La boussole électorale est de retour.
Comme pour l’élection de 2012 (et la précédente élection fédérale), elle propose aux électeurs de répondre à une trentaine de questions pour déterminer où ils se positionnent sur l’échiquier politique. La boussole propose un axe «identitaire» et un axe «socioéconomique» sur lesquels elle place l’usager et les divers partis politiques du Québec.

L’axe socioéconomique représente essentiellement l’axe gauche-droite. Sans surprise, le parti le plus à gauche est Québec solidaire, et le plus à droite est le Parti conservateur du Québec. Le PQ, la CAQ et le PLQ sont tous près du centre — le PQ un peu à gauche et la CAQ et le PLQ un peu à droite.
Ces positionnements ne sont pas surprenants et correspondent à l’idée qu’on se fait généralement des orientations de ces partis politiques. (Il est intéressant de noter que, selon la boussole, le parti réputé le plus au centre des deux axes est le PLQ, suivi de près par la CAQ, alors que tous les autres partis ont une couleur idéologique plus prononcée.)
Pour un certain nombre de raisons, l’axe identitaire apparaît toutefois plus problématique que l’axe socioéconomique. C’était aussi le cas en 2012.
Distinguons d’abord la question nationale de la question identitaire en posant qu’on peut très bien être fervent souverainiste et s’opposer à un programme identitaire. C’était d’ailleurs le cas du PQ, jusqu’à il y a quelques années encore, à l’époque où le «code de vie» et les «valeurs québécoises» étaient portés par l’ADQ et le maire d’Hérouxville. Les ténors souverainistes Jean Dorion, Michel Seymour, Jacques Parizeau, Gilles Duceppe et d’autres s’opposent aujourd’hui à la Charte des valeurs sans avoir renié leur foi souverainiste pour autant. Il est même fort probable que certains députés et ministres du gouvernement — sans parler de certains candidats du PQ — soient mal à l’aise avec le projet de Charte, mais qu’ils n’aient pas le courage de manifester leur dissidence, contrairement à d’autres. On peut aussi être fédéraliste et appuyer la Charte, en tout ou en partie, comme l’a fait Fatima Houda-Pepin.
Autrement dit, même si l’agenda identitaire trouve probablement plus d’adhérents dans le camp souverainiste que dans le camp fédéraliste, ce sont deux questions distinctes. Pour preuve : les débats identitaires font rage dans plusieurs États indépendants où l’enjeu de la souveraineté est par définition inexistant.
La première difficulté avec l’axe identitaire de la boussole concerne l’identification des pôles. Contrairement à l’axe socioéconomique, où la définition des pôles de gauche (collectivisme, égalitarisme et interventionnisme) et de droite (individualisme, libéralisme et laissez-faire) est relativement bien établie, les pôles identitaires sont nouveaux.
Pour mieux comprendre les résultats de la boussole, il serait sans doute utile d’identifier un pôle correspondant à une vision monoculturelle/conservatrice de l’identité québécoise, par opposition à une vision multiculturelle/progressiste qui occuperait l’autre pôle.
Avec ses «valeurs québécoises» et sa catho-laïcité patrimoniale, le PQ serait évidemment champion du monoculturalisme conservateur. Cette position est en ligne directe avec les orientations péquistes récentes. Selon leur degré de progressisme identitaire, les autres formations politiques se rapprocheraient de l’autre pôle.
Parmi les principaux partis, le PLQ — qui n’interdirait pas automatiquement les signes religieux pour les fonctionnaires en position d’autorité, mais qui conserverait le crucifix à l’Assemblée nationale — serait sans doute le plus multiculturel et progressiste. La CAQ, qui interdirait les signes religieux pour les fonctionnaires en position d’autorité, les enseignants et les éducatrices en garderie, se retrouverait à mi-chemin entre le PQ et le PLQ.
Quant à Québec solidaire, qui interdirait les signes religieux pour les fonctionnaires en position d’autorité et qui retirerait le crucifix de l’Assemblée nationale, on peut imaginer qu’il se situerait dans les environs immédiats du PLQ.
Le problème, c’est qu’en 2014 comme en 2012, la boussole électorale s’obstine à placer QS plus près du PQ que du PLQ au plan identitaire. Or il semble que cette analyse ne corresponde pas à la réalité.
Voici ce que j’écrivais à ce sujet en 2012 :
En réalité, les positions identitaires du PQ et de QS sont très différentes, comme on a pu le constater à de multiples reprises au cours des dernières années :
- Loi 101 au cégep : Québec solidaire (comme le PLQ) s’est prononcé contre l’application de la loi 101 au cégep, alors que le PQ est massivement pour ;
- Viande halal : Le PQ sort les bonnes vieilles «valeurs québécoises» et déchire sa chemise (comme l’avait fait le Front national en France, trois semaines plus tôt), tandis qu’Amir Khadir n’y voit pas de problème et que des militants de QS considèrent que le PQ «fait honte à la famille souverainiste» ;
- Crucifix à l’Assemblée nationale : Le PQ veut le maintenir comme « partie du patrimoine historique du Québec » alors que QS l’enverrait plutôt «au musée» ;
- Port du voile : Le PQ veut interdire le port du voile intégral dans toutes les écoles, tandis que Québec solidaire — contrairement au PQ et à l’ADQ — se montre tolérant et «appuie sans réserve» la décision du gouvernement libéral ;
- Immigration : Le PQ propose de réduire l’immigration pour «assurer l’intégration de façon vérifiable». À l’opposé, le programme de QS insiste constamment sur la diversité et élargirait les critères d’immigration pour favoriser l’accueil de plus de réfugiés, au nom d’une «responsabilité morale et politique» issue notamment des principes avancés par l’ONU ;
- Citoyenneté québécoise : Sur le répugnant (et heureusement défunt) projet péquiste d’instaurer une «citoyenneté québécoise», Françoise David se disait «choquée» et déclarait — encore une fois en écho au PLQ — que le projet était «la caricature d’un nationalisme fermé et frileux» et que le PQ «chassait sur les terres de Mario Dumont».
Ces observations semblent encore pertinentes aujourd’hui. (On aurait aussi pu mentionner la fameuse saga du turban au soccer, dans laquelle Québec solidaire et le Parti libéral étaient, encore une fois, unis dans leur opposition à la position péquiste.) Le projet de Charte des valeurs ne fait que s’ajouter aux exemples précédents pour démontrer, une fois de plus, les différences essentielles entre le Parti québécois et Québec solidaire au chapitre des politiques identitaires.
La réalité, par ailleurs cohérente avec un agenda libéral et progressiste, c’est que QS est beaucoup plus près du PLQ que du PQ sur cet axe. Pourquoi la boussole représente-t-elle faussement cette divergence fondamentale ?
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À propos de Jérôme Lussier
Jérôme Lussier est juriste et journaliste. Au cours des dernières années, il a notamment travaillé à Radio-Canada et tenu un blogue au journal Voir, en plus d’avoir été conseiller politique à la Coalition Avenir Québec. Il blogue sur les enjeux sociaux et politiques contemporains à L’actualité depuis 2013. On peut le suivre sur Twitter : @jeromelussier.
Faites attention, Monsieur Lussier. Si sur certains points, QS et PLQ sont très près l’un de l’autre, ils ne le sont pas pour d’autres. Vos choix d’éléments pour décrire cette proximité sont peut-être judicieux mais vous les avez choisis pour étayer votre thèse, laquelle est plutôt vague à mon goût. De plus, ces « prises de position » des partis sont pondérés, i.e. que si, par exemple, QS envoie le crucifix au musée, cela ne fait pas de ce crucifix un enjeu central de sa plateforme.
Néanmoins, je partage un peu votre avis sur la boussole électorale, i.e. que les résultats doivent être pris avec un grain de sel. Imaginez ma surprise, après avoir rempli le questionnaire, de me voir plus près de ON que de QS alors que je ne suis pas séparatiste/souverainiste/indépendantiste (et, sur certaines questions spécifiques, d’être plus près des conservateurs que de tout autre parti) ! La raison, à mon avis, est que 1) les questions du formulaire ne sont pas assez précises pour décrire l’enjeu auquel elles se rattachent et 2) certaines d’entre elles ne sont pas pertinentes. En conclusion, il s’agit juste d’un outil permettant aux participants de se repérer (tout en s’amusant) par rapport aux partis politiques et non pas de les assigner à un en particulier. De plus, cet outil est encore un peu un prototype…
Pour écrire un article comme celui-ci il faudrait être capable de mettre un peu de côté ses propres choix politiques et faire un peu comme le ferait M. Léger. Je sais que de viser l’impartialité est peut-être illusoire, cependant il y a des limites! Écrire ceci: «Le PLQ serait sans doute le plus multiculturel et progressiste» ça me fait bondir. Pourquoi attacher les mots «multiculturel» et «progressiste». L’auteur nous assène ça comme une vérité évidente. Encore le cliché qui veut qu’être pour une certaine cohésion sociale et nationale avec la laïcité comme valeur de base, veut dire automatiquement: « peureux, frileux, voir réactionnaire ». Je m’inscris en faux contre cette idée et je prétend que les réactionnaires sont les multiculturalistes qui veulent une société de moutons, bons «acteurs économiques», ne se posant pas trop de questions. Le résultat, c’est un pays comme les USA où moins de 30% des gens votent. Ce n’est pas être «progressiste» au contraire. je crois que l’auteur ne s’est même pas rendu compte de l’énormité de ses propos, tellement cette «pensée unique» est ancrée dans son ADN par la propagande médiatique.
« Pour écrire un article comme celui-ci il faudrait être capable de mettre un peu de côté ses propres choix politiques et faire un peu comme le ferait M. Léger. » (sic)
Vous parlez bien du frère de la candidate péquiste Nicole Léger ici et de son frère de Léger Marketing dont tous les sondages sont biaisés en faveur du Parti québécois?
Si oui,,,vous faites dans l’humour et/ou vous êtes rigolothérapeute, comme la toute nouvelle candidate du P.Q. dans La Peltrie:
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/402024/une-rigolotherapeute-chez-les-pequistes