Fausses nouvelles : des fables modernes

Les journalistes ont beau s’acharner à rétablir les faits, la désinformation a la vie dure. Mathieu Charlebois explique pourquoi. 

Photo: Daphné Caron

Certaines fausses nouvelles ne meurent jamais. Elles reviennent de façon cyclique. Ce sont les crampes menstruelles de l’information.

Pour la 48e fois au moins, j’ai donc vu passer sur mon fil Facebook un texte racontant que le maire de Dorval aurait refusé la demande de musulmans qui voulaient qu’on arrête de servir du porc dans les cafétérias des écoles.

Ce n’est évidemment pas vrai. Il n’y a pas eu de demande, et de toute façon, depuis quand est-ce le maire qui décide de ce qu’on mange à l’école ?

Le journaliste Jeff Yates, spécialiste des fake news, a décrété qu’il s’agissait, et de loin, de « la fausse nouvelle la plus populaire de tous les temps au Québec ». Puis, j’imagine qu’il est allé pleurer dans un coin pour le reste de l’après-midi.

Me sentant l’âme d’un service public, j’ai pris quelques minutes pour démentir l’histoire, dans un commentaire poli et constructif. La réponse ne s’est pas fait attendre :

« Merci, mais ceci ne change rien à mon opinion. Bonne soirée. »

Je suis allé rejoindre Jeff Yates, en boule sous un bureau. C’est là qu’il m’a fait lire un article qu’il venait de terminer. Dans celui-ci, il démentait une publication Facebook partagée des milliers de fois, qui affirmait que Valérie Plante avait manifesté avec Adil Charkaoui. Seul problème de cette histoire ? Plante était alors en Amérique du Sud.

Contactée par le journaliste et mise au courant que l’histoire qu’elle racontait était complètement fausse, la dame à l’origine de la publication a réagi ainsi :

« Je l’ai entendu aux nouvelles, et de toute façon cela ne change absolument rien à ce que j’ai écrit, je le pense », a-t-elle répondu, accusant ensuite la mairesse — et Radio-Canada — de « détester les Québécois de souche ».

Wow. Bon. O.K.

Nous, les gens qui croient encore à l’importance des faits, avons un problème. Visiblement, nous ne comprenons pas ce que c’est, une fake news pour… on va dire « Eux ».

Pour Eux, ce n’est pas un problème que des faussetés soient fausses, puisqu’elles n’ont jamais eu comme objectif d’être vraies. Dans leur univers, l’islamisme rampant de Valérie Plante et les accommodements de cafétéria des musulmans sont des faits établis. On n’a pas besoin de les prouver, pas plus qu’on a besoin de prouver que la gravité existe.

Ces histoires, ils ne les partagent pas pour nous montrer un fait, mais plutôt pour raconter une histoire. Ce sont des paraboles. Des fables.

C’est la parabole de la méchante mairesse qui n’aimait pas les Québécois.

C’est la fable du maire de la cité imaginaire de Dorval qui s’est tenu debout devant l’invasion. « Ne penses-tu pas qu’on devrait tous se tenir debout comme le maire dans ma fable ? Partage si tu es d’accord. »

Devant cet état d’esprit, faire de la vérification de faits, c’est l’équivalent d’aller dire à Jean de La Fontaine que les corbeaux ne mangent pas vraiment de grosses meules de fromage. Johnny Fontaine est déjà au courant. Il n’est pas venu sur Facebook pour ça. Il est là pour faire une morale qui rime à la fin.

« Maître Corbeau a ouvert son bec,
Et le fromage est tombé
On a maintenant la charia au Québec
Maître Corbeau s’est ben fait pogner. »

Alors, on fait quoi ? Honnêtement, je ne sais pas trop. En ce moment, je suis de l’école de faire rouler mon automobile 24 heures sur 24, en espérant que les changements climatiques s’occuperont du reste.

Dans son dernier texte, sur les intox entourant l’incendie de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, ma collègue Camille Lopez semble elle aussi un peu au bout du rouleau.

J’ignore comment il fait, mais Jeff Yates est beaucoup plus optimiste que nous. Allez le lire, c’est intéressant. Je vais tenter de l’imiter et rester confiant. Et quand l’histoire du maire de Dorval repassera pour une 49e fois sur mon fil Facebook, j’essaierai de trouver l’énergie pour la démentir. Encore.

Les commentaires sont fermés.

Ces histoires sont des fables dans le sens péjoratif du terme : colportage, ragots, médisance, dénigrement, etc…. Ce ne sont pas à vrai dire des paraboles — qui en principe en dépit de leur sens caché -, sont susceptibles de nous apporter un enseignement, donc : de nous élever.

De telles choses ont existé de tout temps, c’est seulement le medium et la manière de partager l’information qui ont changé.

Ici, sauf « faire mal paraître », je ne vois pas où se situe une quelconque élévation.

Ou plutôt si, tout cela m’aide à changer mon opinion pour le mieux. Ainsi, je n’avais pas initialement une très bonne opinion de la mairesse de Montréal. De toute façon, je voulais que ce soit Coderre qui soit réélu. Je dois dire considérant tous ces ergotages, qu’elle m’est devenue de plus en plus sympathique. J’aime son style car elle parle franc et se tient debout.

Ces méchantes bêtises ont eu un effet révélateur. Tout ce qui compte n’est-il pas de recevoir le soutien de citoyennes et de citoyens qui soient équitables et stables dans leurs émotions ?

Ce que nous enseignent des philosophies orientales, c’est que les pensées dont nous sommes assaillis sont de toutes natures. Il en va de même de l’information. Au même titre que le froid existe, il y a son contraire : le chaud. Il y a une position de confort où chaud et froid s’équilibrent.

Dans un monde comme le nôtre où à peu près tout le monde peut s’exprimer. La médisance et autres « fake news » sont au rendez-vous. Heureusement, il y a des gens qui disent ou écrivent de belles choses. Ce que nous devons faire, c’est un travail sur nous-même :

— Capter ce qui est bon et nous fait du bien. Laisser couler (ou pisser pour prendre une expression plus vulgaire), tout ce qui a des relents d’urine….

Il y aura toujours des gens qui trouveront que tout ce qui goûte mauvais est bon. Mais on n’se l’cachera pas, c’est quand même meilleur un bon p’tit vin blanc. Avec le printemps vient toujours comme une forme de résurrection.

@ patrick COPPENS,

J’aimerais pouvoir lire votre réponse. Parfois la technologie nous joue des tours. Peut-être pourriez-vous la poster à nouveau ou si ce n’est pas sauvegardé, vous rappeler de vos mots.

Seconde tentative. Je tiens à remercier Serge Drouginsky pour sa persévérance à commenter avec un mélange de sagesse et d’audace, l’actualité sociale et politique . Il mériterait d’avoir une tribune de chroniqueur. Et je trouve rafraîchissant de pouvoir échanger avec quelqu’un qui ne se cache pas derrière un pseudonyme.
À suivre dans quelques minutes . Pour voir si ce message ne s’évapore pas comme le précédent..

Je continue sans savoir ce qu’il est advenu de l première partie de ce message.
1. D’abord un peu d’humour. L’urine est un excellent engrais. Et sans urine pas de santé. Ce liquide a de multiples usages ( n’entrons pas trop dans les détails).
2. Quelle que soit l’opinion qu’on puisse avoir sur les propos de la Maîresse de Montréal, une chose est sure: sa réélection est plus que problématique.
À suivre

Troisième étape.

3. Vous écrivez qu’il vous semble qu’à peu prés tout le monde puisse s’exprimer librement.
Ce n’est pas mon avis, basé sur diverses expériences. Je crois que la bien- pensance, la rectitude politique ,les divers Ismes de l’heure, etc. ont donné à la censure une justification moralo-coercitive qui m’alerte et parfois me révulse. Et j’approuve Bock-Côté quand il écrit que # le politiquement correct est un dispositif inhibiteur installé au coeur de l’espace public qui a pour fonction de refouler dans ses marges ceux qui affichent leur dissidence.#Et parmi ses bienheureuses marges, saluons le courrier des lecteurs de l’Actualité qui ne se livre pas au petit jeu pusillanime du crible idéologique comme le font d’autres publications pour #l’élite# qui se gargarisent d’objectivité . Mon oeil ! Non au sens unique pour la circulation des Idées.

Mais Monsieur,

Vous ne nous dites pas ce que vous pensez de la mairesse qui prétend représenter 4000000 de québécois à la tête de la ville quelle représente. Ont-ils tous un droit de vote et surtout leurs ont-ils tous accorder leur confiance ceux qui ont voté.

« Ces histoires, ils ne les partagent pas pour nous montrer un fait, mais plutôt pour raconter une histoire. Ce sont des paraboles. Des fables. » (Mathieu Charlebois)

Les histoires, les paraboles et les fables sont des fictions, elles ne sont pas conçues pour tromper le lectorat comme la fausse nouvelle. Sinon, la fausse nouvelle se confondrait avec les fables, les histoires ou les paraboles et personne n’aurait une raison de s’alarmer.

Ma question s’est perdue dans le cyberespace…
C’était: Où se trouve la ligne entre la fausse nouvelle et la fable, l’histoire, la parabole?

Il est un peu dommage que sous couvert de pourfendre les ‘fake news’, M. Charlebois ne fasse que poursuivre son éditorial de la semaine dernière contre la séparation des cultes et de l’État.

Je crois pour ma part qu’il règne de part et d’autre du débat en question une inquiétante crédulité au sujet des « véritables » (i.e. secrètes, cachées, dissimulées, maléfiques, etc) intentions des uns et des autres. Crédulité alimentée par la peur que les uns et les autres (dont M. Charlebois) s’ingénient, volontairement ou non, à semer.

Comme l’écrivait l’historien du fascisme Gaetano Salvemini (avec un calme dont je suis bien incapable) au sujet de la crédulité ahurissante, à partir d’octobre 1922, des autorités britanniques qui avaient avalé toute ronde, avec l’hameçon et la canne, la ‘fake news’ hénaurme du fascismo selon laquelle Mussolini avait soi-disant stoppé une révolution communiste en Italie :

« On ne peut pas davantage se fier à quelqu’un qui pense et s’exprime sous l’influence de la peur qu’à quelqu’un qui pense et s’exprime sous l’influence de l’alcool. » (dans ‘THE ORIGINS OF FASCISM IN ITALY’, 1942)