Les députés fédéraux ont mis fin à leurs travaux mardi, soit trois jours plus tôt que prévu. Cela aura donc été une très courte session, gracieuseté du premier ministre Stephen Harper et de sa prorogation.
Ces sept courtes semaines, dominées par le scandale au Sénat, auront suffi à faire oublier ou à éclipser le discours du Trône, dont plus personne ne parle.
Perdus, à leur tour dans la brume, l’accord commercial avec l’Union européenne, plusieurs dossiers chauds (environnement, Arctique, transparence, question autochtone…) et les quelques projets de loi présentés cet automne.
Il faut dire, toutefois, que sur le front législatif, le gouvernement n’a pas fait preuve d’hyperactivité. Une fois exclus les deux projets de loi de routine, on arrive au maigre compte de 17 projets de loi — et de ce nombre, 6 étaient au feuilleton le printemps dernier. On n’a fait que les ressusciter.
Mais il y avait une pièce de résistance au menu : le projet de loi budgétaire omnibus (C-4). Il a été adopté par les Communes lundi soir et le sera très bientôt par le Sénat.
Ce projet change plusieurs lois, dont tout le régime gouvernant les services essentiels dans la fonction publique fédérale, et certaines règles en matière de santé et sécurité au travail auxquelles sont soumis non seulement les fonctionnaires fédéraux, mais aussi les employés d’entreprises régies par le gouvernement fédéral.
Malgré l’inquiétude suscitée par ces modifications, C-4 a fait peu de bruit, et son adoption est passée presque inaperçue. L’attention était ailleurs, le Sénat aspirant presque tout l’oxygène médiatique disponible.
Mais il y a une autre raison à ce désintérêt. On a toujours le sentiment, avec ce gouvernement, d’être devant un fait accompli. Les débats sur le budget ont perdu leur attrait parce qu’ils ne changent rien à rien. Le gouvernement est sourd à tout ce qui se dit. Tout ce qu’il veut est d’en finir au plus tôt avec un processus parlementaire qu’il traite comme une figure imposée.
Alors, il limite les débats à toutes les étapes, y compris en comités. C-4 n’y a pas échappé. Il a bénéficié de cinq séances de débats en deuxième lecture, ce qui fait dire aux conservateurs que leurs projets de loi budgétaires sont débattus durant plus de jours que ceux de tout autre gouvernement.
C’est peut-être vrai dans certains cas, mais encore faut-il qu’on compare les mêmes choses, c’est-à-dire des projets de loi budgétaires qui ne sont que cela.
C-4, comme presque tous les projets budgétaires présentés depuis 2007, est un projet de loi fourre-tout. Le gouvernement y engouffre des réformes sans lien entre elles et qui, dans un Parlement normal, auraient fait l’objet de projets de loi et de débats séparés. S’il fallait compter les jours de débats qu’exigerait chaque réforme, on verrait que le compte n’y est pas.
De plus, il faut savoir que le bâillon conservateur est encore plus serré aux étapes subséquentes. C’est le cas en comité, où l’examen approfondi des projets de loi devrait avoir lieu et où, après avoir entendu des témoins, on devrait pouvoir suggérer des améliorations à apporter.
Sous les conservateurs, plusieurs comités sont mis à contribution pour étudier les projets de loi budgétaires parce que ces derniers couvrent trop de terrain, mais chacun de ces comités n’a que deux ou trois séances pour entendre des témoins. Et cela a presque toujours lieu dans la précipitation, ce qui veut dire que peu de groupes, d’experts ou d’individus peuvent être prêts à temps.
Et à quoi bon ? Aucun amendement provenant de l’opposition n’est accepté. Le projet C-4 a ainsi été adopté à toutes les étapes sans aucun amendement. Même pas aux règles qui encadrent le refus d’exécuter un travail pour des raisons de santé et sécurité. Le gouvernement dit que le resserrement de ces règles est nécessaire parce que trop de refus se révèlent injustifiés. Il a présenté des chiffres qui ont été contestés par les syndicats.
Les fonctionnaires ont reconnu que leurs propres données devraient être nuancées, mais ils étaient incapables d’en fournir de nouvelles dans les délais impartis aux comités de la Chambre et du Sénat pour étudier le projet de loi. Malgré cela, aucun des comités, où les conservateurs sont majoritaires, n’a suggéré un amendement pour retarder — par exemple — l’entrée en vigueur de ces dispositions afin de s’assurer qu’elles soient basées sur des faits.
Les syndicats fédéraux, eux, ne baissent pas les bras, puisqu’ils envisagent de contester la constitutionnalité de la loi devant les tribunaux.
On pourrait croire que cela doit être la norme en situation de gouvernement majoritaire, mais non, comme je l’ai découvert en passant en revue les projets présentés sous les gouvernements Chrétien, Martin et Harper.
Les projets de loi peuvent être amendés à deux étapes, soit en comité ou à l’étape dite du rapport. Durant la première session du gouvernement Chrétien, 50 % des projets de loi ayant traversé ces étapes en sont sortis amendés. Lors des sessions suivantes de son gouvernement, comme sous celui de Paul Martin, ce sont de 65 à 75 % des projets de loi qui ont été modifiés.
Lorsque M. Harper était minoritaire, des amendements ont été apportés à environ la moitié des projets ayant traversé ces étapes. Depuis qu’il est majoritaire, c’est moins du quart.
Demain : Bilan politique d’une session tourmentée.
Avec leur « majorité », les conservateurs (réformistes) ont montré leur vrai visage: ils ont pour but d’imposer leur idéologie en faisant fi du parlementarisme et les dommages collatéraux touchent la démocratie canadienne qui devient, de plus en plus, bancale. Les projets de loi mammouth en sont un bel exemple alors que le Parlement ne fait plus son travail et qu’en réalité l’opposition (qui, ne l’oublions pas, représente plus de 60% des électeurs) est incapable de faire son travail de représentation.
C’est le système électoral soit-disant démocratique qui permet une telle situation quand un parti politique particulièrement extrémiste peut prendre le pouvoir avec moins de 40% des votes des électeurs. Peu de pays démocratiques permettent un tel accroc à la démocratie et la plupart qui le font sont de tradition parlementaire britannique, comme le Canada, un système particulièrement colonial. C’est ce genre de situation floue qui peut permettre à un pays de sombrer dans la dictature – souvenons-nous qu’Hitler a été nommé chancelier en janvier 1933 et que son parti ne recueillit que 43,9% des suffrages lors des élections suivantes en mars de la même année – la tradition voulait que le chef du parti ayant obtenu le plus de votes soit désigné comme chancelier par le président. Évidemment nous n’en sommes pas rendus là mais nous devons demeurer vigilants et nous devrions exiger des changements au système électoral de sorte que ceux qui forment le gouvernement représentent réellement et fidèlement la majorité des électeurs.
…et quel pourcentage des votes a obtenu le Parti québécois au provincial déjà?
Pourquoi ne le comparez-vous pas au nazisme lui également? Le Québec est-il en train de « sombrer dans la dictature »?
N’importe quoi…
Le système électoral britannique a des failles comme tout autre système mais il a fait ses preuves et il engendre des gouvernements plus stables.