Dominic Vallières a, pendant plus de 10 ans, occupé les postes d’attaché de presse, de porte-parole, de rédacteur de discours et de directeur des communications auprès d’élus de l’Assemblée nationale et des Communes (Parti québécois, Bloc québécois, Coalition Avenir Québec). Il est directeur de TACT et s’exprime quotidiennement comme analyste politique à QUB radio.
Quand les résultats sont consacrés et que les citoyens ferment la télé à la fin de la soirée électorale, l’adrénaline tombe, mais surtout s’ouvre pour beaucoup d’élus une longue période de flottement et d’attente.
Pour les élus du parti gouvernemental, une question se pose : serai-je du conseil des ministres ? Pour les employés politiques des députés défaits : serai-je récupéré par un autre ou dois-je refaire mon curriculum vitae ? Pour les sous-ministres et sous-ministres adjoints : qui sera « mon » ministre ?
Autour de ces questions se vivent de grandes angoisses. Certains élus ont tenté de se négocier de nouvelles attributions ministérielles avant la campagne. Mais que vaut la parole donnée ? François Mitterrand disait qu’en politique, une promesse n’engage que la personne qui la reçoit. Ce n’est pas faux.
Alors tout le monde consulte, on lit dans les feuilles de thé. Un tel a dit ceci, un autre saurait cela. Les rumeurs se font et se défont d’heure en heure.
Prenez Bernard Drainville. Si je me fie aux ouï-dire entendus au fil des derniers jours, il a été nommé à l’Éducation, aux Transports, aux Ressources naturelles, à l’Environnement et à l’Immigration.
Prenez Sonia LeBel. Elle hérite elle aussi de l’Éducation, ainsi que de la Justice et du Trésor. Oui, oui, ce même Trésor qui irait à Geneviève Guilbault et à Jonatan Julien.
Tous ces échafaudages intellectuels peuvent faire sourire, mais ils finissent par jouer avec les nerfs des principaux intéressés, comme de celles et ceux dont le nom n’est jamais mentionné. Alors les ministres sortants font rejouer le film de leur dernier mandat. Ai-je livré les performances attendues du premier ministre ?
Pour le personnel politique, c’est tout aussi intenable. Après 36 jours d’une campagne intense, on se retrouve avec du temps et un silence assourdissant. Alors on suppute aussi, pendant presque trois semaines dans ce cas-ci.
Il semblerait que la CAQ — c’est une rumeur qui revient souvent — veut faire plus de place aux femmes dans les postes de direction. Fort bien ! Qui, donc, perd son affectation ? On dresse des listes, on regarde les alliances naturelles ou de circonstance.
Alors que le Parti libéral du Québec jongle avec l’idée de ne pas en reconnaître Québec solidaire et le Parti Québécois comme groupes parlementaires, de nombreux employés péquistes et solidaires sont dans les limbes. Si leur parti n’est pas reconnu, il faudrait dire adieu au budget de recherche supplémentaire, adieu au budget de communication… En d’autres termes, adieu à l’emploi de dizaines d’employés. Pour eux aussi, l’attente est longue.
J’ai travaillé 11 ans en cabinets politiques. J’ai traversé mon lot de crises et de nuits blanches. Je me souviens comme si c’était hier de cette période en 2012. Même si on m’avait assuré d’une place au cabinet de Pauline Marois, j’ai tourné en rond dans le condo jusqu’à ne plus être capable d’en voir les murs ou la décoration. C’est usant.
Cette attente a cependant quelque chose d’utile pour l’entourage du premier ministre. Tout le monde sait désormais qui prend les décisions, à qui on est redevable de tout. Ce sera utile plus loin dans le mandat !
« En politique, une promesse n’engage que la personne qui la reçoit ». Ce n »est pas Mitterrand qui a dit ça, c’est Chirac. Au moins, Vallières ne se sera pas trompé de pays.