
Dans une attaque lancée le 3 janvier dernier à Baga et sur 16 villages voisins, au nord-est du Nigeria, les combattants de Boko Haram auraient tué «des dizaines de personnes (et peut-être jusqu’à 2 000), sinon plus», selon l’organisation non gouvernementale (ONG) Human Rights Watch.
L’armée nigériane a qualifié ces estimations de «sensationnalistes», évoquant le nombre de 150 morts. Les dernières années ont cependant démontré la tendance de l’armée nigériane à minimiser les bilans de victimes.
Cette dernière attaque semblait d’ailleurs viser les milices civiles d’autodéfense qui se sont constituées face aux difficultés de l’armée et du président Goodluck Jonathan à répondre à la montée de la violence de Boko Haram.
Contexte historique
En Occident, les réactions et les analyses sont régulièrement teintées d’ignorance. À l’occasion, une forme de panique s’installe, alors qu’une grille de lecture simpliste (parfois même ridicule) s’impose et oppose Occident et islam — faussant ainsi le diagnostic et les solutions possibles.
Le Nigeria a connu environ 30 ans de violence périodique dans ses régions du nord. Les racines du problème sont d’abord complexes et historiques.
Le califat (ou empire) de Sokoto, qui s’est formé entre 1804 et 1808 dans les états du nord et qui a été défait par les troupes britanniques en 1903, demeure un point de référence et de fierté pour plusieurs gens de la région.
Cet héritage se retrouve, tout au long de l’histoire nigériane, dans un courant de pensée qui considère la collaboration avec les autorités séculaires comme étant illégitime.
Contexte conjoncturel
Les racines de la violence se trouvent également leur place dans la situation politique conjoncturelle. Par exemple, le retour de la démocratie, en 1999, a revigoré les débats sur le rôle et la place de la religion dans la société et la politique. La loi islamique a été réintroduite dans 12 états, mais sérieusement mise en pratique dans seulement deux d’entre eux, et limitée au droit criminel.
L’ouverture démocratique a donc alimenté les controverses à propos de la compatibilité du droit islamique avec la constitution et les standards internationaux des droits de l’homme, ainsi qu’au sujet de la place des chrétiens. (Le Nigeria a une population d’environ 178 millions de personnes, dont environ 50 % sont musulmans et 40 % chrétiens.)
En ce sens, le problème religieux tel qu’il se pose n’est pas unique au Nigeria. Le même problème se pose au Mali et ailleurs en Afrique.
Dans un contexte sociopolitique où les populations ont perdu confiance dans le pouvoir des autorités séculaires (souvent accusées de corruption), où l’État ne peut pas assurer l’ordre public ou promouvoir le développement, où les gens n’ont pas de perspectives d’emploi et où la religion et les appartenances ethniques sont manipulées par les élites politiques, nombreux sont ceux qui se tournent vers la religion.
Celle-ci offre ce que l’État est incapable de leur procurer : un sentiment de communauté et de sécurité. Par ce fait même, elle devient publique et politique.
Boko Haram
En avril 2014, le groupe International Crisis Group estimait le nombre de victimes des attaques de Boko Haram à plus de 4 000 et le nombre de déplacés à près de 500 000.
Boko Haram est une secte islamiste combattant les «faux musulmans corrompus» qui contrôlent, selon eux, le nord du Nigeria. Son premier leader, Mohammed Yusuf, avait d’abord utilisé une stratégie de non-violence afin d’établir un état islamique au nord.
C’est en 2009, à la suite d’une série d’affrontements violents entre des membres de Boko Haram et la police nigériane, que la confrontation se transforma en insurrection armée.
Depuis, profitant des lacunes de l’appareil sécuritaire de l’État nigérian, Boko Haram a pris une tournure terroriste importante et mis à mal toute une région, attaquant dans les derniers mois de nombreux emplacements au Niger et au Cameroun.
Le Nigeria et la région font face à un défi de taille et particulièrement difficile. Cela étant dit, la crise soulève également beaucoup de questions à propos des conditions permettant la création d’un tel groupe et à propos de la montée d’une telle violence.
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À propos de l’auteur
Bruno Charbonneau est directeur à l’Observatoire sur les missions de paix et opérations humanitaires de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, qui compte une trentaine de chercheurs en résidence et plus de 100 chercheurs associés issus de pays et de disciplines divers, et qui comprend quatre observatoires (États-Unis, Géopolitique, Missions de paix et opérations humanitaires et Moyen-Orient et Afrique du Nord). On peut la suivre sur Twitter : @RDandurand @UQAM.
Quand ni le pouvoir religieux, ni le pouvoir politique n’a d’intérêt à procurer une éducation ( un esprit critique ) à sa population… Ou est l’espoir…
Sans l’Education, la démocratie n’a aucun avenir…. C’est malheureux à dire, mais tant que les dirigeants n’auront pas besoin d’une main d’oeuvre » instruite » pour s’enrichir… la corruption et le despotisme rêgnera…
Nos gouvernements donnent de l’argent pour aider ce pays, celà ne sert qu’à enrichir ces despotes. Pourquoi ne pas y aller avec d’autres pays et combattre cet intégriste.
Ils ne le font pas parce qu’ils n’ont rien à retirer de ce pays que tous ont dilapidé. En passant félicitations Mme Houda Pépin.
Luc Chouinard