La diplomatie des villes 

Bruno Marchand et Valérie Plante sont de cette nouvelle génération de maires et de mairesses du Québec qui veulent jouer un rôle à l’international. Le gouvernement Legault doit en prendre note. 

De gauche à droite, la mairesse de Sherbrooke, Evelyne Beaudin, le maire de Québec, Bruno Marchand, la mairesse de Montréal, Valerie Plante, et la mairesse de Gatineau, France Belisle, lors d'un panel de discussion au Conseil des relations internationales de Montréal, le 12 avril 2023. (Photo : Graham Hughes / La Presse Canadienne)

Députée libérale à Québec de 2007 à 2022, Christine St-Pierre a été ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, de même que ministre des Relations internationales et de la Francophonie. Journaliste à Radio-Canada de 1976 à 2007, elle a été courriériste parlementaire à Québec et à Ottawa, puis correspondante à Washington. 

Le radar de la nouvelle ministre des Relations internationales, Martine Biron, a détecté quelque chose d’inattendu récemment : des maires et des mairesses qui veulent jouer un rôle sur la scène internationale — et qui veulent que leur intérêt soit bien connu. 

En début d’année, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, s’envolait par exemple vers le Mexique, à la tête d’une importante délégation des milieux de l’éducation, de la culture et des affaires. Bruno Marchand, maire de Québec, se rendait au même moment en Scandinavie, avec quatre journalistes pour le suivre… Il a multiplié les points de presse pendant sa mission, à Helsinki (Finlande), Copenhague (Danemark) et Malmö (Suède). En plus des gens d’affaires qui l’accompagnaient, il avait invité le maire de Laval, Stéphane Boyer, la mairesse de Granby, Julie Bourdon, et le maire de Gaspé et président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Daniel Côté. 

La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, s’est rendue elle aussi en Scandinavie pour discuter de politiques d’urbanisme et de mobilité, avant d’aller en Autriche, où elle était l’invitée de l’ex-mairesse de Vienne. 

Les villes ont des idées et des choses à dire sur le rôle qu’elles peuvent jouer en matière de diplomatie internationale — et ce, sans avoir à demander la permission à Québec. Les municipalités sont aux premières loges des problèmes que vivent les citoyens, qui dépassent les nids de poule et la collecte des déchets (et dont L’actualité faisait mention dans son dossier sur les personnalités de l’année 2022) et qui se retrouvent ailleurs dans le monde. Mobilité, changements climatiques, itinérance, immigration… Les regards se portent tout d’abord sur les élus municipaux, qui ont à répondre en cas de crise par leurs actions et leur présence active sur le terrain. 

Au gouvernement du Québec, on est bien conscient de cet enthousiasme grandissant des villes pour l’action internationale (d’autant que le maire Marchand a publiquement suggéré au gouvernement d’ajouter une autre représentation du Québec à l’étranger, pour l’Europe du Nord — parce que c’est là un réseau sur lequel les municipalités peuvent avantageusement compter dans leurs relations internationales).

S’il y a une certaine collaboration avec les municipalités, on veut aussi s’assurer qu’elles ne viennent pas éclipser le travail du Québec sur le terrain ou, pire, l’embêter. Au ministère des Relations internationales, une petite équipe de fonctionnaires a ainsi été mise en place pour analyser la question. L’adjointe parlementaire de la ministre Martine Biron, la députée de Laval-des-Rapides, Céline Haytayan, s’est vu confier le volet politique du dossier. 

Il y a matière à s’interroger pour le gouvernement du Québec, puisque certains pays pourraient trouver plus accommodant de transiger avec des municipalités directement plutôt qu’avec le gouvernement. J’en ai moi-même eu un aperçu en janvier dernier, lorsqu’un consul général nouvellement arrivé en poste à Montréal m’a sollicitée pour une rencontre. 

Après les politesses d’usage, la discussion a porté sur les champs de compétences du Québec et notre volonté, depuis plus de 60 ans, de les appliquer à l’international sans intervention du fédéral. Puis, à ma grande surprise, mon interlocuteur a dirigé la conversation vers son intérêt marqué de créer des liens avec certaines municipalités pendant son mandat. Il semblait y voir un terrain fertile et plus souple concernant les échanges et le développement de projets… 

Le concept de « diplomatie des villes » n’est pas nouveau à l’échelle planétaire. Il remonte notamment à 1913, avec la création de l’Union internationale des villes. Le phénomène s’est accentué graduellement jusqu’en 2004, quand une véritable force a été instaurée avec la fondation de Cités et gouvernements locaux réunis (CGLU), une fusion de l’Union internationale des collectivités locales et des Organismes des villes unies. CGLU compte aujourd’hui 240 000 membres.  

Au Québec, nous avons connu depuis toujours des maires fort engagés dans la promotion de la visibilité de leur ville sur la scène internationale. Normal, puisque Montréal est la métropole et Québec, la capitale nationale. Ainsi, Jean Drapeau, Pierre Bourque, Jean Doré, Jean Pelletier, Denis Coderre et Régis Labeaume ne donnaient pas leur place. 

Mais l’intérêt que des élus de villes plus petites portent aux relations internationales est plus récent. L’ancien maire de Gatineau Maxime Pedneaud-Jobin rappelait à juste titre au gouvernement du Québec l’importance d’ouvrir à des fonctionnaires municipaux les portes du nouvel Institut de la diplomatie du Québec, réservé aux fonctionnaires provinciaux. « Pour que l’action internationale du Québec soit plus forte, les villes doivent absolument être des partenaires privilégiés du gouvernement du Québec : elles ont déjà de l’expertise », disait-il dans La Presse.

Le sujet a été abordé cette semaine à la tribune du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), sous le thème « Un nouveau rôle international pour les villes ? ». Les maires et mairesses de Québec, Sherbrooke, Gatineau et Montréal étaient invités. 

Tous ont clairement affirmé qu’ils entendent occuper pleinement ce terrain de jeu. « On a le vent dans les voiles et on va aller encore plus vite », a dit Bruno Marchand. « Avant, les relations internationales étaient plus symboliques. Maintenant, elles sont plus tactiques », a renchéri Valérie Plante.

Selon Bruno Marchand, « les villes qui avancent plus rapidement présentement, qui font face rapidement à leurs défis, ce sont des villes qui apprennent des autres ».  

On prévoit que 70 % de la population mondiale sera urbaine en 2050. Alors, les défis du monde passent incontestablement par les villes. La question n’est donc plus de savoir s’il y a bel et bien de la place pour une « diplomatie des villes », mais plutôt : comment leur faire encore plus de place ?

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Bonjour.

C’est avec une jubilation que je lis cet article,les pays scandinaves sont en avance sur presque tous les sujets chauds de la planète, ce sont tous des pays sociaux démocrates, le suédois, le norvégien et le danois sont des langues similaires, un danois comprend très bien un danois ou un suédois. Mais ce qui est leur force, c’est leur prévoyance sur l’urbanisation, les changement climatiques, l’immigration et beaucoup d’autres sujets importants pour le citoyen. Je félicite le Maire d’avoir invité d’autres maires et mairesses de faire partie d’une aventure diplomatique dès plus salutaires, enfin nos élus ont compris l’immense débrouillardise de ces pays en matière de social démocratie, presque tous les scandinaves parlent anglais, car ils savent très bien que dans quelques années tout se passera dans cette langue facile à parler et comprendre, tous les pays du nord sont plus inventifs et créatifs car ils ont l’hiver à affronter, la misère est moins pénible au soleil, mais aussi moins créative.

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