« Je m’éloignerais graduellement de l’industrie pétrolière, oui. »
Cette phrase prononcée par Joe Biden lors du deuxième débat présidentiel américain, le 22 octobre dernier, symbolise à elle seule les intentions de la future administration américaine. Une fois aux commandes, le candidat démocrate, aujourd’hui président élu, dirigera les États-Unis dans une transition vers les énergies renouvelables.
Et bien que son plan climatique ne soit pas aussi ambitieux que le Green New Deal prôné par l’aile gauche du Parti démocrate, ses projets sont sérieux.
Joe Biden a par exemple déjà promis de supprimer les subventions fédérales à l’industrie pétrolière et de réduire à zéro les émissions nettes de gaz à effet de serre des États-Unis d’ici 2050.
Il a appelé à une « révolution de l’énergie propre », qui comprend la réduction obligatoire des émissions des fournisseurs d’électricité et le soutien à l’achat de véhicules électriques. Un aspect intéressant de son plan global est l’engagement à dépenser au moins 40 % des fonds dans des communautés historiquement défavorisées.
La révolution énergétique de Biden sera toutefois contrainte par plusieurs facteurs.
Ses efforts seront limités par l’échec des démocrates, jusqu’ici, à contrôler le Sénat — les deuxièmes tours des élections en Géorgie début janvier détermineront quel parti contrôlera la Chambre — et par l’opposition continue de l’industrie des combustibles fossiles et des communautés qui en dépendent.
Conséquences pour le Canada
Néanmoins, on peut s’attendre à ce que le président élu aille de l’avant suivant la science du climat et les pressions exercées par certains groupes d’intérêt, tels que les jeunes et les progressistes. Cela a des implications importantes pour le Canada.
Les gens qui espèrent que le gouvernement américain soutiendra l’expansion continue des infrastructures de transport de combustibles fossiles au Canada seront probablement déçus.
Le pipeline Keystone XL en est un bon exemple. Conçu pour acheminer le pétrole brut tiré des sables bitumineux de l’Alberta vers les raffineries américaines, il n’a pas obtenu les autorisations nécessaires. Le président Barack Obama avait rejeté le projet en 2015, avant que Donald Trump l’approuve en janvier 2020.
Bien que les gouvernements de l’Alberta et du Canada continuent d’appuyer le projet, Joe Biden a déclaré qu’il allait annuler son autorisation réglementaire, affirmant que les États-Unis n’ont pas besoin de pétrole brut.

Politiquement, c’est un geste qui est relativement inoffensif pour Joe Biden et qui lui permet de redorer le blason des États-Unis en matière de changements climatiques. Les positions du gouvernement canadien et de l’industrie pétrolière sur la nécessité de construire davantage de pipelines deviennent difficiles à défendre dans ce contexte.
Plus de concurrence venue du sud
Deuxième conséquence : l’industrie canadienne peut s’attendre à une plus grande concurrence de la part d’entreprises américaines qui vont innover en matière de changements climatiques et développer des technologies et des produits écoénergétiques. La question est de savoir si l’industrie canadienne sera à la hauteur du défi et recevra un soutien gouvernemental adéquat.
Certains indices montrent que même les politiciens les moins proenvironnement commencent lentement à reconnaître l’urgence de prendre des mesures pour le climat. Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, qui avait pourtant mené une campagne vigoureuse contre toute forme de taxe sur le carbone et annulé les mesures de soutien aux énergies renouvelables, a investi 295 millions de dollars dans une usine de Ford pour appuyer la fabrication de véhicules électriques.

Cette prise de conscience des importantes occasions économiques offertes par les technologies vertes ouvre la voie à un débat plus factuel sur la manière dont les politiques publiques peuvent soutenir à la fois une économie verte et la croissance.
Gérer la transition énergétique
Une troisième conséquence est que le Canada devra aborder plus sérieusement l’enjeu de la gestion de la transition vers les énergies renouvelables, comme Biden s’engage à le faire au sud de la frontière.
La transition est en cours. La question est de savoir si le Canada va en profiter pour diminuer ses émissions de gaz à effet de serre ou s’il va rendre la transition plus difficile en retardant les décisions et en continuant de subventionner la production de combustibles fossiles et l’emploi dans ce secteur.
La transition énergétique est un défi que tous les pays doivent relever, mais elle sera particulièrement ardue au Canada, où une grande partie de l’économie et plusieurs régions du pays sont fortement dépendantes de l’exploitation des combustibles fossiles.
L’aide aux communautés et aux industries touchées est vitale, mais, pour l’instant, de nombreux politiciens nient volontiers la nécessité et le caractère inévitable des changements à venir.
S’inspirer du plan Biden
Une dernière implication est que les programmes conçus pour aider les Canadiens à adopter des énergies propres devraient s’inspirer du plan Biden et prioriser l’aide aux communautés historiquement désavantagées par l’industrialisation et le développement des combustibles fossiles.
Les communautés autochtones qui ont été marginalisées et lésées par l’exploitation des ressources naturelles, ainsi que les communautés racisées et pauvres exposées à des risques environnementaux, doivent être considérées dans les investissements en énergies propres.
Le président américain élu s’est engagé à agir sur la question des changements climatiques. Des membres importants de son équipe sont également convaincus qu’il doit superviser la transition vers les énergies renouvelables. Tout aussi important : ses politiques s’appuient sur des preuves scientifiques et reflètent l’urgence de prendre des mesures de réduction des gaz à effet de serre pour éviter de graves conséquences économiques et sociales.
Le Canada peut-il suivre l’exemple des États-Unis ?
La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.