Mon collègue Alec Castonguay a bien raison : le débat de jeudi soir en était un sans gagnant. Ce qui est très ennuyeux, puisque sans gagnant et sans perdant, je suis pris pour parler des quatre chefs. Et zut !
Pauline Marois
Les réponses les plus marquantes du débat sont venues de la chef du Parti québécois. Deux, en particulier.
Y aura-t-il un référendum sous un gouvernement péquiste majoritaire? La réponse de madame Marois est difficile à transcrire, puisqu’elle contient une pause essentielle en plein milieu :
«Non, y en aura pas de référendum… [attendez… laissez-la terminer… ce ne sera pas long… ça s’en vient…] tant que les Québécois ne seront pas prêts.»
En clair : tant qu’il n’y aura pas de référendum, il n’y aura pas de référendum.
Pauline Marois a également ajouté que le PQ ne ferait pas «de référendum en cachette». Elle parle d’expérience. C’est un fait peu connu : en 1993, le PQ a tenu un référendum en cachette. Ce fut un échec. Personne ne s’est pointé pour voter.
Combien de femmes voilées vont perdre leur emploi à cause de la Charte ? Réponse : «Il n’y a qu’une seule femme que j’aie vue perdre son emploi, c’est Fatima Houda-Pepin.»
Quel punch ! Si on omet qu’il est normal qu’une loi qui n’a pas encore été adoptée n’ait pas encore eu de répercussions et qu’on oublie le fait que Pauline Marois ne répond pas du tout à la question, c’est toute une réplique !

François Legault
François Legault était président d’Air Transat. Il y créait des emplois. Le saviez-vous ? Si vous ne le saviez pas, Legault s’est assuré de rectifier la situation.
Après trois interventions mentionnant les diaboliques éoliennes, on a compris que François Legault courtise une section de l’électorat trop souvent négligée : les Québécois qui détestent le vent. Les gens qui portent des chapeaux, ceux dont le parapluie vire sans cesse à l’envers et ceux qui sortent de chez le coiffeur étaient donc le public cible de la CAQ pendant le débat.
Legault en a aussi profité pour démontrer sa maîtrise de ce qu’il est convenu d’appeler la «technique Legault» :
— Exposer une situation complexe, à propos de l’emploi en région ou de l’électricité au Québec.
— Tout réduire en une phrase et demander «Êtes-vous pour ou contre ce raccourci démagogique ?».
Parmi les autres déclarations à souligner :
«Les commissions scolaires sont un puissant lobby.» — Les banques, les pétrolières et les commissions scolaires. Dans cet ordre.
«Moi j’aime bien les Gaspésiens, mais je n’aime pas le gaspillage.» — François, on te donne le go : laisse faire les jeux de mots et l’humour.
(Imitant Pauline Marois) «J’suis fâchée ! J’suis fâchée !» — Quand on te disait d’abandonner l’humour, ça ne voulait pas dire de devenir imitateur…

Philippe Couillard
Plusieurs ont qualifié la prestation de Philippe Couillard de calme et posée. C’est la barbe qui fait ça. On a toujours l’air calme quand on a une barbe grisonnante et un veston-cravate.
«Tu penses qu’on s’en aperçoit pas ? On s’en aperçoit.» Quand il a entendu le chef du Parti libéral attaquer la chef du PQ en citant sa chanson «Ti-Cul Lachance», chanson écrite pour ridiculiser Robert Bourrassa, Gilles Vigneault est allé se louer une tombe afin de se retourner dedans.
À un certain moment, François Legault a demandé à Philippe Couillard : «Combien d’emplois avez-vous créés dans votre vie, monsieur Couillard ?» Ce à quoi Philippe Couillard aurait tellement dû répondre : «Et vous, combien de tumeurs au cerveau avez-vous enlevées dans votre vie ?» ou «Excusez-moi, j’étais trop occupé à SAUVER DES VIES !»
«Je me conduirai en bon père de famille», a-t-il dit en terminant la soirée. Chers politiciens : j’ai déjà un père, et il est pas mal bon. Merci quand même.
Françoise David
Plus d’un sur les médias sociaux ont donné la victoire de ce débat à Françoise David. Alors à moins que les médias sociaux ne soient pas fiables ou que les débats des chefs n’aient qu’un effet limité, on peut se permettre de croire à une victoire éclatante de Québec solidaire le 7 avril prochain.
Cela dit, les interventions de la co-porte-parole-chef-associée-adjointe-coloc de Québec solidaire étaient souvent moins intéressantes que l’attitude des autres débatteurs par rapport à celles-ci.
Le changement de ton était frappant chez Philippe Couillard, qui aurait pu simplifier ses interventions en annonçant plutôt : «Je n’ai pas vraiment de question pour vous, madame David. Alors je vais jaser un peu et je vais vous demander ce que vous en pensez, à la fin.»
Quant à François Legault, il aurait parfois pu se sauver du temps en disant simplement : «Madame David, pourriez-vous dire du mal du PQ sur ce sujet, svp ? Merci.»
Sébastien Bovet
Quoi ? Il n’est pas candidat ? Argh ! Moi qui pensais avoir trouvé pour qui voter…
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À propos de Mathieu Charlebois
Ex-journaliste Web à L’actualité, Mathieu Charlebois blogue sur la politique avec un regard humoristique depuis 2014. Il est aussi chroniqueur musique pour le magazine L’actualité depuis 2011 et co-rédacteur en chef du webmagazine culturel Ma mère était hipster, en plus d’avoir participé à de nombreux projets radio, dont Bande à part (à Radio-Canada) et Dans le champ lexical (à CIBL). On peut le suivre sur Twitter : @OursMathieu.