
Ceux qui, parmi les péquistes, rêvent d’en découdre de nouveau et rapidement avec les libéraux et les caquistes, mais en tapant cette fois-ci sur le clou populiste d’une chasse aux dollars chez les mieux nantis, auraient intérêt à faire travailler leur mémoire.
Dans la configuration actuelle de l’Assemblée nationale, l’hypothèse qu’une collision frontale hâtive entre le gouvernement et l’opposition, majoritaire, entraîne un retour précipité aux urnes est la moins probable.
Avant d’en arriver là, le PLQ et la CAQ auraient le loisir d’explorer une gamme de formules susceptibles d’installer un gouvernement durable en remplacement du PQ. Ensemble, ces deux formations ont obtenu presque deux fois plus de votes que le PQ le 4 septembre.
Dans la mesure où libéraux et caquistes ont besoin de temps pour retomber sur leurs pieds et, dans le cas du PLQ, pour remplacer son chef, la recherche d’une alliance pourrait devenir plus intéressante que la perspective de se laisser enfoncer un couteau péquiste dans la gorge.
À cet égard, les précédents ne manquent pas. Le plus récent remonte à 2008 et à la crise parlementaire qui a failli coûter le pouvoir au gouvernement minoritaire nouvellement réélu de Stephen Harper.
Devant une mise à jour budgétaire qu’ils ne pouvaient pas digérer, libéraux et néo-démocrates ont proposé un gouvernement de coalition, dirigé par Stéphane Dion, que le Bloc québécois avait accepté d’appuyer pendant au moins un an. Ce projet a avorté, parce que les libéraux ont abandonné leur projet de coalition avant l’expiration du sursis de quelques semaines que la gouverneure générale, Michaëlle Jean, avait accordé au premier ministre Harper en suspendant la session.
Au terme de ce sursis, on peut croire que Michaëlle Jean aurait accepté la proposition d’un gouvernement de rechange. C’est en tout cas ce qu’aurait fait sa prédécesseure Adrienne Clarkson. Dans ses mémoires, elle a écrit que si le gouvernement minoritaire de Paul Martin était tombé rapidement, en 2004, elle aurait d’abord demandé à l’opposition officielle conservatrice de tenter de s’entendre avec les deux autres partis d’opposition pour gouverner avant de se résoudre à renvoyer le Canada aux urnes.
En Ontario, en 1985, un gouvernement minoritaire conservateur (52 sièges) a été rapidement remplacé par les libéraux (48 sièges) sur la foi d’un pacte négocié avec le NPD, qui formait la deuxième opposition à Queen’s Park. Ce régime a duré deux ans.
Contrairement au tandem Dion-Layton, qui aurait été tributaire du Bloc pour assurer la stabilité d’un gouvernement de coalition en 2008, le PLQ et la CAQ n’auraient pas besoin de Québec solidaire pour disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale. Si les choses en venaient là, ils pourraient opter soit pour la formule, plus légère, d’une alliance circonstancielle, soit pour celle, plus lourde, d’un gouvernement de coalition.
Dans le premier cas, le PLQ et la CAQ s’entendraient sur une série de politiques, dont l’exécution assurerait à un gouvernement libéral l’appui de la CAQ pendant deux ou trois ans. Dans le second, François Legault pourrait se retrouver vice-premier ministre dans un cabinet dirigé par le PLQ et au sein duquel on peut croire que Jacques Duchesneau, notamment, dirigerait un ministère.
Dans une telle entreprise, les risques ne sont pas nécessairement partagés également. Le succès peut profiter davantage à l’actionnaire principal de l’opération (en l’occurrence le PLQ). En Ontario et à Ottawa, l’ouverture du NPD à des arrangements s’est néanmoins soldée, à court ou à moyen terme, par des gains électoraux notables.
Il ne s’agit pour l’heure que d’une discussion abstraite. Mais en politique, l’histoire récente a montré qu’il n’y a souvent qu’un pas entre la théorie et la pratique.
Sous le couvert d’une partie de poker, c’est à la roulette russe que joue Pauline Marois cet automne.