
Les opposants à l’exploitation du gaz de schiste n’ont pas entamé la détermination de la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau. « Nous favorisons cette filière. C’est écrit noir sur blanc dans la Stratégie énergétique du Québec 2006-2015 », dit la politicienne de 42 ans, de passage dans les bureaux de L’actualité à la fin août, à l’occasion d’une campagne éclair d’entrevues qu’elle menait pour répondre aux critiques.
Pour rassurer les citoyens moins convaincus que la ministre, le gouvernement Charest vient toutefois de confier au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement la tâche d’examiner ce dossier. La ministre Normandeau est claire : le mandat du BAPE n’est pas de déterminer s’il est pertinent ou non d’exploiter les gaz de schiste au Québec, mais bien de proposer des règles pour encadrer l’industrie et assurer la protection des écosystèmes.
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Pourquoi ne pas avoir accompagné la commission du BAPE d’un moratoire sur les forages dans la vallée du Saint-Laurent ?
– Peut-on cesser de gérer par moratoires ? Peut-on éviter de mettre les freins dès que se présente une occasion de développement ? Au Québec, l’opposition est devenue une industrie. Et une majorité de Québécois sont fatigués de ça. Je vais travailler avec des gens qui veulent avancer, prudemment, de façon intelligente. Je ne perdrai pas mon temps avec les Greenpeace de ce monde.
Un moratoire ferait peur aux investisseurs. Les sociétés gazières quitteraient la province, car elles demandent d’abord et avant tout un environnement économique stable et prévisible.
Surtout qu’en ce moment on est en train de tester notre gisement de gaz, d’apprécier son potentiel. Cette période d’exploration est cruciale pour le développement de l’industrie du gaz dans la province.
Toutefois, il n’est pas question pour notre gouvernement de permettre une phase de production à grande échelle tant que le BAPE n’aura pas remis son rapport et que la loi sur les hydrocarbures ne sera pas adoptée.
On sent à Québec une urgence d’agir. Qu’est-ce qui presse tant ?
– Nous n’agissons pas de façon précipitée, au contraire. L’industrie nous dit qu’elle sera prête à produire du gaz en 2014. Nous avons donc trois années devant nous pour consulter les citoyens, obtenir de l’information de sources indépendantes et réglementer les activités des sociétés gazières.
Avez-vous prévu d’indemniser les gens qui habitent près des puits ?
– Voilà l’un des grands débats qui marqueront la rédaction de la future loi sur les hydrocarbures : comment donner accès à cette nouvelle richesse aux résidants des zones de production ? Une société gazière pourrait financer des infrastructures locales, un CPE ou une école, comme le fait la compagnie minière Osisko à Malartic. J’aime bien cette formule. Ira-t-on jusqu’à verser des redevances aux propriétaires fonciers ? Je ne sais pas.
À combien évaluez-vous les retombées de l’exploitation du gaz pour le Québec ?
– Depuis 2007, 200 millions de dollars ont été dépensés en travaux d’exploration. En phase de production, on prévoit des investissements d’un milliard par an. Dans le cas où les redevances seraient de 12,5 %, l’État toucherait annuellement 230 millions. Mais surtout, des emplois payants seront créés ici plutôt qu’en Alberta. Le cégep de Thetford Mines se prépare d’ailleurs à former des jeunes aux métiers de l’industrie gazière.
Une majorité des prospecteurs actifs au Québec ne sont pas d’ici. Le gros des profits de l’industrie quittera donc la province. Pourquoi ne pas nationaliser la ressource ?
– Le secteur du gaz est tout nouveau pour le Québec. Nous avons donc besoin d’un transfert de savoir-faire des sociétés gazières. Pourquoi la nationalisation serait-elle le seul modèle valable ? Il est possible de créer un nouveau partenariat d’affaires, un pacte social, entre le gouvernement, l’industrie et les collectivités touchées par l’exploitation du gaz de schiste. J’y crois fermement.
Des dates à surveiller
4 février 2011 : remise du rapport du BAPE.
Printemps 2011 : dépôt à l’Assemblée nationale du projet de loi sur les hydrocarbures.
2014 : une soixantaine de puits auront été forés au Québec, selon les prévisions de l’industrie.