Une mer calme n’a jamais formé les meilleurs marins. Si le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) a dû gérer la pandémie de COVID-19 au cours de son premier mandat, jamais le parti de François Legault n’a été menacé sur le plan électoral. De 2018 à 2022, aucune force d’opposition n’a été en mesure de percer réellement l’armure caquiste.
Or, le sondage Léger publié hier dans les médias de Québecor nous montre que, après cinq ans au pouvoir, le gouvernement Legault subit un premier recul notable de ses appuis dans les intentions de vote.
Ce n’est pas la déroute non plus : la CAQ demeure toujours loin en tête avec 36 % des intentions de vote à l’échelle nationale, une baisse de 5 points par rapport à son résultat des élections générales de l’automne dernier et 14 points devant son plus proche poursuivant.
La fluctuation reste toutefois plus forte que la normale, et contrairement aux changements d’humeur de l’électorat des dernières années observés par les sondeurs, une seule formation en profite cette fois, en l’occurrence le Parti québécois (PQ).
Le PQ obtient ainsi la faveur de 22 % des personnes sondées, son meilleur score depuis 2018, toutes maisons de sondage confondues. Il s’agit d’une hausse significative de sept points par rapport aux résultats des troupes péquistes le 3 octobre dernier. Nous savions qu’il y avait des vases communicants entre ces deux partis, mais c’est d’autant plus évident avec ce sondage, en particulier lorsque nous considérons ses découpages régionaux.
À l’échelle nationale, les appuis aux autres formations demeurent généralement stables par rapport à leurs niveaux des derniers temps. Québec solidaire (QS) se maintient à 16 %, le Parti libéral (PLQ) est toujours à son plancher (du moins, ce que nous croyons être son plancher) à 14 % et le Parti conservateur (PCQ) obtient 10 % de la faveur, tout juste sous son résultat de 2022.
Dans le grand Montréal, les électeurs n’ont guère changé d’opinion depuis le scrutin d’octobre. Le sondage ne révèle aucune variation statistiquement significative. La CAQ demeure en tête grâce à sa domination dans le 450.
Là où ça a bougé le plus, c’est à Québec (et ses alentours) et en région. Léger a constaté des mouvements qui vont bien au-delà de l’incertitude inhérente aux sous-échantillons.
Dans la région métropolitaine de Québec (la ville, sa banlieue nord et la Rive-Sud, donc Lévis), la CAQ perd 14 points par rapport au sondage Léger de février. Elle se situerait maintenant à 26 %, une chute spectaculaire qui coïncide avec l’annonce de l’abandon du projet de troisième lien autoroutier entre les deux rives du Saint-Laurent.
Tandis que le PLQ et QS font du surplace dans la région, le PQ bondit de 8 points à 28 % (15 points de plus qu’aux élections de cet automne), et le PCQ reprend le terrain qu’il avait perdu depuis le scrutin et grimpe à 23 %.
Pour le PCQ, c’est peut-être le signe que la formation de droite plafonne, après une croissance préélectorale notable en 2022 : même avec l’abandon du troisième lien pour automobilistes, une marotte du chef Éric Duhaime, le PCQ ne dépasse pas son score d’octobre. Mentionnons toutefois que, avec de tels chiffres, les conservateurs seraient assurément favoris dans les deux circonscriptions de la Beauce (perdues de justesse), seraient beaucoup plus compétitifs à Québec et profiteraient peut-être d’une division du vote entre la CAQ et le PQ. Cela reste à voir.
Ailleurs au Québec, les mouvements de fond sont aussi importants. En octobre, la CAQ a remporté le vote des régions par plus de 30 points — un balayage sans équivoque. Or, Léger mesure désormais un écart de seulement six points entre la CAQ (35 %) et le PQ (29 %) à l’extérieur des régions métropolitaines de Montréal et de Québec. Il s’agit là d’une hausse de 13 points pour la formation souverainiste par rapport au scrutin de 2022 et d’une chute équivalente de 13 points pour la CAQ. Les autres partis se maintiennent tous près de leur niveau d’il y a sept mois. Soudainement, l’emprise de la CAQ en région semble s’affaiblir.
D’ailleurs, la satisfaction des Québécois à l’égard du gouvernement Legault a baissé ces derniers mois. À la grandeur du Québec, 50 % des électeurs affirment être satisfaits du gouvernement de la CAQ, contre 44 % qui se disent insatisfaits. C’est à Québec que le mécontentement est le plus élevé : 55 % ont une impression négative de la performance gouvernementale, contre seulement 40 % qui ont une opinion positive. Sans aucun doute, il s’agit d’une réaction à la promesse brisée du troisième lien et à la gestion générale du dossier depuis l’annonce de l’abandon du projet.
Plusieurs premiers ministres provinciaux au Canada doivent être verts d’envie devant un taux de satisfaction de 50 % — comme Danielle Smith en Alberta, elle qui affronte l’électorat ces jours-ci —, mais la CAQ nous avait quand même habitués à des taux de satisfaction de plus de 60 %.
Une Assemblée nationale transformée
Il n’y aura pas d’élections avant le 5 octobre 2026, mais ça vaut la peine de faire l’exercice de traduire en sièges ces nouvelles données avec le modèle de Qc125.

Sans surprise, la CAQ se trouve toujours en territoire majoritaire (82 sièges en moyenne), mais son intervalle de confiance inférieur descend maintenant jusqu’à 62 sièges — juste sous le seuil de la majorité. Les libéraux doivent se contenter de leurs bastions habituels et se situent à 19 sièges en moyenne. De son côté, Québec solidaire remporte 13 sièges en moyenne, soit les 12 qu’il détient déjà, ainsi que Viau (à Montréal), où il est projeté comme favori.
Pour ce qui est du Parti québécois, la projection bondit à 9 sièges avec un intervalle de confiance supérieur qui s’étend maintenant jusqu’à 19 sièges. Si le vote péquiste s’est avéré particulièrement inefficace en octobre dernier (15 % des suffrages et seulement trois sièges), cette hausse soudaine des appuis au PQ le place tout juste au pied d’une première « zone payante ».
Or, si jamais le PQ devait continuer de grimper et dépasser le seuil des 25 %, sa récolte de sièges bondirait considérablement, en particulier s’il devait continuer à profiter de l’érosion des appuis caquistes en région. Un sondage Léger publié en février mesurait les appuis à la souveraineté du Québec à 38 %, alors ce n’est pas comme si le bassin d’électeurs péquistes potentiels était à sec.
Nous suivrons évidemment les chiffres d’ici la fin de la présente session parlementaire à Québec afin de voir si la tendance se maintiendra pour les troupes de Paul St-Pierre Plamondon.
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Pour plus de détails sur cette projection électorale québécoise, visitez la page Web de Qc125 ici. Les projections des 125 circonscriptions de l’Assemblée nationale se trouvent sur cette page. Pour les informations sur la méthodologie de Qc125, cliquez ici.
Il est normal que la popularité de la CAQ soit à la baisse actuellement. Une partie de la population est en colère et ils voient dans l’appui au PQ la meilleure façon de l’exprimer.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres entre exprimer sa colère à 3 ans et demie d’une élection et voter réellement pour le parti lors de celle-ci. Les enjeux réels vont un jour reprendre le dessus. Les francophones fédéralistes entre autres vont oublier cette histoire de troisième lien et ils vont retourner à la sécurité que leur promet la CAQ face à la menace d’un troisième référendum sur l’indépendance. Les libéraux n’étant plus dorénavant vu comme les dépositaires et gardiens du fédéralisme.
Le titre secondaire de M. Fournier semble révéler qu’il est péquiste, car il dit : « Les Québécois […] ne souhaitent pas envoyer leur vote de protestation n’importe où pour autant. » QS, c’est n’importe quoi? À l’intérieur du PQ, on trouve n’importe quoi – d’accord, c’est un parti de prédilection pour les souverainistes, mais idéologiquement, on y trouve tout et son contraire.