Le coup de main inespéré à Paul St-Pierre Plamondon

Le chef du Parti québécois fait une campagne irréprochable, les électeurs l’apprécient, mais cela ne semblait pas suffisant pour lui adjuger un siège à l’Assemblée nationale. Puis vint la main de Dieu, ou plutôt celle d’une candidate solidaire… 

Graham Hughes / La Presse Canadienne / montage : L’actualité

Dominic Vallières a, pendant plus de 10 ans, occupé les postes d’attaché de presse, de porte-parole, de rédacteur de discours et de directeur des communications auprès d’élus de l’Assemblée nationale et des Communes (Parti québécois, Bloc québécois, Coalition Avenir Québec). Il est directeur de TACT et s’exprime quotidiennement comme analyste politique à QUB radio.

Les débats et autres obligations télévisuelles sont terminés, le vote par anticipation a battu son plein, les chefs peuvent enfin respirer et consolider ce qu’il reste à consolider. Aucun impondérable du genre qui épice la campagne ne devrait venir bouleverser l’ordre établi.

C’est ce que vous croyez ?

Au début de l’après-midi, lundi, la courte vidéo s’est mise à accumuler les visionnements sur Twitter. On y voit deux scènes, avec le même décor. D’abord une femme, sur qui on distingue un macaron du Parti québécois (PQ), insère un dépliant électoral dans une boîte aux lettres. Dans la scène suivante, une seconde femme apparaît et fait le même geste… à une différence près : en plus de glisser la publicité imprimée, elle retire avec sa main celle qui avait été déposée par la première.

Ce faisant, cette femme, qui était jusque vers 18 h lundi la candidate de Québec solidaire dans Camille-Laurin, Marie-Eve Rancourt, a déclenché une série d’actions qui pourraient aboutir à un scénario qui paraissait improbable quelques heures plus tôt : l’entrée du chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon, à l’Assemblée nationale, puisqu’il est candidat dans cette même circonscription. 

En retirant le document, Marie-Eve Rancourt a commis plusieurs infractions (ne s’attaque pas à la poste qui veut) et a manqué de jugement de façon spectaculaire. C’est une évidence qui a placé Gabriel Nadeau-Dubois devant un dilemme inconfortable : mettre une croix sur une circonscription « prenable » ou mettre cette croix sur ses derniers jours de campagne nationale.

Avec ses 24,4 % de part du vote en 2018, QS avait chauffé autant la Coalition Avenir Québec (27,6 %) que le Parti Québécois (26 %). Une victoire était donc possible.

Mais il fallait quand même évaluer certains éléments chez QS avant de décider. D’abord, si un candidat se retire ou est rendu inéligible alors que le vote a commencé, les appuis reçus au vote par anticipation sont annulés. Son nom devra être barré (à la main !) des bulletins restants. Autrement dit, quand on fera le comptage dans Camille-Laurin, QS y recevra très exactement 0 vote. Cela a une incidence financière, puisque le parti de gauche ne pourra toucher la somme liée à chaque vote (actuellement, c’est 1,71 $ par vote par année). QS dit donc au revoir à plusieurs dizaines de milliers de dollars. Ce n’est pas cher payé pour garder l’âme pure, me direz-vous. Sauf que, comme Paul St-Pierre Plamondon tirait de l’arrière par 12 points selon le dernier sondage Mainstreet (qui donnait 38 % à la CAQ et 26 % au PQ) et que la candidate de QS pointait à 19 %, on peut croire que même une fraction des appuis solidaires déplacés vers le PQ suffirait pour le faire élire.

Le PQ a gommé les différences entre les deux partis sur des enjeux fondamentaux comme l’environnement et le logement social, il n’est pas interdit de penser qu’une portion de l’électorat solidaire serait à l’aise au PQ, en tout cas plus que chez les autres formations politiques.

Une victoire du chef péquiste n’est pas chose faite, mais PSPP était considérablement plus proche du Salon bleu mardi qu’il ne l’était lundi.

Ce coup de théâtre amène son lot de questions. Est-ce que Gabriel Nadeau-Dubois fera le bon joueur et donnera une consigne de vote pour favoriser l’entrée d’un chef de parti à l’Assemblée nationale ? La réponse est venue tôt mardi, et c’est non. Ce qui n’est pas étonnant, puisque GND est allé deux fois faire campagne dans Camille-Laurin contre son adversaire depuis le début de la campagne. Lundi, il appelait encore ses électeurs à sortir en grand nombre dans la circonscription (Saint-Henri–Sainte-Anne) de la cheffe libérale, Dominique Anglade, pour lui faire barrage.

Combien de voix solidaires se sont exprimées lors du vote par anticipation (et sont donc désormais perdues) ? Est-ce que le succès d’estime de la campagne péquiste — qui s’observait encore mardi dans le sondage Léger pour le compte des médias de Québecor — se mesure aussi dans l’est de Montréal ?

Je n’ai pas la réponse à ces questions, mais je sais une chose en revanche : si j’étais dans la caravane péquiste, je déplacerais dans Camille-Laurin tous les bénévoles à l’ouest de Matane pour mobiliser les électeurs péquistes et aider à réaliser l’impossible.

Bien des observateurs et téléspectateurs ont levé les yeux au ciel quand le chef péquiste a déclaré, dimanche, qu’il n’allait pas prêter serment au nouveau roi Charles III. Parce que cela paraissait impossible qu’il ait même l’occasion de le faire. Maintenant que les probabilités s’accroissent, les plus péquistes des solidaires doivent se frotter les mains à l’idée qu’un politicien indépendantiste québécois joue les trublions du Commonwealth. Reste à espérer qu’ils sont assez nombreux.

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J’espère bien que PSPP remportera son pari. Ils semble de loin le politicien le plus intègre parmi les cinq chefs. Et surtout, le moins enclin à la partisanerie.

Si PSPP pense que l’erreur de la candidate solidaire lui en profitera, il fait un erreur mayuscule. Tôt aujourd’hui, les « irreprochables » du PQ ont admit voler 276 tracks de la CAQ. Alors, monsieur PSPP va-t-il mettre à la porte son candidat du même qui GND a fait avec sa candidate? Non, alors, les gens ne sont pas dupes. Le PQ disparaitra de la carte éléctorale et c’est une bonne nouvelle!

Du côté du PQ, ce n’est pas un candidat mais un bénévole. Le candidat qui l’avait dans son équipe l’a congédié immédiatement sans que les médias ni la pression populaire s’en mêle. Alors qu’il y a fort à parier que sans ladite pression populaire, la candidate de QU serait toujours en poste. Concernant la disparition du PQ, c’est bien loin d’être chose faite. Certains risquent d’être surpris le 4 octobre.

Nuance, c’est un bénévole du PQ qui a été fautif dans l’histoire, et non le candidat lui-même, c’est une immense différence. N’enterrez pas le PQ trop vite, c’est le seul parti en montée constante depuis le début de la campagne électorale. Selon la très grande majorité des analystes politiques, PSPP mène une campagne pratiquement sans faute, en mettant de l’avant ses idées (entre autres la souveraineté sans complexe) plutôt que dénigrer les idées des autres partis. Ça semble être une stratégie payante, on verra si ça se concrétise lundi prochain.

Pouvez-vous nous dire la provenance de la photo? Je ne vois pas la source. A-t-elle été prise à l’annonce de la démission de la candidate?

Bonjour,

Pour votre information, il s’agit d’une photo prise lors d’une conférence de presse le samedi 24 septembre à Longueuil.

Cordialement,

Benjamin Richer, chef de pupitre adjoint