
Toutes catégories confondues, la défaite cinglante essuyée par le Bloc québécois le 2 mai dernier a été l’événement charnière de l’année politique 2011.
Par comparaison, l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement conservateur majoritaire constituait un jalon prévisible dans la progression de la formation de Stephen Harper depuis sa réunification, en 2003.
Comme en a fait foi la réélection de six gouvernements provinciaux l’automne dernier, la continuité était dans l’air du temps dans le reste du Canada en 2011. L’électorat québécois, par contre, semble plutôt déterminé à changer d’air.
Pour la première fois depuis la Révolution tranquille, le 2 mai dernier, un élu non québécois (à la tête d’un parti sans attaches réelles au Québec) a battu un chef fédéral québécois.
Ce ne sont pas des fédéralistes à tout crin qui ont dicté ce changement, mais plutôt des électeurs francophones nationalistes. Et ils ne l’ont certainement pas fait en raison d’un soudain pouvoir d’attraction du fédéralisme.
Au contraire, le PLC est l’ombre du protagoniste fédéraliste de premier plan qu’il a été lors des référendums de 1980 et de 1995. Et les gouvernements fédéralistes qui sont au pouvoir à Québec et à Ottawa battent des records d’impopularité.
L’électorat québécois n’a pas non plus renoncé à 20 ans d’opposition perpétuelle à Ottawa parce qu’il était pressé de reprendre contact avec l’exercice du pouvoir. Le NPD n’a jamais été au pouvoir. Pendant longtemps, il n’a même pas semblé le convoiter sérieusement.
L’équipe bloquiste qui était sur les rangs le printemps dernier n’avait pas la vigueur de la cohorte qui avait débarqué en force au Parlement en 1993. Mais elle comptait tout de même moins de maillons faibles que le caucus novice du NPD.
Les valeurs que défend le NPD ne sont pas tellement différentes de celles que défendait le Bloc québécois. La thèse d’un ralliement collectif des électeurs québécois à des valeurs de gauche tient encore moins la route devant l’engouement de bon nombre de ces mêmes électeurs pour le programme plutôt conservateur défendu par François Legault et sa Coalition Avenir Québec.
Quant à l’attrait hypnotique de la personnalité transcendante de Jack Layton : parle-t-on ici du même électorat qui a refusé de dire oui à Lucien Bouchard et à René Lévesque ?
D’autre part, si les électeurs avaient été irrémédiablement las de Gilles Duceppe, l’ancien chef du Bloc québécois ne serait pas le favori fantôme pour mener le PQ à la victoire au prochain scrutin.
Il est vrai que, sur le front fédéral, le Québec a davantage tendance à donner de grands coups de balai électoraux que les autres provinces. Mais dans le passé, ces coups de balai ont toujours reflété une tendance lourde liée à la question nationale.
Brian Mulroney et les conservateurs ont gagné le Québec après le rapatriement de la Constitution sans le Québec par un gouvernement libéral. Lucien Bouchard a installé le Bloc dans le paysage à Ottawa dans la foulée de l’échec des accords de Meech.
Il a fallu le scandale des commandites pour entrouvrir la porte du Québec aux conservateurs de Stephen Harper et, par la suite, au NPD. Encore là, l’élément déclencheur du mouvement avait un lien direct avec la question nationale.
Depuis le scrutin fédéral, les sondages suggèrent que l’électorat serait tout aussi disposé à gommer le Parti québécois de la carte qu’il l’a été dans le cas du Bloc.
Malgré la présence à Ottawa d’un gouvernement dont les politiques heurtent à répétition de grands consensus québécois, l’appui à la souveraineté continue de glisser.
Imprévisible et inconséquent, l’électeur québécois ? Pas tant que cela. Jusqu’à présent, il y a un fil conducteur dans la pièce en plusieurs actes dont il est le metteur en scène.
Parce que, pour le meilleur ou pour le pire, il a déplacé des montagnes en 2011 et qu’il continuera de tenir en haleine la classe politique canadienne et québécoise en 2012, l’électeur québécois mérite le titre de personnalité de l’année qui vient de se terminer.