La chose était attendue et presque entendue.
Et donc, l’ex-ministre de la Santé, Philippe Couillard, se prépare à se déclarer candidat à la première course à la chefferie du Parti libéral du Québec (PLQ) depuis 1983. L’annonce devrait d’ailleurs se faire la semaine prochaine quelque part autour des 3 ou 4 octobre.
L’ex-ministre des Finances, Raymond Bachand, semble également piétiner d’impatience pour faire sa propre annonce. Quant à l’ex-ministre des Transports, Pierre Moreau, il serait surprenant qu’il passe son tour.
De la courte brochette de candidats possibles, c’est certainement Philippe Couillard qui inquiète le plus dans les rangs péquistes. N’ayant remporté qu’une victoire minoritaire face à l’impopulaire Jean Charest, l’idée de voir revenir le docteur Couillard au bercail – et possiblement comme chef – n’y réjouit personne.
Le PQ n’a toutefois pas le monopole de la nervosité.
Dans les rangs caquistes, la menace que pourrait poser un Couillard est réelle. S’il devait se montrer capable de ramener lui-même au bercail libéral ces fédéralistes fatigués de Jean Charest qui ont préféré voter CAQ pour faire changement, la suite serait peut-être moins rose pour la CAQ. Ce qui, à son tour, pourrait faciliter le recrutement au PLQ de nouveaux visages pour la prochaine élection.
Et pourquoi s’inquiètent-ils tous? S’il devient chef du PLQ – ce qui n’est pas encore fait -, il risquerait d’être un adversaire particulièrement coriace pour le PQ et la CAQ.
C’est que Philippe Couillard avait comme marque de commerce, du moins, lorsqu’il était ministre, d’être un redoutable communicateur, mais aussi, un tacticien brillant et retors. Parfois même trop…
À cet égard, il aura joué un rôle de premier plan dans une des dernières étapes de la longue saga du CHUM – soit le «déménagement» in extremis du méga hôpital francophone dans le centre-sud de Montréal plutôt qu’à Outremont – pourtant le choix de Jean Charest lui-même.
En entrevue, l’ex-président du PLQ, Robert Benoît, ne cache pas son enthousiasme non plus, disant voir en Philippe Couillard l’«homme de contenu» dont les libéraux ont besoin. (Rappelons qu’en 2010, M. Benoît avait qualifié le PLQ de Jean Charest de «machine à ramasser de l’argent».)
Ce mercredi matin, sur les ondes de la Première chaîne, le président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, n’avait que de bons mots pour l’ex-ministre de la Santé.
Son arrivée possible dans la course à la chefferie, même si messieurs Bachand et Moreau jouissent déjà chacun de certains appuis au sein du caucus libéral de 50 députés, pourrait aussi contribuer à faire la démonstration auprès de l’électorat, que le PLQ, revigoré par les résultats du 4 septembre, demeure déterminé à tenter de reprendre le pouvoir la prochaine fois…
Bref, plusieurs craignent, à tort ou à raison, un certain effet «tsunami» si Philippe Couillard devenait chef du Parti libéral. Ce qui, pour le moment, il va sans dire, demeure tout à fait imprévisible.
En même temps, les inquiets espèrent tout de même discrètement que la manière dont Philippe Couillard a quitté la politique en 2008, de même que sa feuille de route professionnelle, pourraient peut-être aussi constituer pour le docteur un handicap potentiel.
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Rappelons qu’après son départ en 2008, Philippe Couillard s’était retrouvé illico dans les bras accueillants de la firme privée Persistence Capital Partners LP, laquelle se présente elle-même en ces termes :
un fonds de capital d’investissement qui se concentre exclusivement sur les occasions d’affaires offrant un fort potentiel de croissance dans le domaine des services de santé.
Ce qui a tout de même le mérite d’être clair.
On est donc loin ici du rôle de «gardien» du système public de santé qu’est celui du ou de la ministre de la Santé.
Des rumeurs circulant à l’époque sur de possibles contacts ayant eu lieu entre M. Couillard et des dirigeants de cette firme au moment où il était encore ministre, le Commissaire au lobbyisme a enquêté. Sa conclusion : aucune infraction constatée. Pas du moins, selon la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme.
Toutefois, ce sur quoi le Commissaire avait enquêté était la matière tombant sous sa juridiction. À savoir si les dirigeants de Persistence Capital Partners avaient quant à eux fait du lobbyisme auprès du ministre Couillard – pour reprendre les termes du rapport du Commissaire – afin d’«influencer la prise de décision par le ministre relativement à l’adoption, les 18 et 25 juin 2008, du Règlement sur les traitements médicaux spécialisés et du Règlement sur les frais exigibles pour la délivrance ou le renouvellement d’un permis de centre médical spécialisé».
(Rappelons que le ministre Couillard ouvrait ainsi, tout juste avant son départ, un nouveau marché potentiellement lucratif pour des cliniques privées. M. Couillard, quant à lui, a toujours affirmé le contraire. Nul doute que ce sujet fort important fera l’objet de débats et d’analyses plus poussés lors de la course à la chefferie. )
Sur le sujet plus épineux des rencontres entre ces dirigeants et Philippe Couillard lorsqu’il était encore ministre, le Commissaire au lobbyisme lui-même en avait conclu en 2009, que seul un commissaire à l’éthique pourrait enquêter sur le comportement des élus eux-mêmes dans de possibles conflits d’intérêts entre eux et des lobbyistes, dont certains sont parfois même des employeurs potentiels pour ces premiers.
Voici d’ailleurs ce qu’en citait La Presse :
Le commissaire n’a toutefois pas fait enquête sur les agissements de l’ex-ministre, puisque son mandat ne le lui permet pas. Seul un commissaire à l’éthique, un poste qui n’existe pas à Québec, aurait pu le faire.«Il est essentiel d’affirmer que le Commissaire au lobbyisme n’a pas pour mandat d’évaluer la conduite de M. Couillard ni de déterminer si en initiant des démarches qui l’ont conduit à rencontre MM Sheldon et Stuart M. Elman (de PCP) entre mars et mai 2008 pour discuter d’une éventuelle association, il se plaçait dans une situation pouvant comporter des éléments de conflits d’intérêts ou de conflits de rôles, par rapport à sa charge et à certaines décisions qu’il devait prendre» (…) au sujet des cliniques privées, indique M. Côté dans son rapport.
Puis, encore ceci :
En entrevue à La Presse le 20 août 2008, quelques jours après son passage chez PCP, M. Couillard reconnaissait qu’il avait eu des contacts avec son futur employeur lorsqu’il était ministre. «On a eu des rencontres, uniquement des conversations générales. Dans les quelques jours qui ont précédé ma démission, il est devenu apparent qu’on pouvait envisager une collaboration professionnelle, mais ça s’est concrétisé après le 25 juin», avait-il dit.
Le commissaire révèle toutefois que dès le 17 mai, un peu plus d’un mois avant sa démission, Philippe Couillard a signé un «protocole d’entente» avec PCP «fixant les conditions de rémunération et d’autres considérations matérielles». «Le même soir, M. Couillard et Stuart Elman se rencontraient pour un souper, auquel participaient leurs conjointes, dans un restaurant de Montréal», indique André C. Côté. M. Couillard a ensuite confié le mandat à ses procureurs de finaliser la négociation et de rédiger un contrat formel.
Si M. Couillard se présente à la chefferie, ces questionnements reviendront-ils le hanter? Surtout au moment où les citoyens sont exposés depuis quelques années à une enfilade d’allégations troublantes dans le département de l’intégrité et de l’éthique, c’est possible.
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En fait, le parcours professionnel de Philippe Couillard depuis son départ de la politique en 2008 est tout à fait fascinant et particulièrement bien branché. Autant sur le milieu des affaires que politique. L’ex-ministre est très occupé et porte plusieurs chapeaux.
Il restera donc à voir si certaines des nombreuses nouvelles inscriptions à sa carrière constitueraient ou non un handicap pour le candidat Couillard.
Neurochirugien respecté de formation et de profession, depuis 2008, Philippe Couillard a bien sûr enseigné à l’université.
Il est également devenu membre du conseil consultatif international du ministre de la Santé d’Arabie Saoudite – un des régimes les moins démocratiques et où l’on traite les femmes comme des citoyennes de seconde zone. (Rappelons qu’en 1992, M. Couillard mettait déjà sur pied un service de neurochirurgie en Arabie Saoudite.)

Il est aussi «mentor» à la Fondation Trudeau et membre du Bureau du Conseil privé du Canada.
M. Couillard est membre du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) – un organisme «indépendant qui, d’une part, surveille de l’extérieur les opérations du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS ou Service) et, de l’autre, rend des comptes au Parlement du Canada sur son rendement». Voir ici.
Un autre membre du CSARS était Arthur Porter, l’ex-grand patron maintenant déchu du CUSM (le Centre universitaire de santé McGill). Comme le rapporte La Presse, «aujourd’hui dans la ligne de mire de l’escouade Marteau, l’ancien patron du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), Arthur Porter, a quitté le pays et semble injoignable.»
Dans le même article, il est fait mention que M. Couillard n’aurait aucune idée où serait aujourd’hui Arthur Porter, de même que:
Sur papier, Arthur Porter est toujours coactionnaire d’une entreprise de consultants avec Philippe Couillard, mais il s’agit d’une coquille vide qui n’a finalement jamais servi depuis sa création en 2010. «On avait formé cette petite structure-là, qui ne s’est jamais matérialisée. Ça n’a jamais rien fait, cette affaire-là, c’est zéro, des pages blanches», dit M. Couillard.
En 2011, M. Couillard se joignait également, à titre de conseiller stratégique, à la firme-conseil Secor – un think tank» proche du milieu des affaires. Il est aussi membre du conseil d’administration d’Amorfix Life Sciences et Thallion Pharmaceutiques Inc.
Dans sa biographie officielle sur le site web de l’Assemblée nationale – mise à jour en septembre 2012 -, on le présente également comme président de la Fondation canadienne de recherche en santé et du Regroupement des soins de santé personnalisés.
Toute une liste, en effet, et peut-être même non exhaustive.
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Bref, voilà un candidat potentiel à la chefferie du PLQ qui est particulièrement habitué aux coulisses du pouvoir, autant politique que d’affaires.
Ce sera donc aux libéraux, s’il se lance, à décider s’il possède vraiment ou non le «profil» dont ils auront besoin pour se remettre pleinement sur pied et tenter de nettoyer leurs propres écuries…
Les affaires reprennent au PLQ.
Avec la commission Charbonneau en cours, il ne semble pas savoir dans quelle galère qu’il s’embarque.
Peut-être que son passage au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité va l’aider dans la culture du secret!
Excellent article!
Excellente rétrospective des actions et accointances de Phil Couillard que j’enregistre pour ne pas oublier.
Le fait d’installer un service de neuro-chirurgie en Arabie Saoudite n’a rien de déshonnorant que je sache…sinon que devrait-on dire des firmes comme Bombardier qui vendent du matériel militaire, en permanence, aux plus offrants…et on peut servir de conseil pour la santé au lieu d’être un conseiller militaire…
Exactement la bonne la personne, exterieure au giron charest, si les liberaux veulent retrouver le pouvoir au plus vite.Monsieur Legault votre nervosite vas montrer d`un cran
Excellent article. Je commence à désespérer sur ce que la commission Charbonneau pourra mettre en lumière. Toute cette soit-disant élite s’entremêle dans les institutions publiques et privées, malgré la mise en place de lois sur çi sur ça parfois avec tellement de failles qu’en bout de ligne les citoyens se font berner, emplir, charrier, endormir, ajoutez les qualificatifs que vous voudrez nous avons l’impression de tourner en rond encore et encore. Les médias n’aidant pas je n’ai pas besoin de décrire comment cela se passe. Pourtant l’information est là mais vous êtes parmi Me Legault quelques journalistes qui remettent les pendules à l’ heure. Finalement je suis entrain de vous dire que je suis découragée. Juste à écouter Jean Lapierre c’est assez pour dépérir à vue d’oeil. Bonne journée quand même.
WOW, excellente nouvelle surtout en ces temps de valse-hésitation de la part du PQ, concernant les récentes annonces dont ils ne veulent pas se faire critiquer parce qu’ils ont raison, principalement dans le dossier de la «rétroactivité» qui vient d’apparaître sur le radar dont personne n’avait entendu parler auparavant et qu’il ne souhaite pas faire amende honorable ou s’en excuser. c’est mal parti.
Ce serait une belle occasion pour la population d’en finir avec l’option PQ et d’avoir deux partis fédéralistes en poste. En terminant, j’ai la nette impression que ce sera un couronnement dans le cas de Philippe Couillard malgré l’excellente feuille de route des Bachand, Moreau.
Y’a pas de doute M.Couillard serait beaucoup mieux apprécié par la population que les multiples spécialistes de la gueule de bois du PLQ, dont certains parmi ceux qui se présenteront à la chefferie ou qui y ont pensé et se sont finalement désistés pour se ranger derrière M.Couillard par exemple.
Y’a pas de doute non plus M.Couillard a du leadership, il l’a clairement démontré lorsqu’il était ministre de la santé et on peut présumer sans trop se tromper que c’était aussi le cas dans les fonctions qu’il a occupées avant d’entrer en politique et dans celles qu’il occupe maintenant et le temps qu’il était au PLQ il était assez évident qu’il pouvait facilement faire ombrage à Jean Charest.
Ceci dit je n’en voudrais pas comme premier ministre (pas juste parce que je ne suis pas un Libéral). Monsieur a du leadership, mais et pour reprendre les mots de Pierre Coté dans son livre « Québécois 101 » : Un vrai leader doit être authentique pas opportuniste, dédié plutôt que simplement motivé, il doit être au service de sa cause et non le contraire.
Or ce que nous savons aujourd’hui des dessous des agissements du bonhomme sur des dossiers importants qu’il a mené du temps qu’il était ministre de la Santé et de ses intérêts professionnels actuels, le catégorise à mes yeux comme un opportuniste et il est permis de douter qu’un coup au pouvoir il serait dédié à la cause (à l’intérêt des québécois).
Mais ça ferait un très bon chef au PLQ !
La «famille» libérale depuis bien des années domine le paysage politique du Québec et du Canada. Ce qui me déroute c’est la facilité du PLQ de récolter de l’argent, un peu comme ce qui est décrit à la commission… Couillard a sans doute été mis en réserve par le PLQ pour remette sur pied ce parti qui doit passer par la commission… Un peu comme au Monopoly…
Couillard reste un libéral opportuniste et ultra capitaliste ayant oublié sa propre nation francophone, perdue dans un Canada trop différent. Comme Legault et la CAQ finallement!
Je respire tellement mieux depuis que Madame Marois et le PQ son élues!
Il est certain que Couillard l’emportera.Maintenant que Charest et Sarkosy ne sont plus les poulains de Desmarais,ce dernier a entraîné Couillard…ami des riches et du privé.
Beau travail, M.Desmarais.
Bien d’accord avec Mme Tremblay. Après Johnson et Charest, Desmarais voudrait bien garder son ascendance sur le Québec, avec Couillard. (Surtout qu’il a perdu le contrôle à Ottawa). Pourrait-on lui indiquer le chemin de la retraite pour qu’il puisse continuer à jouer les Louis XIV en privé, pour lui-même, sans vouloir mener les destinées de la planète.
On cherche avec angoisse, je le constate, le talon d’achille de M. Couillard, avec les mêmes vieilles méthodes de jugement par association ou par insinuation.
C’est de la même eau que de souligner que Pierre Duchesne, ci-devant ministre, n’aurait pas pu rejoindre le PQ si rapidement sans discussion préalable, au moment même où ils multipliait ses apparitions à Radio-Canada pour nous décrire, sourire en coin, la levée en masse des carrés rouges et des casseroles…
Cachez ce sein que je ne saurais voir! Tartuffe.