Le début d’un temps nouveau pour Biden ?

Le président américain pourrait faire d’une décision juridique controversée sur la vaccination obligatoire l’outil pour remettre son mandat sur les rails. Parmi d’autres bonnes nouvelles.

Alex Brandon/La Presse Canadienne, t_kimura/Getty Images, montage L’actualité

L’auteur est chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, où ses travaux se concentrent sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.

Après une première semaine de novembre épouvantable, marquée par des performances électorales désastreuses pour son parti, le président Joe Biden a reçu ces derniers jours un trio de bonnes nouvelles.

D’abord, le marché de l’emploi a repris des couleurs en octobre, selon les données publiées par le département du Travail.

Puis, après des mois de tergiversations, le Congrès a enfin adopté son projet de loi sur les infrastructures — le plus vaste plan d’investissement en la matière depuis des générations. Car, aux États-Unis comme au Québec, le sous-investissement dans les infrastructures a laissé des ponts, des routes et des réseaux d’égouts, notamment, en piteux état. 

Et pour finir, peut-être la meilleure nouvelle de toutes : un tribunal fédéral vient de bloquer l’un des plus importants décrets que Biden ait signés depuis son entrée en fonction. 

Voyons voir en quoi cela peut être réjouissant…

Un décret explosif 

En septembre, frustré par un taux de vaccination qui faisait du surplace depuis des mois, Joe Biden a annoncé la vaccination obligatoire chez tous les employeurs de 100 salariés et plus. 

Pourtant, la Maison-Blanche avait d’abord écarté cette solution plus tôt dans l’année, mais devant la hausse marquée du nombre de décès attribuables à la COVID–19 à la fin de l’été, après des semaines de relative accalmie, l’administration Biden tenait à agir. 

Alors elle a agi, et provoqué du coup une vive controverse. 

On le sait, la vaccination, comme presque toutes les autres questions majeures liées à la pandémie depuis ses débuts en mars 2020, a été profondément politisée. 

Ainsi, dès les premières heures suivant cette annonce, les procureurs généraux (l’équivalent des ministres de la Justice) de près de la moitié des États, tous républicains, ont signé une lettre dans laquelle ils menaçaient de contester cette décision devant les tribunaux. Et dès les premières heures suivant la publication officielle du décret la semaine dernière, ils sont passés à l’acte, demandant aux tribunaux d’empêcher l’application de ce décret, qu’ils estiment anticonstitutionnel.

Le 6 novembre, une cour d’appel fédérale — composée à plus des deux tiers de juges républicains — a obtempéré, ordonnant une suspension du décret tant que les questions constitutionnelles « sérieuses » qu’il soulève ne seraient pas jugées. 

La Maison-Blanche s’est empressée d’affirmer sur-le-champ sa volonté d’appeler de cette suspension.

Or, bien qu’il s’agisse en apparence d’un revers juridique pour l’administration Biden, cette décision du tribunal pourrait offrir au président l’occasion d’une victoire politique… qu’il s’en rende compte ou non. 

La priorité numéro un

On écrivait ici le mois dernier que la première préoccupation des électeurs américains était l’économie. Le grand test électoral de l’année — le scrutin de la semaine dernière au New Jersey et en Virginie — a confirmé cette idée

Quand on leur a demandé quel enjeu avait le plus de poids dans leur vote, la moitié des répondants ont affirmé qu’il s’agissait des questions de nature économique. La pandémie arrivait loin derrière, à seulement 15 %. 

Ainsi, la bataille pour la vaccination, avisée en ce qui concerne la santé publique, l’est pas mal moins d’un point de vue politique. Les bénéfices électoraux sont au mieux limités.

La vaccination obligatoire est efficace pour faire augmenter le taux de vaccination. Dans certaines grandes entreprises l’ayant imposée, elle cause par contre des perturbations majeures. Les compagnies aériennes American Airlines et Southwest Airlines ont été contraintes d’annuler des milliers de vols en raison de « problèmes de personnel » — un assez grand nombre d’employés ayant été mis à l’écart à la suite de leur refus de l’injection. 

Ce n’est pas un hasard si la Maison-Blanche a reporté l’application du décret, pourtant qualifié d’« urgent », au 4 janvier — tout juste après la période de Noël — ou si les camionneurs, sans aucune raison scientifique, en ont été exemptés. L’administration Biden connaît les risques que court l’économie américaine avec un tel recours.

Dans un contexte où les problèmes économiques sont déjà évidents — l’inflation au premier chef — et qu’ils sont la priorité des électeurs, exécuter ce décret est un peu l’équivalent pour la Maison-Blanche de jouer avec du TNT.  

Après bientôt deux ans de pandémie et plus de 700 000 décès officiellement liés au coronavirus, le président détient des arguments parfaitement solides pour promouvoir une plus grande protection contre la COVID-19 par la vaccination de la population américaine.  

Mais à moins d’un an des élections de mi-mandat et avec un taux d’approbation ayant touché un nouveau bas-fond de 38 % dans le dernier sondage national USA Today, c’est le président qui, politiquement, aurait besoin de protection. Dans la défaite — juridique et sanitaire —, le tribunal vient peut-être de lui en accorder une, et d’ainsi effacer la peinture sur laquelle il aurait dû marcher avec ce décret. 

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N’est-ce-pas « quelque peu » singulier que ce soit dans les pays qui offrent les meilleurs services de vaccination à la population, qu’on découvre également les plus grandes résistances lorsque le droit constitutionnel est sollicité pour évoquer la légitimité du refus sur des questions de santé publique ?

N’est-il pas encore plus singulier que ce soit dans les États à prédominance républicaine que cette résistance au décret du président Biden soit en première ligne pour soutenir le respect des droits individuels ?

Ne faut-il pas considérer dans cette démarche que tout est bon pour affaiblir la présidence démocrate lorsque c’est dans ces États que se sont élevées les plus grandes résistances à l’élection de ce président, entraînant une déclinaison unique de recours judiciaires pour la plupart sans objets ?

Pourtant, considérant que l’économie reste la principale préoccupation des américains, est-il contraire à l’intérêt commun de rendre la vaccination obligatoire dans les entreprises, dans une période où on ne peut pas considérer une reprise économique solide et durable sans réduire au mieux les effets de la Covid 19 dans la vie des gens ?

Je pense que bien des gens confondent la liberté de choix offerte par les constitutions démocratiques avec le fait que tout choix est ou se devrait, d’être en tout temps soutenu par la lumière. Un choix est-il un choix s’il n’est pas éclairé ?

La liberté individuelle ne peut être, si elle n’est pas maintenue par la prévalence des droits civiques. Ce qui relève du bien de la nation est en soi un choix librement consenti par tous lequel requière quelquefois une petite dose (ou deux) d’abnégation.

Tout à fait logique, tout à fait d’accord avec vous. La « politique », qu’importe d »où, c’est la même chose! Bon, OK, il y a des endroits pires que d’autres mais…