La dernière semaine fut riche en rebondissements dans les caravanes des partis au Québec, mais plutôt pauvre en données de sondages. Mais il y en a eu quand même. Voici celles qui ont été rendues publiques :
- Le sondage en continu quotidien de Recherche Mainstreet place toujours la Coalition Avenir Québec largement en avance sur ses rivaux. La plus récente mise à jour, publiée lundi après midi, accordait à la CAQ 41 % d’appui au niveau national. Derrière se dessine une lutte pour la deuxième place entre le Parti conservateur du Québec (PCQ) et le Parti libéral du Québec (PLQ), tous deux à 18 %. Québec solidaire (11 %) et le Parti québécois (8 %) se livrent bataille pour le quatrième rang.
- Il faudra évidemment au moins un autre sondage national produit par une autre maison pour confirmer ou infirmer les tendances mesurées par Mainstreet, qui soulèvent des questions, mais il semble qu’Éric Duhaime, au minimum, ait réussi à maintenir les appuis à son Parti conservateur après deux semaines de campagne et, au mieux, ait même augmenté ses chiffres tout près d’une potentielle « zone payante », c’est-à-dire capable de lui procurer des sièges. C’est à suivre.
- Samedi matin, le quotidien The Gazette a publié un sondage Léger exclusivement axé sur Montréal et Laval. Le sondeur mesure une forte baisse de la faveur libérale par rapport aux résultats du scrutin de 2018, avec 28 % d’intentions de vote pour le PLQ (qui avait obtenu plus de 40 % des suffrages sur les deux îles en 2018). La CAQ et le PCQ affichent tous deux des scores améliorés par rapport aux élections générales précédentes. Quant au PQ, il ne récolterait que 7 % d’appui sur les deux îles, aussi en recul depuis 2018.
- Deux sondages de circonscription, dans Verdun et Maurice-Richard, de la maison EKOS ont fait l’objet d’une fuite par Québec solidaire. Ils montrent de chaudes luttes entre la CAQ et QS dans ces deux secteurs montréalais, remportés par les libéraux en 2018. Bien que ces chiffres concordent avec les tendances actuelles, nous devons toujours faire preuve de prudence avec les sondages qui sont divulgués par les partis politiques, car ceux-ci créent un biais de sélection — QS n’aurait jamais rendu ces données publiques si les chiffres ne lui étaient pas favorables.
- Finalement, deux sondages de circonscription de la maison Segma Recherche pour le compte du média Le Quotidien (au Saguenay–Lac-Saint-Jean) et Cogeco ont été publiés lundi, pour Jonquière et Chicoutimi. Dans les deux cas, Segma mesure des avances monstrueuses, voire insurmontables, de la CAQ.
Revenons au sondage en continu quotidien de Mainstreet. Ses chiffres sont quelque peu particuliers par rapport à d’autres sons de cloche. Notamment, avant de confirmer les appuis au PCQ à 20 %, je désire voir d’autres sources montrer cette croissance du vote de droite. Il est possible que l’on observe un important désaccord dans les données si, par exemple, Léger devait publier des chiffres semblables à ceux du début de la course.
C’est qu’à la fin août, Léger avait mesuré les appuis à la CAQ à 42 % et au PCQ à 14 %. Quant à Mainstreet, elle accordait des intentions de vote à 38 % pour la CAQ et à 21 % pour le PCQ en début de campagne. Ce 21 % pouvait initialement être perçu comme une donnée aberrante, mais voilà que Mainstreet maintient les appuis à la formation dirigée par Éric Duhaime au même niveau (20 %) en date de dimanche, et ça n’a pas oscillé en dehors d’une fourchette raisonnable, entre 16 % et 21 %, depuis le début de la campagne.
Nul besoin de mentionner qu’il y a un monde de différence entre 14 % et 20 % avec notre mode de scrutin. À 14 %, Éric Duhaime pourrait terminer cette campagne les mains vides. À 20 %, non seulement le futur caucus conservateur surpasserait en nombre celui du Parti québécois, mais le PCQ finirait probablement deuxième dans les suffrages.
Se pourrait-il que la méthode de sondage induise un biais en faveur des conservateurs ? Lors des élections fédérales de 2021, les trois instituts de sondage dont le mode d’enquête principal est l’IVR (appels automatisés), soit Recherche Mainstreet, EKOS et Forum Research, avaient surévalué les appuis au Parti populaire du Canada de Maxime Bernier. Ces maisons mesuraient le PPC à 9 % et 10 %, alors que les sondages par panel Internet le plaçaient plutôt à 5 % et 6 %.
Une fois tous les votes comptés, le PPC avait amassé 4,9 % des suffrages. Est-ce une coïncidence ? Ou devrions-nous plutôt y voir un potentiel de biais en faveur des partis campés à droite avec les appels automatisés ? Nous surveillerons le tout de près au cours des prochaines semaines.
Toujours est-il que la CAQ, que ce soit par appels automatisés ou par panel Internet, demeure largement en avance sur ses rivaux et que le vote non caquiste est plus divisé que jamais. Comme notre mode de scrutin est assez cruel envers les partis qui obtiennent entre 13 % et 17 % du vote, la plus récente projection de sièges Qc125 est démesurément favorable à la CAQ :

Les troupes de François Legault remportent 98 sièges en moyenne dans les simulations du modèle Qc125, un gain net de 24 sièges par rapport aux résultats de 2018 (avec un intervalle de confiance de 95 % qui s’étend de 77 à 107 sièges). De son côté, le Parti libéral continue sa chute et se trouve à une moyenne de 16 sièges seulement.

Le cas de Québec solidaire soulève aussi plusieurs interrogations. Le parti de gauche obtenait 15 % d’appui dans le sondage Léger au début de la campagne (un point de moins que son résultat de 2018). Or, au cours des sept derniers jours, Mainstreet plaçait QS entre 10 % et 12 % seulement. Considérant les courses serrées qui sont projetées entre la CAQ et QS dans la métropole, ces quelques points d’écart pourraient faire basculer la projection de sièges de façon notable.
D’ailleurs, une performance hors de l’ordinaire du vote de QS, combinée à une sous-performance de celui du PLQ, pourrait donner aux solidaires le rôle d’opposition officielle à l’Assemblée nationale. Encore faut-il que les astres s’alignent. Le PLQ est toujours favori pour le titre d’opposition officielle.
Pour le Parti québécois, ces chiffres doivent peser lourd sur le moral. Le chef, Paul St-Pierre Plamondon, touche pourtant à chacune des cordes sensibles de l’électorat péquiste (langue, indépendance, opposition à la monarchie britannique…), mais les chiffres ne bougent pas. Les données de Léger situaient le PQ à 9 % au niveau national au début de la campagne et ceux de Mainstreet ont fluctué en hausse jusqu’à 11 % avant de redescendre à 8 % hier.
Et dans le sondage montréalais de Léger pour The Gazette, le PQ fermait la marche en cinquième place avec seulement 7 %. Dans l’est de Montréal, le PQ n’obtient que… 2 %. Même en considérant la petite taille de ce sous-échantillon (84 répondants), ce résultat est catastrophique pour un parti qui a dominé cette région pendant des décennies.
Nous entrerons bientôt dans la semaine des débats (TVA : 15 septembre, Radio-Canada : 22 septembre). Pour certains des chefs en lice, ce pourrait être leur dernière chance de faire valoir leur programme.
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Pour consulter les chiffres de cette projection québécoise, visitez la page de Qc125. Pour la liste complète des 125 circonscriptions, consultez cette page ou regardez la carte des circonscriptions.
Combien de leaders politiques, élus ou aspirants, riches ou non, à tous les niveaux de gouvernement, travaillent encore dans l’intérêt du peuple !
Et, dehors les Libéraux.