La question de l’isoloir : le référendum ou la Charte ?

À mi-campagne, force est de constater que le débat autour d’un éventuel troisième référendum est en tête. Mais la Charte reviendra-t-elle au centre des échanges, par un événement quelconque ou par la simple volonté du PQ ? L’analyse d’Alec Castonguay.

Le chef du PLQ, Philippe Couillard, et la chef du PQ, Pauline Marois.
Le chef du PLQ, Philippe Couillard, et la chef du PQ, Pauline Marois.

Dans toutes les campagnes électorales, les partis tentent de déterminer la «question de l’isoloir» — ce que les anglophones appellent la «ballot question» —, soit le sujet que les gens auront en tête lorsqu’ils mettront le X sur leur bulletin de vote, seuls dans l’isoloir. Les formations souhaitent s’imposer autour de ce thème.

PolitiqueÉconomie ? Santé ? Finances publiques ? Éthique ? Confiance envers l’équipe ?

Parfois, le sujet surgit où on l’attend le moins. D’autres fois, un parti réussit à manœuvrer pour en faire un thème dominant.

Un sujet émotif a toujours plus de chances de s’incruster dans le débat. Sur ce plan, difficile de faire mieux que le référendum et la Charte de la laïcité.

À mi-campagne, force est de constater que le débat autour d’un éventuel troisième référendum est en tête.

Aujourd’hui, le Parti québécois a tenté de ramener la Charte de la laïcité dans le débat, elle qui était absente depuis le déclenchement de la campagne électorale. Bien conscient du dernier sondage qui place le Parti libéral du Québec en avance pour la première fois depuis des mois, le député Bernard Drainville a soutenu en conférence de presse que «un vote pour le PLQ, c’est un vote contre la Charte» (voir le texte ici). Il a même lancé une nouvelle publicité sur le web pour rappeler aux gens l’importance de ce débat.

Vendredi dernier, Bernard Drainville avait également tenté de secouer la campagne avec ce thème en appuyant ostensiblement la candidate indépendante Fatima Houda-Pepin dans La Pinière. (voir mon texte ici)

Le débat sur la Charte est l’un des facteurs ayant permis au PQ de remonter la pente depuis l’automne. Une carte populaire dans l’électorat francophone que Bernard Drainville veut rejouer.

Est-ce que ce sera suffisant ? Le PQ peut-il aller chercher de nouveaux votes sur ce front ou a-t-il fait le plein ?

Depuis l’automne, aucun autre thème aussi émotif n’avait atterri dans le débat public. Les ondes et les pages étaient monopolisées par la Charte, sans grande concurrence.

Ce n’est plus le cas. Le débat souveraineté-fédéralisme, avec un nouveau référendum possible, renferme une charge émotive aussi grande que la Charte. Sinon davantage pour certains électeurs habitués à ce débat.

Or, les lignes de fractures entre les partis ne sont pas les mêmes à ce sujet que sur la Charte. Un réalignement du débat sur cet axe ramène les électeurs dans leurs familles traditionnelles.

Je reviens de trois jours passés en Mauricie et au Centre-du-Québec. Deux régions où la couleur du gouvernement pourrait se jouer, ainsi que son statut minoritaire ou majoritaire. Six circonscriptions se sont décidées par 5 % des voix ou moins en 2012. (Voir notre carte interactive ici.)

Mon exercice non scientifique m’a permis de parler avec des dizaines de citoyens, de tous les âges, de toutes les allégeances, et ce, autant en ville (Trois-Rivières) qu’en campagne.

Deux sujets revenaient le plus souvent : emplois et référendum.

J’ai constaté ce que les sondages Léger et Crop des derniers jours ont mis en évidence. Le vote de la CAQ, qui était fort dans ces régions en 2012, semble se transférer presque entièrement au PLQ.

Je ne compte plus le nombre d’électeurs qui m’ont dit : «J’aime bien Legault et ses idées, mais cette élection est trop importante, il faut voter libéral pour éviter un référendum». Ou alors des variations sur un même thème.

Des organisateurs péquistes et libéraux m’ont dit avoir reçu des appels à leur bureau de campagne de la part d’électeurs âgés qui ont «peur de perdre leur pension». Une vraie machine à voyager dans le temps ! Nous voilà revenus 20 ans en arrière…

Une dame croisée sur la rue à Louiseville m’a dit la chose suivante. «En santé, en économie et en éducation, les partis se ressemblent. Je ne leur fait pas confiance !» Une autre m’a dit : «Je ne comprends rien de leurs propositions. Je ne sais pas qui dit vrai».

Avec un niveau de cynisme élevé et une faible compréhension de la subtilité des enjeux chez certains électeurs, plusieurs se sentent à l’aise avec le débat souverainiste-fédéraliste lorsqu’il refait surface.

Au-delà des intentions de vote qui démontrent une lutte très serrée entre le PQ et le PLQ — rien n’est joué — , la donnée la plus révélatrice du dernier sondage Crop-La Presse est la suivante : 64 % des citoyens ne veulent pas d’un nouveau référendum dans le prochain mandat, mais 67 % des Québécois croient que Pauline Marois va en tenir un si elle obtient une majorité. Ces chiffres expliquent en grande partie le mouvement dans les intentions de vote.

Comment se fait-il que le référendum soit de nouveau un thème dominant, alors que rien ne le laissait présager il y a deux semaines ? Il y a plusieurs raisons :

L’arrivée de Pierre Karl Péladeau, le poing levé, affirmant qu’il saute dans l’arène politique avant tout pour faire un pays. L’image a collé dans l’esprit des gens. Dans ma tournée, je l’ai entendu à maintes reprises : un homme aussi puissant, riche et déterminé s’engage forcément pour autre chose qu’être simplement ministre. Le référendum serait inévitable, selon bien des gens. Son arrivée a fait plaisir à la base souverainiste du PQ (qui jouit maintenant de l’appui le plus solide parmi ses électeurs), mais il a fait peur aux fédéralistes (même les pro-Charte), qui le voient comme un homme qui peut faire la différence. Plusieurs veulent maintenant lui barrer la route.

La lettre ouverte des ténors souverainistes en faveur de l’arrivée de PKP a eu son effet également. Si Parizeau, Duceppe, Landry, Harel, Larose et autres sont aussi heureux de son arrivée, malgré son passé de droite, cela envoie le signal qu’il se passe quelque chose de gros dans la famille souverainiste.

Jacques Parizeau a écrit une chronique, samedi, dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec, où il se réjouit que l’arrivée de PKP ramène la campagne «au vrai débat», celui de la souveraineté.

Pauline Marois a alimenté la discussion autour de ce thème pendant plusieurs jours la semaine dernière, en parlant de frontières, de douanes, de passeports, de monnaie… Elle refuse de s’engager à tenir ou ne pas tenir de référendum durant le prochain mandat.

Avant la campagne, Pauline Marois a promis un livre blanc sur la souveraineté, et une consultation populaire sur l’avenir du Québec.

Pauline Marois a tenté de coincer Philippe Couillard sur sa position constitutionnelle (avec un certain succès, le forçant à ajuster le tir à plusieurs reprises), mais ce faisant, elle est demeurée sur le terrain de la question nationale pendant plusieurs jours. Or, les fédéralistes qui étaient à la CAQ ont davantage peur d’un référendum que du statu quo constitutionnel actuel ou des intentions de Couillard.

Ainsi de suite.

Cette accumulation d’événements a remis le débat référendaire au premier plan.

Sera-t-il possible de remettre le dentifrice dans le tube ? Spécialement en campagne électorale, alors que le temps est compté ?

Est-ce que la Charte reviendra au centre des débats, par un événement quelconque ou par la volonté du PQ ?

Tout est possible. Il reste encore deux semaines de campagne et deux débats des chefs. Mais si le passé est garant de l’avenir, une fois que l’éléphant de la question nationale entre dans une pièce, il est difficile à déloger.

* * *

À propos d’Alec Castonguay

Alec Castonguay est chef du bureau politique au magazine L’actualité, en plus de suivre le secteur de la défense. Il est chroniqueur politique tous les midis à l’émission Dutrizac l’après-midi (sur les ondes du 98,5 FM) et analyste politique à l’émission Les coulisses du pouvoir (à ICI Radio-Canada Télé). On peut le suivre sur Twitter : @Alec_Castonguay.

Les commentaires sont fermés.

Je ne désirerais pas m’engager dans quelque forme de débat contradictoire et polémiste, si ce n’est qu’il faudrait a trop simplifier les choses, déduire qu’un vote pour la « Charte » serait aussi un vote pour la souveraineté. Lorsqu’inversement un vote pour la souveraineté serait un vote pour la charte.

Comme tout pareillement un vote pour le PLQ serait un vote contre la charte.

S’il est bien un chose que nous avons vu, c’est que la question de la charte telle qu’elle fut mise en marché, c’est qu’elle touche tout le monde et que tout monde est concerné quel que soit l’appartenance ou la non appartenance politique des participants.

Ainsi, cet article établi que pour un part non négligeable des citoyens, cette polarisation du débat fédéralisme versus souveraineté fait leur affaire. Bien que de facto ce débat soit biaisé puisque la vraie nature de la souveraineté personne ne la connait, comme même un référendum gagnant ne permet d’établir quelle serait la structure exacte d’un futur État québécois. Une réponse que ne savent pas formuler les souverainistes eux-mêmes.

Devrions-nous considérer qu’il serait-il possible de substituer à nouveau l’aspiration nationale par l’accession à la Charte du PQ versus pas de charte du tout avec le PLQ ? — Cet exercice me semble relever un peu plus de la « haute-voltige » qu’une volte-face bien pensée qui relèverait d’une stratégie éprouvée.

Quoiqu’il en soit en attendant le 7 avril, je vais « derechef » passer de la théorie à la pratique pour voir comment il faut s’y prendre pour regarnir à nouveau un tube de pâte dentifrice qui apparait de plus en plus dans ce cas très précis comme passablement amoché.

Drainville, que la Marois a envoyé à abattoir, n’ira pas loin avec sa charte. Il ne reste plus de jus dans ce citron.

LA question dans l’isoloir sera: voulez-vous d’un référendum (un autre?) ou pas?

AVIS aux innombrables fonctionnaires du Québec: voulez-vous vraiment que votre prochaine convention collective vous soit imposée par l’un des PIRES patrons du Québec (Monsieur 14 lock-outs!!!) ou par un autre?

Vous savez quoi faire maintenant non?

Il est assez désolant de constater, qu’encore une fois, une campagne électorale au Québec se déroule sans qu’on parle des vrais enjeux: économie, emplois, en fait des sujets qu’on évite de parler à tout prix. On se concentre sur des niaiseries comme la charte, ou des débats stériles comme la séparation.

On a les politiciens qu’on mérite faut croire.

Bonjour,la charte,le referendum,et la reconnaissance de la nation quebecoise est un tout.La question est de quelle maniere le faire et la le peuple a son mot a dire car soit a l’interieur de la constitution canadienne ou comme nouveau pays j’espere que le tout est clair.Bonne reflexion.

Il est certain qu’avec un gouvernement péquiste majoritaire il y aurait un référendum. Pauline Marois ferait un référendum parce qu’elle est en fin de carrière et que cela serait sa dernière possibilité, je dirais même son « last call ».
Il y aurait un référendum parce que sa base, les souverainistes de la première heure, incluant les Parizeau, Landry ect, arrivent en fin de vie active et ne veulent pas quitter ce monde sans voir leur rêve se réaliser.
Alors si ce soir au débat, la PM déclare qu’elle ne tiendra pas un référendum si elle est élue, elle sera fidèle à elle-même, c.à.d. louvoyante, hypocrite et menteuse !

PKP a coulé le PQ
Il peut le sauver en commandant au JdM et à TVA une grosse histoire d’accommodements déraisonnables.
Qu’il envoie ses boys dans les écoles, universités (il s’en passe des belles à Concordia avec le Nikaq), dans les garderies et hopitaux.
Qu’on sorte quelque chose de juteux
PKP doit ça au PQ

L`élite péquiste,indépendantiste et séparatiste a perdu contact avec les voteurs qui vont dans l`isoloir! Croyez-vous sincèrement que P.K.P avec son journal va faire la différence ? C`est prendre la majorité silencieuse pour des valises! Voyons donc le peuple n`est pas dupe et démocratiquement ce sont eux qui ont le dernier mot et non l`élite !!

J,oubliais:
Est-ce qu’on va demander à Couillard s,il a encore la nationalité française? et si oui pourquoi avoir deux passeports est ok pour les chefs de l’Opposition à Québec et à Ottawa mais pas pour Joe Blow à Trois-Rivières ou Rimouski?

Est-ce qu’on va aussi demander à Couillard s,il va publier son rapport d’impot comme Marois et Legault ont fait en 2012?

Imaginez-vous…

La panique est tellement pognée au PQ qu’ils en sont minablement réduits à s’attaquer à…Jean Charest. Et c’est même pas une farce…:

http://www.lapresse.ca/actualites/elections-provinciales/201403/20/01-4749708-marois-se-prepare-son-equipe-parle-de-lere-charest.php

Sont-y assez angoissés à votre goût?

Pendant ce temps-là, les Libéraux sont rendus à 45%:

http://www.thestar.com/news/canada/quebec/2014/03/20/quebec_election_poll_finds_liberals_surging_over_pq_with_first_debate_tonight.html

Les péquistes finiront-ils dans le poulailler???

(Alec Castonguay est chef du bureau politique au magazine L’actualité)

Félicitations M. Castonguay, je suis certain que vous bon usage de ce POUVOIR,… pour l’intérêt de vos concitoyens, bien sûr. Ai-je vraiment besoin de le mentionner?

Une petite chose me turlupine, incidemment: Vous écrivez: » Mon exercice non scientifique m’a permis de parler… » ET » il faut voter libéral pour éviter un référendum »… ET bien sûr, IL FAUT VOUS CROIRE !!!!!

Vous faites QUOI LÀ ???? Chef du bureau VOUS DITES ?

Pauline Marois a tenté de coincer Philippe Couillard… VOUS ÉCRIVEZ !!!!! MAIS Philippe Couillard n’a JAMAIS tenté de coincé Mme Marois ?????

AH un Oubli, probablement…. JOURNALISME OU CAMPAGNE… ORIENTATION ou INFORMATION… Elle sert à QUOI ou à QUI la position enviable de Chef de Bureau ??? Je m’excuse d’insister mais, est-ce la VOIE pour une future mission politique, toujours pour le bien de la collectivité? Bien Sûr…

Tiens, je me demande justement si j’ai le droit, en tant que citoyens, de poser des questions… Si cela est de notre RESPONSABILITÉ, en tant que citoyens et en Démocratie, de demander des garanties de PROBITÉ (Droiture, bonne foi, honnêteté rigoureuse ref. Dict. Wiki)?

Ou bien que l’on indique clairement en haut de chaque article » NOUS NE CHERCHONS PAS ICI A ÉCLAIRER ET INFORMER LES LECTEURS, mais à ORIENTER UNE VISION D’UNE RÉALITÉ MALLÉABLE AU PROFIT D’INTÉRÊTS NÉBULEUX DE L’AUTEUR… La revue L’Actualité n’endossant aucunement les vérités (oups! les propos) émis de quiconque…

Ainsi, nous pourrions débattre (lire chicaner) intelligemment de la pertinence de l’intérêt de l’auteur…. journaliste et chef de bureau….

En passant, chef de bureau ou chef de pupitre, est-ce celui qui, toujours dans un journal impartial bien sûr, choisit la position de l’article (1ere ou dernière page) ou la pertinence de publier ou pas un article ou même, si il est digne d’intérêt pour les citoyens…?

Si oui, Félicitations encore, c’est d’une grande responsabilité morale. Ce doit être une belle profession: JOURNALISTE. Je vais en parler à mes enfants…

GARDIENS DE LA DÉMOCRATIE; cela pourrait peut-être leur sourire….. ( 🙂

On ne fait pas de référendum pour demander aux Québécois s’ils veulent que le Québec devienne un pays; on fait un référendum pour CONFIRMER que les Québécois veulent que le Québec devienne un pays. C’est le Livre blanc et les consultations qui suivraient qui indiqueraient si un référendum est de mise ou non. Les Québécois ne devraient pas paniquer à ce stade-ci ce qui semble être le cas pour plusieurs.