Ancien conseiller politique, Pascal Mailhot plonge au cœur des enjeux d’actualité avec une connaissance intime des coulisses du pouvoir. Après avoir occupé des postes au cabinet du premier ministre du Québec pendant les mandats de Lucien Bouchard, Bernard Landry et François Legault, il est aujourd’hui vice-président de l’agence de relations publiques TACT.
Le coup d’envoi de chaque nouvelle saison politique est marqué par les caucus présessionnels, où les stratèges mettent tout en œuvre pour s’assurer que les bons messages ressortent dans l’espace public.
Mais le débat politique ne suit pas toujours la trajectoire souhaitée — on l’a encore vu dans les derniers jours, lorsque ces rassemblements, tenus dans différentes villes, ont réuni les députés de chaque parti. Pour la formation au pouvoir, ces caucus sont l’occasion de réaffirmer les priorités gouvernementales et de présenter les projets de loi phares à venir. Quant aux partis d’opposition, il s’agit pour eux d’un moment pour affûter leurs critiques en cherchant à exploiter les points faibles du gouvernement.
Au plus bas dans les sondages, les 19 députés libéraux se sont rassemblés en Mauricie. Durant la prochaine session, l’opposition officielle entend démontrer à quel point, au cours des cinq dernières années, le gouvernement caquiste a été « incapable de “livrer” dans des dossiers majeurs », comme l’affirme le chef intérimaire Marc Tanguay. Sans chef permanent depuis le départ de Dominique Anglade, le Parti libéral du Québec a cependant vu le peu d’engouement que suscite sa course à la chefferie retenir l’essentiel de l’attention médiatique.
Les deux autres partis d’opposition ont de leur côté décidé de concentrer le tir sur le thème de l’inflation. Les hausses répétées des taux d’intérêt, décrétées depuis mars 2022 par la Banque du Canada, étouffent les familles québécoises, a plaidé le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon. Selon lui, François Legault devrait demander à la Banque du Canada de ne plus hausser son taux directeur, à l’exemple des premiers ministres de l’Ontario et de la Colombie-Britannique. Si le chef péquiste s’est fait vertement critiquer pour cette sortie, il reste que son message a eu une portée.
Pour sa part, le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, accuse le premier ministre d’être déconnecté des citoyens qui en arrachent en raison de l’inflation. « François Legault ne rencontre pas souvent des gens qui font leur épicerie au Dollarama, et ça paraît. Il ne sait pas c’est quoi, vérifier son compte AccèsD avant d’aller faire l’épicerie. »
Faire le jeu de Legault
Québec solidaire promet ainsi de poser une question tous les jours à l’Assemblée nationale au sujet de l’explosion du coût de la vie. Pourtant, le parti de gauche affirmait plus tôt vouloir imposer l’enjeu de la lutte contre les changements climatiques durant la session parlementaire… Relégué dans l’ombre du duel entre le PQ et la CAQ pour remporter la circonscription de Jean-Talon, dans la région de Québec, Gabriel Nadeau-Dubois tente manifestement de se repositionner avec un thème électoralement plus rentable.
Mais en abordant le sujet quotidiennement au Salon bleu, Québec solidaire risque de faire le jeu de François Legault. Cela permettra au chef caquiste de rappeler que son gouvernement a pris beaucoup de mesures en cinq ans pour « remettre de l’argent dans le portefeuille des Québécois », alors que les partis d’opposition se sont systématiquement braqués contre les chèques anti-inflation et l’allégement de la fiscalité en général. Or, voilà précisément le terrain de prédilection où les stratèges de la CAQ tentent constamment d’amener le débat. Une véritable aubaine !
La riposte à Gabriel Nadeau-Dubois n’a d’ailleurs pas tardé. Dans une sorte de long prêche publié sur sa page Facebook au début septembre, François Legault a rappelé ses origines modestes, mais surtout les actions menées par son gouvernement depuis 2018 pour venir en aide aux Québécois qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts.
La hausse du coût de la vie est certes la préoccupation économique la plus immédiate des Québécois mais, comme l’a exposé Pierre Fortin dans L’actualité, l’augmentation du salaire moyen au Québec surpasse l’inflation depuis 2020, de sorte qu’en réalité, le pouvoir d’achat s’est accru de 2,5 %. D’ailleurs, l’économiste attribue ce résultat entre autres « aux interventions de l’État québécois, comme les sommes ponctuelles versées pour contrer la hausse du coût de la vie, la bonification du soutien aux aînés et l’allégement général de la fiscalité ».
À l’échelle du malheur des peuples, comme le disait Robert Bourassa, le Québec s’en sort donc plutôt bien. Et le gouvernement de la CAQ ne manquera pas de le souligner lorsqu’on lui en offrira l’occasion.