
Avec ses concours d’imitation de cochons, ses lancers de galettes de bouse de vache séchées et ses sculptures géantes en beurre, la foire d’État de l’Iowa attire plus d’un million de personnes chaque été dans la petite ville de Des Moines.
C’est aussi un passage obligé pour les candidats à la présidence des États-Unis, qui défilent tour à tour sur un minuscule podium aménagé au milieu de balles de foin, avant de goûter aux spécialités culinaires locales — telles que les côtelettes de porc sur bâtonnets, les « pogos » de 12 po et les biscuits Oreo frits.
L’un des kiosques les plus courus est tenu par une station de télé, qui invite les gens à voter pour leur candidat favori au moyen… d’un grain de maïs. En cette chaude journée du mois d’août, des dizaines de personnes font la file devant une table où sont alignés des pots en verre avec les noms et les photos de la vingtaine de candidats démocrates et républicains.
Tracy Harris, travailleuse sociale dans la vingtaine qui se déplace en fauteuil roulant, dépose sans hésitation son grain de maïs dans le pot de Hillary Clinton. Mais elle semble décontenancée quand elle aperçoit, griffonnés à la main sur une affiche près du kiosque, les plus récents résultats de ce vote informel.
Avec 26 % des voix, Donald Trump domine largement tous ses adversaires républicains, ainsi que Hillary Clinton, deuxième, qui en recueille 18 %.
DONALD TRUMP SUR LES IMMIGRANTS
« Construisons le mur [entre les États-Unis et le Mexique] ! Partout où je vais, les immigrants ont nos jobs ! »
« Les gens veulent vraiment Trump comme président ?! » s’exclame Tracy Harris en se tournant vers un préposé responsable du kiosque. « Êtes-vous sérieux ? C’est une farce ou quoi ? »
De nombreux électeurs et médias ont réagi de la même façon quand ce singulier milliardaire s’est officiellement lancé dans la course, en juin dernier.
Le tabloïd new-yorkais The Daily News a même publié une photo truquée de Trump avec un nez rouge, coiffée d’un titre dévastateur : « Un clown veut devenir président ».
D’entrée de jeu, les commentateurs politiques accordaient autant de crédibilité à Trump qu’au simulacre de votes au moyen de grains de maïs à la foire d’Iowa. Divertissant, certes, mais sans conséquence. Jusqu’à ce que des sondages sérieux confirment, semaine après semaine, l’irrésistible montée de Trump dans les intentions de vote.
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En Iowa, un État clé dans la course à la présidence, Trump obtient la faveur de 23 % des électeurs républicains, devant un autre candidat « antiestablishment », le neurochirurgien Ben Carsons.
Au New Hampshire, un autre État crucial dans la course aux primaires, qui détermineront le candidat de chaque parti au scrutin présidentiel de 2016, Trump dispose d’une avance encore plus confortable face à ses rivaux. Sur le plan national, il serait le choix de 40 % des électeurs républicains, selon un sondage diffusé à la fin août, contre à peine 10 % pour l’ex-gouverneur de la Floride Jeb Bush (frère de George W.), pourtant considéré comme le favori du Parti.
« Réveillez-moi quand ce rêve — ou devrais-je dire ce cauchemar — sera terminé », a soupiré un animateur de radio de Des Moines en commentant ces résultats, ce jour-là.
Mais pour le moment, rien ne semble freiner l’ascension de Trump, richissime promoteur immobilier devenu une véritable star en animant depuis Manhattan sa propre émission de téléréalité, The Apprentice, diffusée sur le réseau NBC.
L’excentrique milliardaire multiplie pourtant les déclarations incendiaires et les attaques personnelles contre les adversaires de son propre parti et contre les journalistes — y compris ceux de Fox News, qui agissent pourtant souvent comme des porte-paroles non officiels du Parti républicain.
Trump promet notamment d’ériger un mur à la frontière avec le Mexique et d’envoyer la facture à l’État mexicain.
« Le Mexique ne nous envoie pas ses meilleures gens, a-t-il déclaré lors du lancement de sa campagne électorale. Il nous envoie ceux qui ont des problèmes. [Ces immigrants] nous apportent la drogue, la criminalité. Ce sont des violeurs. Certains, je présume, sont de braves gens. »
DONALD TRUMP SUR LUI-MÊME
« Toutes les femmes dans The Apprentice ont flirté avec moi, consciemment ou non. Il fallait s’y attendre. »
Ces propos ont profondément offusqué la communauté hispanique — et poussé Univision, une chaîne de télé écoutée par la majorité des quelque 55 millions de latinos aux États-Unis, à annuler la diffusion du concours Miss USA, dont les droits appartiennent à Trump. Le réseau NBC a aussi mis fin à la diffusion de The Apprentice.
De tels dérapages auraient suffi à faire dérailler la campagne de la plupart des candidats. Mais Trump n’est pas un candidat « normal ». Ses partisans saluent plutôt le « franc-parler » du milliardaire, qui tranche avec la langue de bois habituelle des politiciens.
« Il est la voix de la majorité silencieuse », me dit Paula Cooksley, 63 ans, qui a fait trois heures de route depuis son petit village d’Illinois pour assister à un grand rassemblement organisé par l’équipe de Trump à Dubuque, le berceau historique de l’Iowa. Comme des centaines d’autres personnes, elle attend depuis des heures devant les portes du Grand River Center, un centre de congrès sis sur les rives du Mississippi, dans l’espoir d’obtenir de bonnes places et, qui sait, un autographe.
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« Les gens ont peur de dire ce qu’ils pensent vraiment, déplore cette infirmière retraitée. Tout doit être politiquement correct. Résultat : les gens ne disent plus rien, ils se taisent. »
Même les commentaires sexistes de Trump (il a notamment insinué qu’une animatrice de la chaîne Fox lui avait posé des questions « injustes » lors d’un débat télévisé parce qu’elle avait ses règles) ne semblent guère éroder l’enthousiasme des nombreuses femmes présentes au rassemblement.
« En tant que femme, je ne me suis jamais sentie comme une victime, je me tiens debout , dit Jackie Gasparro, une ancienne courtière à la Bourse de Chicago. J’ai été dans le domaine du business, dans un monde d’hommes, et quand les démocrates veulent victimiser les femmes, je n’avale pas ça. »
Plus encore que par son franc-parler, les partisans de Trump semblent d’abord et avant tout fascinés par la richesse du magnat de l’immobilier, qui serait selon eux un gage d’indépendance.
« Il a son propre argent, il n’a pas besoin de la politique », dit Shirley Aggseth, qui a elle aussi roulé pendant des heures avec son mari, mécanicien à la retraite, pour assister à la rencontre. « Il ne demande pas aux contribuables de financer sa campagne et il n’est pas manipulé par les entreprises et les riches donateurs. C’est le problème des membres du Congrès : ils sont tous manipulés par l’argent. Ils ne peuvent rien faire, leurs mains sont liées. »
Quelques heures plus tard, en présentant à quelque 3 000 spectateurs le « prochain président des États-Unis », le coprésident national de sa campagne, Sam Clovis, fait aussi écho à la fortune de Trump. « Il faut changer le statu quo en Amérique ; arrêtons d’élire toujours le même genre de politiciens », dit ce transfuge, qui dirigeait jusqu’à récemment la campagne de l’ex-gouverneur du Texas Rick Perry. « Il est temps d’élire des gens qui ont réussi ! »
Vêtu d’une chemise blanche et d’une cravate rouge, Trump monte sur scène avec l’attitude d’un boxeur prêt à combattre sur le ring. « Un journaliste m’a dit qu’on venait de vivre “l’été de Trump” », lance-t-il à la foule, après avoir énuméré les récents sondages favorables à sa candidature. « Mais ça ne veut rien dire si on ne gagne pas. Ce que je veux, c’est être président des États-Unis ! »
Habile orateur, il présente son discours sans l’aide d’aucune note écrite ni de télésouffleur, « un outil qu’on devrait interdire à tous les candidats à la présidence », lance-t-il à la foule, qui l’accueille comme une vedette rock.
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Désignant de la main la horde de journalistes et de caméras de télé rassemblés sur une grande estrade, à l’arrière de la salle, il se livre à une charge contre les médias, qui « se fichent des gens ». « Tout ce qu’ils veulent, ce sont des cotes d’écoute. C’est pour ça qu’ils sont ici ! » dit-il, se gardant bien de souligner que ces mêmes médias sont sans doute, pour l’heure, ses meilleurs alliés. Depuis son entrée en scène, Trump accapare plus de 50 % de la couverture médiatique des candidats républicains. Résultat : il n’a pas à dépenser un cent en publicités électorales…
Qu’importe, l’attaque fait mouche auprès de son public. Tout comme celle contre les politiciens, « qui ne font que parler et n’agissent pas ».
Fidèle à son habitude, l’homme d’affaires se moque de ses adversaires républicains, qualifiant Jeb Bush d’« homme qui a très peu d’énergie et attire de petites foules ».
Il s’époumone ensuite contre la Chine, le Japon et le Mexique, « qui volent nos jobs et notre base manufacturière ». Sa solution ? L’élire comme « négociateur » en chef. « Le libre-échange est mauvais si tes leaders sont des idiots », clame-t-il pendant que des admirateurs multiplient les égoportraits avec Trump en arrière-plan. Il réserve ses mots les plus durs pour les immigrants clandestins, ses cibles préférées.
« Beaucoup de membres des gangs de rue de Baltimore, Chicago et Ferguson sont des clandestins. Ce sont des gens durs, violents. Ils vont quitter le pays si vite quand je serai président que leurs têtes vont tournoyer ! »
Après le discours, les gens semblent électrisés, ravis d’avoir assisté à un bon spectacle. Mais beaucoup d’entre eux admettent sans vergogne n’avoir pas encore choisi leur camp. « Il a absolument raison à propos de l’immigration, dit Tom Moots, entrepreneur de 55 ans. Trump est brillant et il s’entoure des meilleurs au monde. Mais j’aime bien aussi Ben Carsons. Je vais attendre encore avant de décider pour qui voter… »
DONALD TRUMP SUR LA POLITIQUE AMÉRICAINE
« Tous les pays dans le monde pensent que les États-Unis sont dirigés par des gens stupides. Et ils ont raison ! »
Trump attire les curieux par milliers, mais combien d’entre eux voteront réellement pour lui ? C’est l’une des zones d’ombre qui subsistent autour du candidat, qui devra encore vaincre de nombreux obstacles.
L’ex-gouverneur du Texas Rick Perry a exprimé le sentiment de nombreux républicains quand il a décrit ainsi le « trumpisme » : « Un mélange toxique de démagogie et d’idioties qui va mener le parti républicain à sa perte. » Si le milliardaire devait maintenir son avance dans les sondages, ses adversaires pourraient se rallier à un candidat « anti-Trump ».

Et même s’il devait gagner l’investiture républicaine (une possibilité de moins en moins farfelue), il aurait encore fort à faire pour accéder à la Maison-Blanche.
Il devra entre autres rebâtir des ponts avec l’importante communauté hispanophone, dont le vote sera crucial dans plusieurs États clés en 2016.
En conférence de presse en marge du rassemblement de Dubuque, le milliardaire a fait expulser le journaliste-vedette de la chaîne hispanique Univision, Jorge Ramos, qui l’interpellait au sujet de l’éviction des immigrants clandestins. Le journaliste a par la suite pu réintégrer la salle et poser quelques questions, mais l’affaire avait déjà fait le tour des États-Unis — et du monde.
Selon Ramos, que j’ai rencontré après la conférence de presse, Trump ne pourra jamais gagner le cœur des latinos. « Pour nous, ses positions en matière d’immigration sont des attaques personnelles, dit cet immigrant né à Mexico. Ce n’est pas qu’un jeu politique. L’avance de Trump dans les sondages soulève beaucoup d’indignation et de crainte. »
Aux yeux de bien des partisans de Trump, les latinos devront s’y faire, parce que l’homme d’affaires « n’est pas un perdant ».
« S’il aime son pays autant qu’il s’aime lui-même, je n’ai pas de doute qu’il va gagner », dit Diane Dellagardelle, interviewée au rassemblement de Dubuque. « Ma seule inquiétude, c’est qu’il n’entre pas à la Maison-Blanche si sa tête enfle trop ! »
« Avec ses concours d’imitation de cochons »
Les discours de politiciens ???
Trump exacerbe l’usage du « Wedge Politics » qui vise à créer des divisions importantes parmi les électeurs et il peut surfer sur la vague qu’il crée. C’est une recette connue des Républicains et qui a été importée ici au Canada par le parti conservateur. On n’a qu’à voir la position de Trump sur les immigrants latinos et celle de Harper sur le niqab: on surfe sur le dos de minorités, aussi puissantes puissent-elles être. Malheureusement c’est souvent une recette gagnante (les sondages le confirment) mais ça n’assure en rien un bon gouvernement, bien au contraire.
Vouloir à tout prix le vote hispanophone, c’est comme le PQ qui focusserait sur le vote immigrant. Une perte de temps!
Ramos est la tête de la voyoucratie qui dirige le Mexique…Tous les Latinos LEGALEMENT aux États Unis supportent Trump! La preuve…Il est majoritaire en Floride et en Californie…quand aux envahisseurs, mexicains ou musulmans, ils ne peuvent pas voter…du moins pas encore!
Ramos est la tête de la voyoucratie qui dirige le Mexique…Tous les Latinos LEGALEMENT aux États Unis supportent Trump! La preuve…Il est majoritaire en Floride et en Californie…quand aux envahisseurs, mexicains ou musulmans, ils ne peuvent pas voter…du moins pas encore!