Les conservateurs pourraient-ils l’échapper en Alberta ?

Les sondages laissaient présager une victoire pour les conservateurs unis en Alberta. Mais c’était sans compter les propos étonnants de Danielle Smith qui émergent du passé pendant la présente campagne.

Jeff McIntosh / La Presse Canadienne / montage : L’actualité

Les deux premières semaines de cette courte campagne électorale qui se déroule en Alberta ont essentiellement été passées à braquer les projecteurs sur des extraits vidéos controversés de la première ministre sortante et cheffe du Parti conservateur uni (United Conservative Party — UCP).

Presque chaque jour, on a vu Danielle Smith dire comment l’Alberta devrait privatiser ses hôpitaux ; dire pourquoi les policiers qui ont appliqué les restrictions sanitaires au plus fort de la pandémie devraient faire l’objet de poursuites pénales ; comparer les 75 % d’Albertains qui se sont fait vacciner contre la COVID-19 aux partisans d’Hitler dans l’Allemagne nazie.

Considérant que Danielle Smith a consacré la majeure partie de sa pause politique (de 2015 à 2022) à sa carrière en tant qu’animatrice de radio (elle avait une émission très populaire sur la chaîne Corus) et que, durant la pandémie, elle était régulièrement invitée à des talk-shows en ligne tenus par des groupes qu’on pourrait qualifier de discutables, il est facile d’imaginer ce qui sera publié au cours des deux dernières semaines de la campagne.

Les sondages de précampagne publiés à la fin avril laissaient présager une chaude lutte entre sa formation, née de la fusion du Wildrose Party et du Parti conservateur, et les néo-démocrates, dirigés par l’ex-première ministre Rachel Notley (2015-2019). Néanmoins, tout semblait tendre à une mince victoire des conservateurs unis.

Le tracé vers leur majorité se dessinait ainsi : le NPD allait encore une fois balayer Edmonton ; l’UCP allait conserver presque tous ses bastions dans les régions rurales de la province et les deux partis allaient se partager les 26 circonscriptions de Calgary.

Pour obtenir une majorité à l’Assemblée législative de l’Alberta, un parti a besoin de 44 sièges (sur 87 au total). Le scénario décrit ci-dessus aurait fort probablement abouti à une victoire d’environ 50 sièges pour Danielle Smith.

Mais après ces deux semaines marquées par la controverse et les incendies de forêt qui enfument toute la province, la course s’est quelque peu resserrée, si l’on en croit les sondages publiés récemment, avec cependant des divergences prononcées entre les diverses maisons de sondage (voir la liste complète des sondages de l’Alberta ici).

Voici les points saillants :

  • En début de semaine, Abacus Data donnait l’avance au NPD à l’échelle de la province par une marge de huit points (43 % à 35 %, avec 14 % d’indécis). Parmi les électeurs décidés, l’avance du NPD passait à 10 points. Si l’on considère qu’Abacus avait évalué les deux partis à 36 % à la fin du mois d’avril, il s’agit d’un mouvement statistiquement significatif en faveur du NPD. Toutefois, des chiffres tout frais d’Abacus, publiés mercredi, indiquaient que les deux partis n’étaient plus qu’à trois points d’écart.
  • Le sondage en continu de la maison Recherche Mainstreet indiquait dans sa publication la plus récente une avance de quatre points pour les conservateurs à l’échelle de la province. En fait, Mainstreet donne le NPD en tête dans les villes, mais en queue de peloton dans les régions. Ses chiffres montrent une quasi-égalité en matière de sièges ainsi qu’un clivage spectaculaire entre les villes et les régions.
    Sauf que, depuis l’apparition de la vidéo où Danielle Smith évoque comment l’Alberta pourrait vendre ses hôpitaux à des acteurs privés, Quito Maggi, président de Mainstreet, souligne que son parti a perdu un soutien important au sein des aînés de Calgary. Bien qu’il faille toujours faire preuve de prudence avec les sous-échantillons des sondages, car ils sont souvent trop petits pour être fiables, il ajoute que « l’UCP détenait une avance de plus de 10 points parmi les personnes âgées de Calgary » lorsque la campagne a commencé. Cette avance a basculé et est désormais en faveur du NPD. « Si cette tendance se maintient, l’UCP est cuit », croit-il.
  • Mardi, une petite bombe médiatique a fait vibrer la classe politique albertaine. Une enquête d’opinion publique de Janet Brown, une spécialiste des sondages très estimée en Alberta, a été révélée par un chroniqueur du quotidien Calgary Herald. Ce sondage donnait une image radicalement différente des autres : une avance de 11 points pour l’UCP à l’échelle de la province, et de 12 points à Calgary. De tels chiffres signifieraient une victoire aisée des conservateurs. Mais la prudence s’impose avec les sondages ayant fait l’objet d’une fuite, car ils sont refilés aux médias pour une raison…
  • Finalement, deux autres sondages ont été publiés mercredi, par l’Institut Angus Reid et la maison Ipsos. Alors qu’Angus Reid perçoit une avance de huit points de l’UCP, Ipsos mesure plutôt l’UCP trois points devant son rival.

En utilisant les données de ces sondages, la dernière projection de sièges de Qc125 Alberta accorde un léger avantage aux conservateurs. Toutefois, quelques circonscriptions serrées à Calgary pourraient toujours faire chavirer cette projection en faveur du NPD si l’ensemble des sondages devait se resserrer.

Ainsi, rien n’est joué. Le débat des cheffes de jeudi soir (le 18 mai) et la fin de la campagne pourraient encore faire bouger l’aiguille. Gageons que Rachel Notley passera la majorité des 11 jours restants de cette campagne à sillonner les circonscriptions de la métropole albertaine. Sur les 14 circonscriptions pivots établies par le modèle Qc125, pas moins de 11 se trouvent à Calgary.

À moins de deux semaines du scrutin, l’UCP a toujours le plancher et le plafond les plus élevés, et ce, même si la cheffe Danielle Smith est devenue un caillou dans le soulier pour plusieurs ministres de son cabinet, en particulier dans les zones urbaines. En théorie, la force de la marque conservatrice devrait compter pour beaucoup en Alberta et leur offrir un net avantage. Cependant, la théorie fonctionne lorsqu’il existe un précédent sur lequel s’appuyer, et il n’y a pas de précédent récent en Alberta pour ce que nous observons dans cette course jusqu’à présent.

Après le débat des cheffes entre Smith et Notley, il ne restera donc plus que 11 jours à la carrière politique de l’une d’elles.

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