Faire Bloc (timidement) derrière le PQ

Il aura fallu attendre à la mi-campagne avant que le chef du Bloc québécois apparaisse avec Paul St-Pierre Plamondon. Normal : la moitié des électeurs bloquistes préfèrent François Legault. 

Capture écran Twitter / montage : L’actualité

La sortie d’Yves-François Blanchet aux côtés de Paul St-Pierre Plamondon, dimanche à Baie-Comeau, a été sans ambiguïté. Le chef du Bloc québécois appuie résolument le chef du Parti québécois dans les élections québécoises en cours. Mais le fait que cette sortie survienne après trois semaines complètes de campagne trahit un certain écartèlement bloquiste.

Yves-François Blanchet n’est pas passé par quatre chemins pour s’attaquer au chef caquiste en fin de semaine. « Si vous êtes indépendantiste et que vous votez pour la CAQ, arrêtez de vous faire des illusions. François Legault ne fera pas l’indépendance. » Il a reproché au premier ministre sortant de s’être vanté, lors du débat des chefs de la semaine dernière au réseau TVA, d’avoir ravi aux libéraux « le monopole d’être contre la souveraineté du Québec ». Il imite en cela un PSPP revigoré par cette déclaration qui, pense-t-il, a fouetté l’ardeur indépendantiste des troupes.

Yves-François Blanchet n’a pourtant pas toujours vu en François Legault un tel repoussoir.

À l’automne 2019, en pleine campagne électorale pancanadienne, François Legault avait formulé quatre demandes aux chefs fédéraux : obtention de tous les pouvoirs en immigration, respect du désir québécois de laïcité, instauration d’une déclaration de revenus unique et imposition de la loi 101 aux entreprises sous réglementation fédérale. Dans les heures qui avaient suivi la sortie du premier ministre, Yves-François Blanchet s’était engagé à se faire le relais indéfectible de ses requêtes à Ottawa. « Le Québec présente des demandes qui sont en droite ligne avec les politiques qu’il avait déjà exprimées, en droite ligne avec les choix clairement formulés par les électeurs du Québec en 2018, avait-il déclaré. Ces demandes sont claires, légitimes et raisonnables. Pour le Bloc, elles sont attendues et entendues : c’est oui. »

Il n’y avait rien là d’étonnant pour le chef de la formation souverainiste à la Chambre des communes, qui dirigeait alors un Bloc québécois exsangue que, de son propre aveu, il tentait de sortir du « cimetière » après le leadership désastreux de sa prédécesseure, Martine Ouellet. Le Bloc québécois ne détenait que 10 sièges à la Chambre des communes. Attacher son wagon à la locomotive caquiste, qui jouissait encore d’une lune de miel un an après son arrivée au pouvoir, relevait d’un choix stratégique judicieux. De fait, à ces élections de 2019, le Bloc a réussi à faire élire 32 députés.

Yves-François Blanchet n’a cependant pas tout à fait eu droit à un retour d’ascenseur. Aux élections fédérales suivantes de 2021, le premier ministre Legault a publiquement souhaité l’élection d’un gouvernement conservateur minoritaire. Pour être honnête, il avait invité les Québécois à voter « bleu », c’est-à-dire soit pour le Parti conservateur, soit pour le Bloc, question de faire barrage aux « centralisateurs » libéraux, néo-démocrates et verts. Mais comme le Bloc n’a pas la possibilité de former le gouvernement, on a seulement retenu la moitié de sa consigne.

Malgré cela, le Bloc québécois n’a pas les moyens de partir ouvertement en guerre contre la Coalition Avenir Québec. En coulisses, des stratèges expliquent que la moitié des électeurs bloquistes votent au provincial pour la CAQ. Le parti d’Yves-François Blanchet ne veut pas prendre le risque de froisser ces derniers en essayant de faire perdre leurs favoris provinciaux.

Les chiffres montrent en effet qu’aux élections fédérales de 2019 et 2021, entre 1,3 et 1,4 million d’électeurs ont voté pour le Bloc québécois. Mais en 2018 au Québec, un peu moins de 688 000 électeurs ont appuyé le Parti québécois. La moitié, donc. L’autre moitié a-t-elle uniquement voté pour la CAQ, comme le pensent ces stratèges ? Peut-être pas. Certains sont sûrement allés chez Québec solidaire. On pourrait au minimum mentionner Shophika Vaithyanathasarma, qui s’était présentée pour le Bloc en 2021 dans le bastion orange de Rosemont–La Petite-Patrie pour tenter d’y déloger Alexandre Boulerice, et qui a revêtu sept mois plus tard les couleurs de Québec solidaire lors de la partielle dans Marie-Victorin. Mais à entendre la pique que M. Blanchet a servie dimanche à Gabriel Nadeau-Dubois (« le chef le moins dangereux pour François Legault »), on peut penser que les transferts Bloc-QS sont moins fréquents.

La présence d’Yves-François Blanchet à Baie-Comeau s’explique par ailleurs aisément. La Côte-Nord est l’une de ces régions représentées par le Parti québécois sur la scène provinciale et le Bloc québécois sur la scène fédérale. L’adéquation entre les deux partis frères y est parfaite : la députée bloquiste Marilène Gill représente la circonscription de Manicouagan, laquelle se divise au provincial entre Duplessis et René-Lévesque, où s’étaient fait élire deux péquistes.

Il existe ce même genre d’équivalence à Joliette (avec le bloquiste Gabriel Ste-Marie et la péquiste Véronique Hivon), à Jonquière (Mario Simard pour le Bloc et Sylvain Gaudreault pour le PQ), à Rimouski (Maxime Blanchette-Joncas au fédéral et Harold LeBel au provincial, expulsé par la suite) et, dans une moindre mesure, en Gaspésie (deux péquistes s’y trouvent contre une bloquiste et une libérale au fédéral). C’est là que les troupes bloquistes sont le plus susceptibles de prêter main-forte au Parti québécois.

Et ailleurs ? Aux courriels envoyés à chacun des 31 députés bloquistes autres que le chef demandant un bilan de leur implication dans la campagne québécoise, le Bloc a préféré répondre d’un bloc, pour tous. Le parti soutient que chaque élu a participé à au moins une activité péquiste, que ce soit un lancement de campagne, un rassemblement militant (sans plus de détails) ou, dans de plus rares cas, une séance de pose de pancartes ou de porte-à-porte. Alors oui, le Bloc est derrière le PQ, mais il ne le publicise pas trop.

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Oui je l’avoue, j’ai voté CAQ aux dernières élections. Je croyais sincèrement que c’était un moindre mal enrobé d’un certain espoir. Je croyais que monsieur Legault aurait redressé sa colonne vertébrale avec ses demandes devant un gouvernement fédéral toujours aussi fourbe que son chef qui a empilé les refus l’un après l’autre. J’ai cru que monsieur Legault se serait raidi et qu’il aurait rué dans les brancards, mais, déception… il a plié l’échine, comme bien d’autres.
Voila pourquoi, ne voyant qu’un seul espoir à l’horizon, je reviens au PQ. Et si j’y reviens, c’est juste parce que son jeune chef PSPP a remis l’indépendance sur la table, au menu. Je ne vois pas d’autre issue à notre propre gestion, notre propre gouvernance. Comme le récent décès de la reine Élisabeth II nous montre déjà l’impossibilité pour le Canada de sortir de la monarchie (Trudeau ne veut même pas en entendre parler), il ne reste, pour le Québec, que l’indépendance comme seule issue possible. Il est plus que temps de sortir de notre état comateux, l’indépendance est un ¨ droit et un devoir¨.

Vous avez tout à fait raison. J’espère qu’avec un peu de temps la majorité des citoyens québécois vont réaliser que nous sommes colonisées de la part du gouvernement fédéral. Vive l’indépendance.