Il est impossible de quantifier le bonheur de façon précise, du moins scientifiquement. Toutefois, une simple équation permet quand même d’en apprécier la portée : Réalité – Attentes = Bonheur.
Le bonheur se mesure donc en soustrayant les attentes de la réalité. Vous achetez un billet de loto et vous espérez gagner le million. Ça n’arrive pas, alors vous êtes déçu. Vos attentes ont dépassé la réalité, ce qui fait qu’il y a déficit de bonheur : 0 $ – 1 000 000 $ = –1 000 000.
Tous les analystes et experts prédisaient une saison de misère pour le Canadien, avec un début catastrophique, comme au moins 12 défaites dans les 10 premiers matchs (en admettant que la chose soit possible mathématiquement). Or, après 10 parties, l’équipe de Martin St-Louis présente autant de victoires que de déconvenues, un résultat somme toute ordinaire. Néanmoins, les partisans sont aussi enthousiastes que du temps de Guy Lafleur, en voyant les jeunesses Caufield, Guhle et Suzuki briller sur la patinoire. La réalité a dépassé les attentes, et il en découle un surplus de bonheur (5 – 0 = 5).
Cela nous amène à faire un parallèle avec la dernière campagne du Parti québécois, où l’équation du bonheur nous sera utile.
Embarquez dans ma DeLorean et transportons-nous en novembre 2018, un mois après la cinglante défaite du PQ avec Jean-François Lisée à sa tête. La formation souverainiste avait obtenu 17 % des suffrages et remporté 10 circonscriptions à l’Assemblée nationale. Son pire résultat depuis 1970. Toutefois, si vous aviez annoncé aux péquistes de l’époque qu’à l’élection de 2022, le PQ ne récolterait que trois sièges en plus de reculer aux suffrages — à la fois en pourcentage et en nombre absolu —, quelle aurait été leur réaction ? Majoritairement négative, gageons-le, peut-être un mélange en parts égales d’horreur et de déni.
Mais voilà, depuis 2018, le spectre de la possible extinction du parti est apparu, avec un apogée de la menace quelques jours à peine avant le déclenchement de la dernière élection : un sondage Léger publié en août n’accordait que 9 % des intentions de vote au PQ. Pour ce qui est de la popularité des chefs, Paul St-Pierre Plamondon, avec comme seul adversaire la marge d’erreur, figurait au cinquième et dernier rang parmi les candidats potentiels au poste de premier ministre. Un seul siège était envisageable pour le PQ.
Cinq semaines après le scrutin, non seulement Pascal Bérubé n’est pas le seul péquiste à l’Assemblée nationale, mais Paul St-Pierre Plamondon a même remporté sa circonscription de Camille-Laurin (avec un peu d’aide du mauvais jugement de la candidate solidaire), devenant ainsi le premier chef du PQ à gagner son propre siège depuis Pauline Marois en 2012.
Cette victoire assurera une certaine stabilité à la tête du parti pour quelques années, une première depuis 2014 ; St-Pierre Plamondon devrait être bien en selle pour diriger le PQ au cours de la prochaine législature et probablement lors de la campagne de 2026.
La cerise sur le gâteau est évidemment le fait que le PQ ait pu dépasser son rival historique aux suffrages, recueillant environ 9 000 votes de plus que le Parti libéral du Québec, ce qui est arrivé seulement cinq fois en 14 scrutins généraux. Ce n’est pas rien.
Alors, ça respire le bonheur chez les troupes péquistes, bien qu’il s’agisse de la pire défaite de l’histoire de la formation politique. Pourquoi ? Pour la première fois en une décennie au Parti québécois, l’équation du bonheur vogue en territoire optimiste : les attentes étaient si basses au PQ que la réalité a réussi à les dépasser.
Comparons les résultats du parti en 2022 avec ceux de 2018 dans les 125 circonscriptions (nous avons fait le même exercice pour le PLQ la semaine dernière). Sur le graphique ci-dessous, les points sous la ligne pointillée indiquent les circonscriptions où le PQ a reculé (en pourcentage) par rapport à 2018. Les points au-dessus de la ligne pointillée représentent celles où il a grimpé par rapport à 2018.

Le PQ a connu une chute beaucoup moins abrupte et généralisée que celle du parti dirigé par Dominique Anglade, qui a reculé dans 124 des 125 circonscriptions. Les optimistes vous diront même que le PQ a fait croître sa part du vote dans 45 circonscriptions.
Mais le réaliste répondra que la formation a aussi perdu du terrain dans 80 autres. Et parmi les 45 circonscriptions, dans combien d’entre elles le parti souverainiste était-il dans la course ? Trois. Et il n’en a gagné que deux : Camille-Laurin et Îles-de-la-Madeleine (la troisième étant Gaspé, remportée par la CAQ).
Dans une enfilade de gazouillis peu après l’élection, la candidate péquiste défaite dans Taschereau, Jeanne Robin, mentionnait que le PQ avait progressé dans la grande région de Québec par rapport à 2018. « La Capitale-Nationale a gagné plus de 10 000 voix depuis la dernière élection. Pour Chaudière-Appalaches, c’est un gain de 5 000 voix. Une progression impressionnante ! » a-t-elle correctement souligné. Néanmoins, cette progression au vote populaire n’a donné aucun siège à son parti, qui a aussi vu disparaître près de 87 000 votes dans l’ensemble du Québec. Cela démontre à quel point le PQ a perdu du terrain ailleurs.
Toutefois, l’aspect le plus inquiétant pour les péquistes est probablement la non-compétitivité du parti dans une écrasante majorité de circonscriptions. Dans le tableau suivant, les circonscriptions remportées par les adversaires du PQ sont classées selon l’écart, en votes absolus, avec le résultat obtenu par le PQ :
Par quelle marge peut-on qualifier une défaite de « serrée » ? Celle de la députée Méganne Perry Mélançon dans Gaspé peut certainement être définie ainsi (710 votes, une marge de moins de 4 points). Mais ailleurs ? Même si Ungava est deuxième sur cette liste, c’est seulement parce que le nombre total de votes dans cette vaste contrée est faible (avec un taux de participation d’à peine 30 %). Vient ensuite Marie-Victorin à Longueuil, où le candidat péquiste Pierre Nantel s’est incliné devant la députée caquiste Shirley Dorismond, qui a récolté 2 299 voix de plus (8 points).
À part ces circonscriptions, peut-on affirmer que la course était si chaude dans Bonaventure (14 points d’écarts) ou dans Rimouski (13 points d’écart) ? Pour ce faire, il faudrait vraiment voir la vie en rose.
Bref, si le PQ a obtenu quelques scores respectables ici et là, il n’a tout simplement pas été dans la course dans 96 % des circonscriptions. À moins d’un changement du mode de scrutin (ce qui n’arrivera pas ), le PQ doit espérer que l’usure naturelle du pouvoir qui devrait toucher la CAQ durant ce deuxième mandat lui sera bénéfique en 2026.
Si l’équation du bonheur a tout de même souri au Parti québécois lors de la récente élection, parions que les attentes en 2026 seront beaucoup plus élevées. La réalité devra suivre, sinon l’équation tombera assurément dans le négatif.
J’ai ma propre hypothèse relativement à ce phénomène : au-delà des votes, des chiffres et des statistiques, l’étonnant enthousiasme suscité par le PQ est attribuable à son chef, Paul St-Pierre Plamondon (PSPP). Depuis le départ de Bernard Landry, le PQ a eu peine à se donner un chef qui puisse être en phase avec l’électorat, notamment les jeunes (longtemps tenus pour acquis par le PQ). Pour diverses raisons, les courts règnes d’André Boisclair et de J.-F. Lisée à la tête du PQ se sont révélés désastreux; quant à Pauline Marois, elle est effectivement devenue première ministre et elle s’est montrée compétente, mais il lui était impossible d’incarner le renouveau des forces souverainistes, sa première élection comme députée datant de 1981.
Maintenant, pour donner suite à votre exemple lié au Canadien de Montréal, Nick Suzuki et Cole Caufield ne sont pas encore de grandes vedettes, mais peut-être sont-ils appelés à le devenir… On peut supposer la même chose à propos de PSPP, sur la scène politique.
J’ endosse entièrement votre hypothèse.
Je pense que le PQ et QS devraient encore réfléchir à une fusion, fonder un nouveau parti politique de centre gauche plus au centre que QS actuel avec pour priorité: l’environnement, la langue et l’économie sur fond nationaliste sans pour autant viser la souveraineté qui n’obtient plus la faveur populaire et qui fait peur au nouveaux arrivants. Il faut séparer la gauche de la souveraineté et unifier la gauche au Québec. Le nouveau parti profiterait d’une addition des appuis des 2 partis actuels et deviendrait une sérieuse opposition aux caquistes qui vont indéniablement vouloir nourrir leur base au centre droit de l’échiquier.