La course au leadership — qui n’en est pas vraiment une — chez les libéraux fédéraux entre dans son dernier droit. Samedi, à Montréal, se tiendra le dernier débat des candidats, avant le couronnement de Justin Trudeau le 14 avril.
Voici quelques infos utiles à savoir.

D’abord, lors du débat de samedi, il est fort possible que Justin Trudeau affirme qu’il a fait preuve de courage politique en se présentant dans la circonscription de Papineau lors de son saut en politique, en 2008, lorsqu’il a délogé la députée bloquiste Vivian Barbot. Une preuve qu’il est «rassembleur» et qu’il n’a pas eu peur de se frotter à ses adversaires.
Le meneur de la course a répété cette affirmation plusieurs fois depuis octobre, notamment lorsque Marc Garneau (qui s’est rallié à lui depuis) a soutenu que Trudeau manquait d’expérience.
D’ailleurs, le premier paragraphe de sa biographie, sur son site internet de campagne, se lit comme suit:
Justin est élu au parlement en 2008, dans la circonscription montréalaise de Papineau, défiant du même coup les prédictions des analystes politiques, qui croyaient qu’un candidat fédéraliste aurait peu de chances de défaire le député sortant du Bloc Québécois.
Depuis quelques mois, des collègues journalistes et des commentateurs ont repris cette version, surtout au Canada anglais. Il y a pourtant une nette exagération, au point où un mythe commence à se former.
J’ai assisté au lancement de la campagne de Trudeau lors des élections de 2011. Dans son petit local électoral, il pouvait nommer, par coeur et sans faux pas, les responsables des groupes communautaires présents à son lancement, les chefs de PME du quartier dans la salle, les commerçants du coin, etc.
Justin Trudeau avait visiblement fait un bon travail de terrain pendant son premier mandat. Un député présent, près de son monde. Le fait qu’il ait survécu à la vague orange, alors que plusieurs de ses collègues libéraux dans des châteaux-forts de l’ouest de l’île n’y soient pas parvenu, le montre bien. Il a même augmenté sa majorité, passée de 1189 (2008) à 5338 votes (2011).
Mais de là à dire qu’en 2008, il avait «peu de chance» de déloger le Bloc et Vivian Barbot, c’est pousser la réthorique un peu loin.
Entre 1953 et 2011, il y a eu 22 élections dans la circonscription fédérale de Papineau (qui a parfois porté des noms un peu différent en fonction du découpage des frontières). Le Parti libéral du Canada en a remporté… 21.
Le PLC a régné sur cette circonscription multi-ethnique sans arrêt entre 1953 et 2006. Entre 1967 et 1996, c’est André Ouellet qui en avait fait son fief. Ensuite, Pierre Pettigrew y a été élu entre 1996 et 2006.
Papineau est restée rouge pendant la forte domination des conservateurs de Mulroney au Québec (1984 et 1988), puis a résisté aux vagues bloquistes de 1993 et 2004.
La bloquiste Vivian Barbot l’a emporté en 2006, mais par seulement 990 voix. Elle est restée en poste un mandat de gouvernement minoritaire, avant de se faire battre par Justin Trudeau deux plus tard.
Disons qu’en terme de château-fort bloquiste, on a déjà vu plus résistant…
Dans son ADN, Papineau est une circonscription fédéraliste et libérale. Justin Trudeau a bien travaillé pour se faire élire, mais il n’y a pas de miracle.
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Par ailleurs, d’ici la fin de la course au leadership au PLC, il sera intéressant de voir combien de membres et de sympathisants vont avoir le droit de vote.
Le parti était très heureux d’annoncer, avec raison, qu’il avait recruté 294 000 membres ou sympathisants (ces non-membres qui auront le droit de vote) durant la course. Mais ces personnes doivent s’inscrire. Faire un pas de plus.
La limite était le 14 mars, mais seulement 89 000 membres ou sympathisants (36 %) avaient pris la peine de s’inscrire pour voter.
Le parti a accordé une semaine de délai supplémentaire, qui se termine ce jeudi, 21 mars.
Mais en date de lundi soir, il n’y avait que 114 000 membres ou sympathisants d’inscrits (39 %).
Les 294 000 personnes sont une bonne nouvelle pour la base de données du parti. La direction du PLC pourra y recruter des bénévoles, des donateurs et futurs membres en règle. Mais le peu d’inscription pour voter en vue de l’élection du chef pourrait témoigner d’un enthousiasme limité de ces nouveaux supporters.
Seront-ils au rendez-vous quand le PLC aura besoin d’eux?
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Autre fait intéressant, la provenance des 294 000 membres et sympathisants. Cela donne une bonne idée des endroits où la course (et la candidature de Justin Trudeau) provoque un réel engouement.
Par exemple, il n’y a que 10,8 % des membres et sympathisants du PLC au Québec, alors que la province renferme 24 % de la population du pays.
Voici les chiffres:
Québec 32 003 (10,8 %)
Ontario 124 504 (42,2 %)
C-Britannique 39 829 (13,5 %)
Alberta 17 850 (6 %)
Saskatchewan 4 373 (1,5 %)
Manitoba 11 401 (3,9 %)
N-Brunswick 11 865 (4 %)
N-Écosse 13 654 (4,6 %)
Terre-Neuve 7 048 (2.3 %)
IPE 4 042 (1,4 %)
Territoires 632 (0,2 %)
Inconnu 23 783 (8 %)
En 2003, sous Paul Martin, le PLC avait près de 100 000 membres au Québec. Il y a donc visiblement encore du travail à faire dans la province pour le PLC.