Faites-nous confiance

Savez-vous qui vont avoir de la difficulté à faire confiance à leurs institutions? Les autochtones de Val-d’Or.

(Photo: Toronto Star via Getty Images)

Les démocraties sont de petites choses fragiles. Un tout petit glissement et PAF! la démocratie déboule les marches à la même vitesse que mononcle Gaétan qui s’enfarge dans le sapin après huit bières. (Il a neigé, j’ai le droit de faire des blagues de Noël!)

Heureusement, de preux chevaliers veillent au grain et nous protègent, à Québec comme à Ottawa.

À la Chambre des communes, la conservatrice Michelle Rempel s’est récemment lancée dans un vibrant plaidoyer accusant le gouvernement d’abandonner les Albertains en pleine crise pétrolière. De ce discours capable de faire ressentir de la sympathie à une tortue prise dans une marée noire, la chef du Parti vert, Elizabeth May, n’a retenu qu’une seule chose: Rempel a dit un mauvais mot.

May: Yes, Mr. Speaker. I hate to interrupt my friend in her speech, but I heard her say a word that I know is distinctly unparliamentary, and I think she may want to withdraw it. The word was f-a-r-t. [«Oui, monsieur le Président. Je n’aime pas interrompre mon amie durant son discours, mais je l’ai entendue dire un mot qui est franchement non parlementaire, et je crois qu’elle voudra le retirer. Le mot était p-e-t.»]

«Pet», un mot si mauvais qu’il faut l’épeler pour ne pas que les enfants à l’écoute des débats au parlement aient à subir le traumatisme de l’entendre une deuxième fois. Rempel a refusé de retirer le-synonyme-de-flatulence-qu’il-ne-faut-pas-nommer (Voldeprout), et le Canada a fait un pas de plus vers le démantèlement de sa confédération.

À Québec, ce sont les dangereux lascars de Québec solidaire qui ont mis à mal le monde libre, alors qu’ils ont tourné le dos à l’Assemblée nationale en votant contre la réforme de l’aide sociale.

Cette protestation silencieuse n’a pas été bien accueillie par le président de l’Assemblée nationale, Jacques Chagnon:

«Je considère que ce qui s’est passé jeudi dernier va à l’encontre des principes qui sont à la base de notre démocratie et qu’il s’agit d’une atteinte injustifiée à notre décorum.»

Chagnon a passé la moitié de sa carrière de président d’Assemblée à dire patiemment «Collègues… Collègues… S’il vous plaît… Collègues…» pour essayer de calmer l’équivalent en décorum d’un cours d’art plastique avec un suppléant la veille du congé des fêtes. Mais trois députés qui votent le dos tourné? Ça va beaucoup trop loin!

Chers assistés sociaux qui devrez vous débrouiller avec 399 dollars par mois, du fond de l’appartement d’où vous attendez d’être évincé, ne tremblez pas: le décorum est bien protégé. Fiou!

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C’est facile d’en rire, mais Elizabeth May et Jacques Chagnon ont quand même un peu raison. Le respect des institutions est la tranche de pain de laquelle on fait la beurrée de beurre de pinotte de la société. Si on la laisse brûler dans le grille-pain, on en souffre tous.

Chaque citoyen doit avoir confiance en ses institutions, doit savoir qu’elles travaillent pour son bien.

Savez-vous qui vont avoir de la difficulté à avoir confiance en leurs institutions? Vite de même, sans même les appeler pour le leur demander, je dirais: les autochtones de Val-d’Or.

Sept hommes et 21 femmes, pour un total de 38 allégations allant du viol à la conduite dangereuse visant les policiers, et un grand résultat de… pas d’accusations.

Chez ceux qui ne savent pas que sur 21 plaintes d’agressions sexuelles, à peine 4 mènent à une poursuite, on peut être surpris.

Chez ceux qui n’ont jamais réfléchi au fait que c’est plus facile de prouver le vol d’un écran de 65 pouces avec entrée par effraction que le vol de sa dignité humaine dans le fond des bois, on peut prendre sans nuance le parti des policiers.

Et si on n’y pense pas plus que deux minutes en faisant autre chose, on peut même affirmer avec colère que ces femmes qu’on a vues pleurer et souffrir dans le reportage d’Enquête mentaient toutes. Comme s’il y avait si peu à faire à Val-d’Or qu’on s’invente des histoires de viol pour se divertir. «Ça va être le fun, se sont-elles dit, parce que je vais recroiser mes agresseurs dans la rue demain.»


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Sauf que la seule façon d’arriver à cette conclusion, c’est de ne pas lire ou écouter ce que le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) et l’observatrice indépendante avaient à dire. Ils ont rappelé, en gros, que ce n’est pas parce que l’affaire ne sera pas entendue devant un juge que nous avons droit au tout premier cas de fumée sans feu.

«Cela signifie plutôt que la preuve dont nous disposons ne nous permet pas de porter des accusations criminelles compte tenu des critères et des règles de droit.»

En fait, dans la majorité des cas (19), le DPCP a conclu que la preuve d’identification était insuffisante, «de sorte qu’il n’aurait pas été possible de prouver l’identité du ou des suspects visés par les allégations». (Le Devoir)

Tout dans cette affaire appelle à la modération et à la retenue. Tout appelle à l’humanité et à la compassion. Et… c’est un appel que la police a décidé d’ignorer, comme elle le fait quand on lui signale une jeune autochtone disparue.

Le syndicat des policiers de la Sûreté du Québec a donc envoyé la lettre la moins sensible possible aux médias, alors que de ses membres poursuivent Radio-Canada.

Devant tant de délicatesse et de compassion, c’est sûr, la confiance va monter en flèche!

Heureusement, on nous protège contre le mot «p-e-t».


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Mathieu Charlebois blogue sur la politique avec un regard humoristique. On peut aussi lire ses anticritiques culinaires sur le blogue Vas-tu finir ton assiette? et le suivre sur Twitter: @OursMathieu.

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C’est fou dans cette affaire comme les policier sont rapidement passé d’agresseur à victime. Dans les radios poubelles et autres, on a pleurniché sur les ménages brisés de ces pauvres jeunes hommes victimes des méchantes menteuses en série. Ici, à Saguenay, j’ai même entendu LITTÉRALEMENT:
« C’est ça qui arrive quand on laisse des femmes enquêter sur d’autres femmes. On est dans une phase de féminisation extrême qui moumounise la société »
?!?!?!!!!!!
(pour me consoler un peu, l’émission s’appelle « le brunch des dinosaures » et on comprend pourquoi)
Après ça, on nous dit que la culture du viol n’existe pas. Je sais bien que tout n’est pas noir ou blanc et que la présomption d’innocence prévaut, mais il y a une grande différence entre « pas assez de preuves pour des poursuites » et « des menteuses en série qui se tiennent entre femmes moumounisante.

Puisque mon dernier commentaire n’a pas été publié et que je n’en connais pas la raison, je vais tout de même prendre une autre chance et affirmer que les femmes autochtones sont, et de loin, abusées beaucoup plus systématiquement par leurs propres congénères que par les autres.

Depuis quand les valeurs québécoises de justice et d’équité sont-elles disparues au profit du lynchage public des policiers par les médias comme ça se faisait au Moyen-Âge?

Pour ce qui est des jeunes en parfaite condition, ils n’ont qu’à s’inscrire dans un centre de formation pour compléter leur cursus scolaire et se trouver du travail et le tour sera joué. Est-ce trop leur demander?

Z’avez vu le sondage dans La Presse Plus ce matin? Le PQ est maintenant troisième. Derrière la CAQ!!

L’effet Lisée?

Z’allez nous pondre un papier là-dessus j’imagine…