Après 236 jours d’audience, 3 600 documents déposés et un bon millier de «mais nous prends-tu pour des épais!?» lancés en écoutant quelque 300 témoins, la commission Charbonneau a finalement remis son rapport.
Le document de 1 741 pages a été placé sur le site Web de la commission à 11 h pile mardi matin, site Web qui s’est empressé de planter vers 11 h 02. Et comme les journalistes n’y avaient pas accès à l’avance en huis clos (merci, PLQ!), on faisait cette mine dans les salles de presse du Québec:

Quoi? Vous n’avez pas encore lu le rapport? Quoi? Vous êtes encore en train d’essayer de finir le dernier Millénium? Quoi? Vous voudriez que j’arrête de bretter et que je vous résume ça?
D’accord. Alors en quatre mots comme en 1 741 pages: on s’est fait avoir.
Par qui? Par, heu… un peu tout et un peu rien… vous savez, ces choses-là… c’est toujours dur à dire et puis… qui sommes-nous pour juger?… que celui qui n’a jamais enfreint la loi électorale parce que les autorités en place fermaient les yeux leur jette la première pierre, et tout ça.
La bonne nouvelle, c’est qu’on nous promet que le rapport ne sera pas tabletté. On peut remercier l’austérité: des tablettes capables de supporter de telles briques, ce n’est pas donné. Le simple citoyen reste quand même sur sa faim. Où sont les coupables? Où sont les blâmes? Où est le sang? Le grand public regarde sa potence d’un air triste et il a le nœud coulant bien solitaire.
Sachant la collection d’épithètes que j’ai lancées à ma télé en écoutant la commission, c’est difficile de ne pas trouver le rapport mollasson quand vient le temps de secouer son index réprobateur en fronçant les sourcils. Au minimum, il me semble que j’aurais pris un air exaspéré comme ça:

En lieu et place, on a droit à des reproches un peu mous. Comme celui envers Gérald Tremblay, qui n’aurait pas «exercé adéquatement son rôle de contrôle et de surveillance de l’administration municipale». Quand il va apprendre ça, Gérald (quelque part en 2019), il va être vraiment froissé! Il risque même de lancer un «sapristi!»
Et c’est encore pire quand on lit l’avis dissident du commissaire Renaud Lachance.
Si on croit comme lui qu’il n’y a pas de lien direct ou même indirect entre les dons des entrepreneurs et les contrats qu’ils finissaient par décrocher, on doit en arriver à la conclusion que nos gens d’affaires sont les plus beaux épais de l’histoire du développement des affaires.
Si j’étais un entrepreneur, je refuserais qu’on me dépeigne comme un tata qui lance de l’argent par les fenêtres si on le lui demande assez gentiment, et je ferais une sortie publique.
Un moment donné, si ça marche comme un canard, cancane comme un canard et utilise des prête-noms pour financer à coups de milliers de dollars un parti politique afin de ne pas perdre des contrats d’asphaltage comme un canard, c’est un canard et il fait partie d’un système de corruption politique au niveau provincial.
Ce n’était pas dans le mandat de la CEIC, je sais, mais nous aurions tous aimé qu’un des chapitres du rapport s’intitule «Les *sties de cr*sseurs et leurs méthodes de cr*sseurs». Ça aurait fait un bien fou.
Mais au fond, c’est peut-être mieux que le rapport Charbonneau ne blâme personne. Autrement, ça voudrait dire que le Québec a élu encore et encore des corrompus et même que certains sont toujours en poste.
Avec un texte aussi gentil, au moins, l’honneur est sauf.
VIDÉO: La commission Charbonneau expliquée en 5 minutes
VIDÉO: Les perles de la commission Charbonneau
C’est les journalistes qui vont faire la travail. Donc une bonne nouvelle peur eux: plein de travaille…
Tout le long des témoignages, on se demandais « est-ce que c’est un imbécile incompétent ou un escroc ». Ne pas porter d’accusation se trouve donc, en quelque sorte, à être une insulte.
Dans le fond, on aurait bien pu se passer de la Commission Charbonneau.
L’article du Maclean’s était parfaitement explicite:
http://www.tvanouvelles.ca/2010/09/24/macleans–le-quebec-est-la-province-la-plus-corrompue
Le modèle québécois dans toute sa splendeur…
En 2011 PIerre Duhaime alors président de SNC Lavalin disait comme vous : « Commission d’Enquête pas nécessaire »:
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2011/09/19/001-pdg-snc-lavalin-enquete-publique-pierre-duhaime.shtml
et nous connaissons la suite, lui aussi, comme vous et comme Jean Charest auriez aimé qu’on ne fasse pas trop de vague avec ça sur la place publique, qu’on laisse la Police s’en occuper (faire ce qu’ils peuvent comme d’habitude et ensuite laisser les avocats régler ça entre eux).
Ca ne vous rappelle pas Nuremberg? On suivait les ordres. Personne de coupable
Nürnberg, -ou Nuremberg- On suivait les ordres!! Personne de coupable? Mais on en a condamné combien à la pendaison? Exactement douze. Et c’est sans compter les peines de prison dont certaines à vie, comme Rüdolf Hess.
Manquement aux devoirs … quand une Commission ne peut statuer sur la responsabilité pour un tel niveau élevé de corruption , la justice et la démocratie échouent .
Cela a peut-être à voir avec le fait que la présidente de la Commission était un juge qui a une expertise en droit pénal où le fardeau de la preuve est « hors de tout doute raisonnable »… On aurait espéré que la Commission fasse preuve d’un peu de gros bon sens mais ce ne fut pas le cas et on se retrouve avec un rapport mi figue mi raisin car on semble viser le même fardeau de preuve qu’en matière pénale. Pourtant, c’était justement la raison d’être de la Commission puisque la preuve en matière pénale est difficile à faire à cause des risque élevés d’erreur judiciaire aux conséquences très graves pour l’accusé – ici on voulait faire le ménage sans viser à une condamnation pénale pour pouvoir se débarrasser de la corruption mais la montagne a accouché d’une souris… Le ménage? À la prochaine!