Le défi de la clarté

Les nouvelles directives de Québec concernant le dépistage et l’isolement demandent beaucoup d’autogestion de la part des citoyens. Mais encore faut-il qu’ils aient des informations claires pour bien faire les choses…

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Le sentiment que janvier 2022 ressemble un peu trop à janvier 2021 n’est pas qu’une impression. Et cela se constate même dans les communiqués de presse de François Legault.

Il y a un an jour pour jour, au moment d’annoncer qu’un couvre-feu entrerait en vigueur trois jours plus tard, François Legault le justifiait par le « besoin de donner un grand coup […]. On doit réduire la contagion, maintenant. »

Le 30 décembre dernier, pour la version « variant Omicron » de la même allocution, le premier ministre expliquait cette fois qu’il était « devenu nécessaire de donner un gros coup de barre pour ralentir la contagion ». Plus ça change…

Avec la rentrée retardée dans les écoles, les salles de cinéma et de spectacle fermées, les restaurants limités aux commandes pour emporter, les points de ressemblance abondent. Le seul élément encourageant dans le comparatif, c’est peut-être que le couvre-feu d’il y a un an commençait à 20 h plutôt qu’à 22 h… Pour le reste, le cabinet de crise semble avoir compris qu’il valait mieux ne pas promettre une date de levée de la mesure (ce devait être le 8 février 2021 ; ce fut le 28 mai).

S’il y a une différence fondamentale entre l’approche qui avait cours l’an dernier et celle qui est préconisée depuis mardi au Québec, c’est le rôle que le citoyen aura à jouer, un rôle nettement plus actif que lors de la vague de l’hiver 2021.

Jusqu’à tout récemment, la lutte s’articulait notamment autour de la stratégie du dépistage du virus, du traçage des contacts et de l’isolement des personnes infectées. Au moindre symptôme, ou après un contact avec une personne positive, il fallait passer un test PCR. Les autorités de santé publique répertoriaient chaque test. En présence d’un résultat positif, elles s’occupaient (tant bien que mal…) de retrouver les gens ayant été en contact avec vous. Quant à la période d’isolement, elle était encadrée par des directives précises.

Bref, l’État assumait à peu près tout le poids de la responsabilité de la lutte contre la COVID. Le citoyen n’avait qu’à respecter les consignes.

Subitement, le gouvernement lui confie une bien plus grande responsabilité individuelle dans l’effort collectif de lutte contre la propagation du virus. Ce n’est pas tant un choix de Québec qu’une obligation, mais le contraste est frappant.

La situation a changé du tout au tout avec la pression exercée par Omicron. D’une part, les tests PCR sont maintenant réservés à certains groupes cibles tant le virus circule. Le citoyen non admissible (l’immense majorité) qui ressent des symptômes de la COVID-19 doit plutôt passer chez lui un test rapide… s’il en a un sous la main. Si ce n’est pas le cas, il saute cette étape et s’autodiagnostique la maladie. Ces résultats positifs (réels ou présumés) non PCR ne sont pour le moment comptabilisés nulle part — le ministre de la Santé, Christian Dubé, a parlé jeudi de la mise en place imminente d’une plateforme « d’autodéclaration », ce qu’il avait déjà évoqué la semaine dernière en parlant de l’entreprise qui a créé Clic Santé.

Dans l’immédiat, ce flou statistique a des répercussions. Dans sa mise à jour du suivi de l’évolution de l’épidémie publiée jeudi, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) fait remarquer que ses rapports sur les risques d’hospitalisation s’appuient sur le nombre de cas positifs déclarés. « Or, le plafonnement des capacités de dépistage observé au cours de la dernière semaine sous-estime désormais de façon importante le nombre de cas réels. Pour cette raison, l’INESSS n’est plus en mesure de produire de façon fiable ce rapport de prédiction. »

De plus, une fois positive, la personne infectée doit s’occuper elle-même de contacter ceux à qui elle aurait pu transmettre le virus. Quant à la période d’isolement, les autorités doivent maintenant se fier au sens des responsabilités des cas positifs… en espérant aussi qu’ils maîtriseront les subtilités des nouvelles règles, qui demandent entre autres d’évaluer si les « symptômes régressent » avant de mettre fin à sa quarantaine.

Globalement, nous sommes ainsi passés d’une approche où les autorités de santé publique s’occupaient de pas mal tout à une approche où pas mal tout doit être géré par tout un chacun…

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« On est rendu là, il n’y a pas d’autre option », affirme en entretien Kim Lavoie, qui est notamment titulaire de la Chaire de recherche du Canada en médecine comportementale. Mais elle fait valoir que si le gouvernement souhaite laisser les individus « s’autogérer » — ce qui est une bonne chose, selon elle —, encore faut-il les avoir préparés à cela et leur fournir un certain soutien. « Il ne suffit pas de dire : voici la recette, appliquez-la. C’est plus compliqué que ça lorsqu’on parle de modifier des comportements. On doit aider les gens à savoir quoi faire, quand le faire, comment le faire. »

Et pour cela, « le public a besoin d’informations et d’instructions claires », dit celle qui codirige une vaste étude internationale (iCARE) sur la compréhension des directives des gouvernements dans le contexte de la crise actuelle et les réactions des populations à ces mesures.

Le problème ? « C’est ce dont on manque depuis le début de la pandémie, et surtout maintenant. »

C’est aussi une partie des reproches que les partis d’opposition adressent au gouvernement. « Après avoir martelé l’importance du dépistage pendant des mois, le gouvernement lance [maintenant] un message totalement contraire », affirmait notamment mercredi le chef parlementaire du Parti québécois, Joël Arseneau. « Cette confusion provoque de l’inquiétude et de l’anxiété, avec raison. […] Les Québécois sont présentement laissés à eux-mêmes — le gouvernement doit remplir sa part du contrat. »

Chez les libéraux de Dominique Anglade, le message est semblable : on évoque un « bateau sans gouvernail et sans boussole » qui donne l’impression d’être « de retour au début de la pandémie »…

Le cabinet de Christian Dubé justifie le changement de cap des derniers jours par la vigueur inattendue de la situation épidémiologique. Il y a simplement trop de cas dans la population pour arriver à tester tout le monde comme avant, et le reste est à l’avenant. Kim Lavoie trouve toutefois l’explication un peu courte. « De dire qu’ils n’ont pas vu venir… C’était très rapide partout ailleurs, alors pourquoi pensait-on que ce serait différent ici ? »

Au-delà des critiques et des inquiétudes qui circulent, le gouvernement espère surtout voir très bientôt les effets des mesures annoncées le 30 décembre.

Tout le milieu de la santé souhaite aussi que la courbe casse quelque part : les dernières projections de l’INESSS évoquent un scénario où le Québec atteindrait les 3 000 hospitalisations liées à la COVID (ce qui inclut ceux qui se rendent à l’hôpital pour un autre problème, mais sont déclarés positifs à l’arrivée) d’ici une dizaine de jours… La petite lueur d’espoir réside dans le fait que ces projections ne tiennent pas compte de l’effet du couvre-feu ou des autres mesures qui visaient justement à donner « un grand coup ».

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« « et le reste est à l’avenant. Kim Lavoie trouve toutefois l’explication un peu courte. « De dire qu’ils n’ont pas vu venir… C’était très rapide partout ailleurs, alors pourquoi pensait-on que ce serait différent ici ? »

Au-delà des critiques et des inquiétudes qui circulent, le gouvernement espère surtout voir très bientôt les effets des mesures annoncées le 30 décembre. » »

Bien sûr… « le gouvernement espère » que son re-« grand coup » récent saura pallier ce qu’on pourrait appeler son ultra-« méchant coup »* l’ayant précédé la semaine d’avant; lorsque, jovialiste — (ou pire*) — comme c’est pas possible, défiant ce qu’il savait pourtant comme tout le monde se passer « partout ailleurs »; il fit planer en l’esprit de la population que s’avérerait-il mieux (laisser) fêter un peu Noël que ne pas le fêter du tout, afin de « recharger ses batteries », comme si « ce serait différent ici »… Assez « fort » ?

* Bon, autant le dire tout de suite, comme le ressens-je, moi. Je trouve que ç’aura été non seulement inintelligent, insensé, d’« amener» ainsi le « peuple » à s’adonner, quand même, à des festivités famille de Noël, alors qu’on savait le feu pogné ailleurs et ne pouvant ne pas s’en venir — (ou peut-être même être déjà arrivé?) — chez nous; mais trouvé-je cela irresponsable même. À tel point que les « foleries » desdits jeunes « sans-dessein » en avion, là, m’apparaissent comme pas grand chose comparativement. En raison de leur impact véritable quasi nul sur la santé publique. Alors que la « libéralisation » – ‘officielle’ – de Noël, elle, aura amené par centaines, voire par milliers, de plus, des «covidixneuviens» et «covidixneuviennes», chez le médecin ou à l’hôpital (en tout cas c’est ce qu’on leur entend dire [comme l’année précédente, donc, en fin de compte]). À cette différence près qu’en 2020, ç’avait été ‘interdit’ les rassemblements famille à Noël, alors qu’à Noël dernier, il y aura eu non seulement l’OK d’État, mais en semaines précédentes, y avait-il eu un PM/Q, s.v.p., imaginez-vous, ‘militant’ ouvertement pour qu’il puisse y en avoir de (plus) gros rassemblements famille à Noël.

Alors, ne cherchez pas, hein. N’importe qui, raisonnable et sensé, était capable de comprendre qu’il n’était pas ‘besoin’ d’ajouter à la surcharge hospitalière en cours et sévissant depuis bientôt deux ans. N’importe qui, raisonnable et de bonne foi, ne pouvait faire autrement que convenir (a priori) qu’en cas de doute — (et doute non seulement y avait-il mais quasi ‘certitude assurée’ même que ç’allait aller [plus] mal [encore] à court terme à défaut d’abstention [totale] de fêter ce Noël en famille le moindrement élargie) —; qu’en cas de doute, donc, ‘fallait rester chez soi! à Noël ou/et la veille. Or…

Or, y en aura-t-il eu des « sorties ». Desquelles résultent maintenant des… ‘entrées’. À l’hôpital.

Avait-on « besoin » de cela, dites, de cet « en plus » ? Ou, pour le poser autrement, qu’eût-ce été de reporter à Pâques ces festivités, comparé au risque qu’on savait encourir en « prenant la chance » de célébrations, il y a deux semaines ?

Non, il n’était PAS raisonnable et sensé de se lancer quand même en « Fêtes » à Noël dernier. Ce pourquoi, éminemment plus encore que l’année précédente, le gouvernement porte la plus grande part de responsabilité ou… d’IRresponsabilité pour le fait que ce soit advenu comme ça plutôt qu’autrement. Car…

Gouverner ce n’est pas jouer à petit papa Noël. SI, donc, Message, sérieux, Solennel! — (comme l’était jadis le Noël chrétien chez nous…) — avait été dûment et convenablement transmis que, hélas, ce Noël aussi…, allait encore devoir, malencontreusement, se voir ‘annulé’, en raison de « l’ouragan » s’annonçant — (lequel se ferait pire encore si on omettait de se priver de rencontres) —; la Population, en son immense majorité, aurait compris et acquiescé. Et y aurait-il eu, alors, oui, motif d’être « fiers »… Alors que, là, on voit mal quelle fierté pourrait-il y avoir d’être ainsi passés à côté d’une si belle occasion de se comporter de façon… noble, préventive, plus soucieuse de ceux et surtout celles qui ont et auront à écoper plus encore, suite à cet autre dépassement de ‘bornes’.