique et politique libéral du monde détruit actuellement cet espace quand le libéralisme politique adopte et souscrit à des sanctions économiques drastiques contre la Russie au lieu de philosophiquement entrer dans la voie des négociations.
Il ne peut y avoir de grand libéralisme s’il n’existe pas un semblant de coopération.
Le « Contrat social » est le moteur du libéralisme. Depuis combien de temps les libéraux du Québec ont-ils passé et négocié un contrat social avec les Québécoises et les Québécois ? Faut-il remonter à Robert Bourassa ou plus loin encore à Jean Lesage à une époque où René Lévesque était un ministre influent ?