Faire le vide

Par ses prises de position parfois marginales, Pierre Poilievre parvient mal à convaincre les Québécois qu’il a l’étoffe d’un homme d’État.

Photo : Daphné Caron pour L’actualité

Depuis son arrivée à la tête du Parti conservateur en septembre dernier, le moins qu’on puisse dire, c’est que Pierre Poilievre ne s’est pas fait beaucoup de nouveaux alliés. Au contraire, il semble plutôt se complaire à faire le vide autour de lui et de sa formation.

Ainsi, en l’espace d’un point de presse en Alberta le mois passé, le chef du PCC a réussi à vouer aux gémonies le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique ainsi que les maires de Montréal, Calgary et Edmonton.

Selon M. Poilievre, les idées de gauche « wokistes » de ces élus ont contribué à la hausse de la criminalité dans leurs villes et provinces respectives. Quand un journaliste lui a fait remarquer que le phénomène était également en progression en Alberta — une province dirigée par un parti de droite depuis quatre ans —, il a répliqué qu’il fallait en imputer la responsabilité à Justin Trudeau.

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Tous ceux qui avaient suivi le parcours de Pierre Poilievre avant son accession à la tête du Parti conservateur connaissaient son penchant pour la politique de la terre brûlée. 

Loin de modérer ses élans incendiaires, son nouveau statut d’aspirant premier ministre semble les avoir décuplés. La démesure de sa récente vendetta contre la CBC, qu’il décrit comme un outil de propagande et de désinformation libérales, en témoigne. Dans la bouche du chef conservateur, la modération n’a apparemment jamais meilleur goût.

Pierre Poilievre a rejoint le mal-aimé Jagmeet Singh dans l’appréciation des Québécois. Seulement 13 % d’entre eux considèrent qu’il a davantage l’étoffe d’un premier ministre que Justin Trudeau.

Si ce style fait le bonheur des conservateurs purs et durs qui l’ont appuyé lors de sa course au leadership, on ne peut pas nécessairement en dire autant de l’électorat en général. Même si le gouvernement de Justin Trudeau a connu son lot de ratés depuis l’automne dernier, et malgré un contexte économique difficile, la performance de M. Poilievre n’a guère fait bouger l’aiguille des intentions de vote.  

Ainsi, un sondage Léger réalisé au début avril situait les deux principaux partis en lice… au même niveau qu’au scrutin de 2021. Dans le cas du Québec, on peut même parler d’une détérioration qualitative des perspectives électorales du PCC.

Pierre Poilievre a en effet rejoint le mal-aimé Jagmeet Singh dans l’appréciation des Québécois. Seulement 13 % d’entre eux considèrent que le chef conservateur a davantage l’étoffe d’un premier ministre que Justin Trudeau. Même les électeurs bloquistes préfèrent le chef libéral à son rival numéro un.

En même temps, on assiste à un réchauffement inédit des relations entre le gouvernement de François Legault et celui de Justin Trudeau. Depuis quelques mois, Québec et Ottawa font table rase des principaux sujets dont le Parti conservateur aurait pu faire ses choux gras en campagne électorale.

Le mois dernier, le virage de la CAQ sur le troisième lien entre Lévis et Québec a semé une certaine consternation dans les rangs du caucus conservateur. 

L’appui conservateur au projet original et à la place qu’il faisait à la circulation automobile constituait un des meilleurs éléments sur lesquels l’équipe Poilievre pouvait toujours compter pour se distinguer des libéraux dans la région de Québec.

À ce changement de cap du gouvernement Legault s’ajoute le règlement de dossiers comme ceux du chemin Roxham et du financement de la santé, ou encore celui de l’arrimage entre la nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles et la Charte de la langue française.

En somme, il ne reste plus grand-chose du programme électoral qui avait mené François Legault à donner son appui tacite au Parti conservateur d’Erin O’Toole au dernier scrutin.

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En temps normal, les conservateurs se consoleraient de la tiédeur du gouvernement Legault et de l’électorat québécois à l’égard de leur nouveau chef en se disant que, de toute façon, c’est en Ontario que leur parti va jouer son va-tout au prochain scrutin fédéral.

Stephen Harper, en 2011, n’avait-il pas réussi à faire élire un gouvernement majoritaire avec un minimum d’élus québécois ? Mais là non plus, la partie n’est pas gagnée d’avance.

C’est que, dans les faits, l’approche que privilégie actuellement François Legault dans ses relations avec Ottawa est calquée sur une recette mise au point par son bon ami ontarien Doug Ford.

À l’évidence, le premier ministre Ford a plus d’atomes crochus avec des ministres libéraux comme Dominic LeBlanc ou encore Chrystia Freeland qu’avec Pierre Poilievre. Il ne s’est sans doute pas gêné pour le dire à son allié québécois.

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