Le premier ministre François Legault avait-il lu le cadre financier conservateur avant de décréter que, des trois formations qui aspirent au pouvoir à Ottawa, seul le parti d’Erin O’Toole n’était pas « dangereux pour la nation québécoise » ?
Le cadre financier du PCC — tel qu’il a été validé par le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux — a été dévoilé à 18 h mercredi dernier. Deux heures plus tard, les cinq principaux chefs croisaient le fer en français dans le cadre de l’avant-dernier débat télévisé de la campagne.
Dès potron-minet le lendemain, le premier ministre se présentait devant les caméras pour fustiger le Parti libéral et le NPD au nom de l’intérêt supérieur du Québec. M. Legault aurait voulu neutraliser d’éventuelles retombées positives du débat de la veille pour Justin Trudeau qu’il n’aurait pas fait autrement.
Tout cela ne laissait pas beaucoup de temps à l’équipe Legault pour éplucher le plan financier du PCC. Mais si le premier ministre s’est manifesté en pleine connaissance de cause, le Parti conservateur lui inspire une générosité presque hors du commun.
M. Legault est-il en voie d’échanger sa bienveillance électorale contre un plat de lentilles ? C’est en tout cas ce que laisse penser la comparaison chiffrée des cadres financiers des libéraux et des conservateurs.
Au cours de son point de presse et par la suite, M. Legault a insisté sur l’intention de Justin Trudeau d’assujettir une future augmentation fédérale des transferts aux provinces pour la santé à certaines conditions.
Le Parti libéral, comme le NPD, défend l’idée que la pandémie a démontré qu’il serait utile d’instaurer des normes nationales en matière de soins de longue durée. Ces deux projets font tiquer le premier ministre Legault, qui y voit une menace à l’autonomie du Québec.
Le Parti conservateur, lui, s’engage à verser davantage d’argent aux provinces pour la santé — jusqu’à concurrence de 60 milliards de plus sur 10 ans — sans se mêler de l’usage qu’elles en feraient.
Mais il y a un os. Selon le directeur du budget, les transferts sous un gouvernement O’Toole n’augmenteraient que de 3,6 milliards au cours des cinq prochaines années, soit environ 900 millions pour le Québec.
Pour financer ses promesses, un gouvernement conservateur abrogerait le programme fédéral de services de garde en vertu duquel le Québec doit recevoir six milliards de dollars sur cinq ans, sans condition.
Depuis le début de la campagne, le chef conservateur martèle qu’il remplacerait le financement libéral par des déductions d’impôt plus généreuses pour les parents à revenu modeste. Il présente son projet comme une solution de rechange avantageuse par rapport au vaste chantier proposé par Justin Trudeau.
En y regardant de plus près, c’est un trompe-l’œil. Il n’y a aucune commune mesure entre les investissements proposés par les libéraux et les conservateurs pour les services de garde.
Au total, l’enveloppe que réserve le Parti libéral à cette politique est de 30 milliards sur cinq ans. Toujours selon le directeur du budget, les déductions d’impôt du Parti conservateur se chiffrent à 10 fois moins, soit 2,6 milliards sur cinq ans.
Au cours d’un premier point de presse jeudi, François Legault a affirmé qu’il n’avait pas besoin des fonds fédéraux pour remplir son engagement de créer des dizaines milliers de nouvelles places. Le premier ministre a insisté sur le fait que l’entente conclue avec Justin Trudeau n’obligeait même pas celui-ci à verser l’argent dans l’enveloppe des garderies.
Rien n’empêche qu’une victoire conservatrice se traduirait, pour le Québec, par la perte de 6 milliards de dollars libéraux versés sans condition contre environ 900 millions de dollars conservateurs versés également sans condition.
Est-ce parce qu’il a pris connaissance de cet écart peu avantageux pour la marge de manœuvre fiscale du Québec que François Legault a précisé vendredi qu’il exigerait qu’Erin O’Toole respecte l’entente de six milliards conclue avec les libéraux ? Chose certaine, c’est plus vite dit que fait.
On voit mal comment un gouvernement conservateur ferait pour honorer la signature d’Ottawa dans le cas du Québec et pas dans celui de la demi-douzaine d’autres provinces qui ont également négocié de tels accords.
Le premier ministre québécois n’est pas le seul à défendre les intérêts de sa paroisse. À cet égard, l’Alberta de Jason Kenney est sur le point de tenir un référendum pour réclamer une refonte complète de la péréquation.
Le Québec est un des bénéficiaires du programme, tandis que l’Alberta y contribue depuis toujours. Le premier ministre Kenney a été un partisan de la première heure d’Erin O’Toole lors de la course au leadership et sa province est le pilier principal du PCC.
François Legault ne veut manifestement pas avoir Justin Trudeau comme interlocuteur sur le financement de la santé, mais tient-il tant que cela à se retrouver de l’autre côté de la table du tandem O’Toole-Kenney pour discuter de péréquation ?
Pendant ce temps, le Bloc s’offusque qu’on »attaque » le Québec pour l’interdiction du port du voile par quelques enseignantes.
Tout à fait.
Une autre malheureuse instance de enlever les mauvaises herbes du jardin pendant que ‘la maison brule’… Dommage qu’on soit à ce point myope.
Pour compléter la chronique de Chantal Hébert, voici ce qui est écrit dans le Plan du PCC :
« Maintenant que l’Alberta est en difficulté, les Albertains s’attendent raisonnablement à ce que le reste du pays, ce qui comprend le gouvernement fédéral, les soutienne financièrement et les aide à obtenir un juste prix pour leurs produits énergétiques sur les marchés mondiaux. »
« Nous allons nous assurer de l’équité de la péréquation en présentant la Loi sur l’équité de la péréquation
et des transferts en tant que projet de loi gouvernemental et en l’adoptant le plus rapidement possible. Cela ajoutera une transparence à la péréquation. »
Pour celles et ceux qui auraient le moindre doute sur le fait Jason Kenney et Erin O’Toole ne s’entendent pas comme larrons en foire… ils pourraient être déçus.
En cette occurrence, on peut bien se demander si monsieur Legault ne s’est pas jeté lui-même une jolie peau de banane sous les pieds de par la singularité même de ses propres déclarations.
Ce qui est encore plus singulier, c’est de constater que sa vice première ministre Geneviève Guilbault en rajoutait encore dimanche aux « Coulisses du pouvoir » avec notre autonomie et notre droit à l’autodétermination… comme si nous vivions encore aujourd’hui sous le joug de la colonisation….
Je ne comprends pas cette résistance à refuser l’adoption de normes nationales notamment en ce qui a trait aux soins de longue durée, puisque rien n’empêche aux Provinces d’excéder par la qualité des soins les normes définies par les autorités fédérales.
Sur ce point, c’est le NPD qui a entièrement raison, il n’y a pas de place pour toute forme de gestion privée pour ces Centre de soins puisque ce type de gestion ne peut qu’organiquement reposer que sur la recherche de profits et la prise de bénéfices. Je ne crois pas que par un tel système les bénéficiaires puissent en sortir gagnants.
Relation du Québec avec le reste du Canada pourrait en souffrir , vous avez entendu parler du syndrome de stcokholm la définition est dans le dictionnaire
A-t-on les ressources financières nécessaires pour faire suite aux promesses électorales de notre premier Ministre, le très honorable Justin Trudeau, le trop généreux avec nos fonds publics?
Je crois qu’il n’y aura pas de grands changements suite à ces élections fédérales non désirées et que nous aurons le temps d’y voir plus clair avec le temps. D’ici là, j’opte pour un changement de tête dirigeante et on verra pour la suite!
« Le Québec est un des bénéficiaires du programme, tandis que l’Alberta y contribue depuis toujours. » (C. Hébert)
Il aurait été plus juste d’écrire que le Québec bénéficie de la péréquation et que l’Alberta n’en bénéficie pas. Le financement de celle-ci se fait par les taxes et impôts de tous les Canadiens ce qui inclut nécessairement toutes les provinces autant celles qui bénéficient de la péréquation que celles qui n’en reçoivent pas.
Jason Kenney peut bien se lamenter à propos de la péréquation, mais s’il écoutait certains militants écologistes, l’Alberta devrait arrêter toute production de son pétrole ce qui mènerait la « pauvre » Alberta à recevoir aussi son nanane.
L’Alberta reçoit des milliards de dollars en subventions pour son industrie pétrolière et gazière. On change la péréquation et on abolit les subventions à ces industries et je suis loin d’être certain que l’Alberta va gagner.
Excellente analyse, bravo
Je pense que monsieur Legault veut surtout protéger son pouvoir et son égo. Le calcul ne l’intéresse pas tant. IEt il semble aussi ne tenir aucun compte que moins de 20% des électeurs québécois considèrent voter PCC.
Dans l’histoire du plat de lentilles racontée dans la Genèse, Isau rentre de la chasse affamé, et vend son droit d’ainesse à son frère Jacob contre un plat de lentilles.
Sur son lit de mort, le père, devenu aveugle, bénit Jacob, qui se faisant passer pour Isau touche l’héritage.
Quel est l’enjeu du « plat de lentilles » ici? Qu’est-ce que M. Legault a cédé au juste? Réponse : un appui aux conservateurs de M. O Toole dont il espère l’effet significatif
Qu’aurait-t-il obtenu en retour? L’équivalent du « plat de lentilles », c’est-à-dire, pas grand chose de substantiel? Quelque chose dont il ne reste rien, une fois consommé? Que des cacahouètes?
Bien sûr, les chiffres de transferts conservateurs sont faibles en regard des milliards promis par les libéraux.
Pour ma part, je pense qu’il y a d’autres enjeux que les transferts, car M. Legault et son équipe sont pour la plupart des comptables. Ils s’y entendent côté argent. Ils ont dû faire les calculs dont vous parlez. Peu leur importe ces manques à gagner.
Il y a des enjeux d’un autre ordre, plus importants. Lesquels?
Car ce serait étonnant que M. Legault ait cédé son « héritage » pour aussi peu, et qu’il finisse, qu’en fait le gouvernement de la CAQ, finisse perdant dans cette affaire.
À tout le moins, les caquistes ont un agenda et ne souhaitent pas avoir affaire à M. Trudeau pour procéder.
Je poursuis avec la métaphore du « plat de lentilles » :
D’après moi, ceux qui se font rouler en bradant leur « héritage » contre un plat de lentilles, ce sont les citoyens. Du moins, ceux qui vont voter conservateur suivant le conseil du premier ministre Legault.