Lors des élections générales fédérales de 2019, 67 % des électeurs admissibles ont exercé leur droit de vote au Canada. En décomposant le taux de participation par groupes d’âge, nous remarquons que, encore une fois, les électeurs plus âgés ont voté en bien plus grand nombre que les jeunes. En effet, 73 % des électeurs âgés de 55 à 64 ans et 79 % des électeurs âgés de 65 à 74 ans se sont prononcés lors de ce scrutin, comparativement à seulement 57 % des électeurs âgés de 18 à 34 ans, selon les données d’Élections Canada.Ces chiffres révèlent un important écart de 25 points entre le taux de participation des 18 à 24 ans et celui des 65 à 74 ans. Or, si ces jeunes électeurs avaient voté dans des proportions semblables à celles de leurs aînés en 2019, un peu plus de 400 000 votes supplémentaires auraient été déposés, soit à peu près autant de bulletins que dans tout le Nouveau-Brunswick en 2019. En appliquant cette même formule aux 25 à 34 ans, environ 900 000 bulletins de vote additionnels auraient été mis dans l’urne, soit presque autant que dans le Manitoba et la Saskatchewan réunis — bien plus qu’il n’en faut pour faire basculer les résultats des élections d’un côté ou de l’autre.
En raison de leur taux de participation beaucoup plus élevé, les électeurs plus âgés comptent donc pour plus que leur poids démographique dans les résultats finaux.
En règle générale, les partis de centre droit obtiennent des appuis supérieurs chez les électeurs plus âgés que parmi la population générale, et le Parti conservateur du Canada (PCC) ne fait pas exception. Dans un sondage Léger réalisé en janvier 2020, quelques semaines à peine avant le début de la pandémie de COVID-19 au Canada, les conservateurs et les libéraux se situaient respectivement à 32 % et 31 % au niveau fédéral. Parmi les électeurs plus âgés (55 ans et plus), les conservateurs occupaient la première place avec 35 %, mais tombaient au troisième rang avec 23 % chez les jeunes électeurs (de 18 à 34 ans). Ces résultats étaient semblables à ceux des derniers sondages juste avant les élections de 2019, lors desquelles les conservateurs ont remporté le suffrage universel par un point sur les libéraux. À l’automne 2020, le PCC occupait toujours la première place dans les sondages fédéraux parmi les électeurs plus âgés, mais se situait généralement derrière les libéraux par une poignée de points en raison du moindre soutien de la population plus jeune.
De nombreux sondages fédéraux ont été publiés juste avant et après le budget fédéral déposé par Chrystia Freeland le 19 avril. La plus récente projection fédérale Qc125 (publiée par L’actualité la semaine dernière) montre que les libéraux creusent graduellement l’écart entre eux et les conservateurs. En regardant les chiffres régionaux, nous observons que le Parti libéral du Canada (PLC) mène largement en Ontario et dans les provinces de l’Atlantique, alors qu’au Québec, les troupes de Justin Trudeau ont augmenté leur avance sur le Bloc québécois (BQ) ces dernières semaines. Quant aux conservateurs, ils demeurent confortablement en tête dans les Prairies, bien que leurs appuis en Alberta soient plus proches de la barre des 50 % que des 69 % qu’ils ont récoltés en 2019.
Cependant, ce ne sont pas tant les chiffres régionaux que les intentions de vote par tranches d’âge qui ont vraiment attiré notre attention dans les derniers coups de sonde.
Dans le sondage Léger pour La Presse Canadienne publié à la mi-avril, les libéraux occupaient la première place avec 35 % des intentions de vote parmi l’ensemble de l’échantillon du sondage — une avance notable, mais tout de même modeste, de cinq points sur les conservateurs. Toutefois, parmi les électeurs plus âgés (55 ans et plus), c’est le Parti libéral qui menait par une marge de 9 points, 40 % à 31 % pour les conservateurs.
Cela pouvait-il être une donnée aberrante ? Nous devons naturellement faire preuve de prudence avec les sous-échantillons d’un sondage, en raison de leur plus grande incertitude, mais l’échantillon non pondéré d’électeurs de ce groupe d’âge était de 517 répondants, ce qui, avec un échantillon probabiliste, aurait donné une marge d’erreur de ± 4 % dans l’intervalle de confiance de 95 %. Donc, au mieux pour le PCC, ce dernier serait à égalité avec les libéraux parmi les électeurs plus âgés ; au pire, les libéraux auraient une avance de plus de 15 points.
Voici un graphique des intentions de vote des électeurs de 55 ans et plus pour le PLC et le PCC depuis octobre selon le suivi de Léger :
Sur le graphique ci-dessus, les points colorés indiquent les données des sondages et les zones ombrées sont de simples moyennes mobiles. (Source : Sondages Léger / La Presse Canadienne d’octobre 2020 à avril 2021.)
D’autres sondages récents fournissent des données similaires. Dans la dernière enquête fédérale de Recherche Mainstreet, les chiffres nationaux étaient pour la plupart conformes aux moyennes actuelles, avec les libéraux à 37 % et les conservateurs à 30 %. Cependant, parmi les électeurs âgés de 50 ans et plus (échantillon total de 647), les libéraux détenaient une avance écrasante de 15 points sur le PCC, 44 % à 29 %. Le dernier sondage de la firme Ipsos accordait aussi une avance de 8 points au PLC chez les 55 ans et plus. Il en est de même pour Nanos Research, dont les plus récents chiffres situent les libéraux 14 points devant le PCC parmi les électeurs âgés de 60 ans et plus.
Cela soulève donc la question suivante : pourquoi les Canadiens plus âgés sont-ils soudain plus enclins à soutenir les libéraux de Trudeau que lors des derniers mois ? Comme le dit sagement le principe de parcimonie du rasoir d’Ockham, l’explication la plus simple et la plus évidente est parfois la bonne. D’après le graphique ci-dessus, il semble que le Parti libéral ait commencé à distancer les conservateurs en février, ce qui coïncide avec le fait que de nombreux électeurs âgés au Canada avaient reçu à ce moment-là leur première dose de vaccin.
Au moment d’écrire ces lignes, près de 80 % des Canadiens âgés de 70 à 79 ans et 87 % des Canadiens de plus de 80 ans avaient eu au moins une première injection, selon l’Agence de la santé publique du Canada. Après le lent départ de sa campagne de vaccination en février, le Canada fait maintenant partie des pays qui immunisent le plus rapidement au monde, et il n’est devancé que par le Royaume-Uni et les États-Unis parmi les membres du G7 quant au pourcentage de la population vaccinée.
En analysant les sondages actuels, nous pouvons certainement comprendre à quel point des élections fédérales printanières devaient être tentantes pour les stratèges libéraux. La troisième vague du virus, qui frappe encore plusieurs régions du pays, aura sans doute fermé la porte à un scrutin en mai ou en juin (et c’est probablement pour le mieux).
Les Libéraux ont ramené l’àge normal pour la prise de la retraite de 67 à 65 ans. Ils ont augmenté la Sécurité de la Vieillesse de 1 000 $/an. Ils vont verser, en 2022, 750 $ au plus que 75 ans, et cette augmentation va se maintenir par après. Et personne ne mentionne l’éléphant blanc dans la pièce – qui va payer pour tout ça?
@ Jean-Marie Brideau,
En économie, il est admis que la croissance est le principal facteur du financement des programmes formulés par l’État. Ce qu’il faut observer, c’est l’augmentation des recettes de l’État et le ratio dette/PIB qui garantit la capacité d’un État de pouvoir financer ses dettes.
Selon l’économiste Paul Samuelson, l’État a la responsabilité de la politique budgétaire. Ce qui signifie selon lui : « Favoriser le maintien d’une économie progressive, assurant un degré d’emploi élevé, affranchie de toutes poussées excessives d’inflation ou de déflation »
Lorsqu’on compare le Canada avec des économies du même type, on s’aperçoit que notre pays dispose de marges de manœuvre qui sont supérieures à celles des autres. Les pays champions au niveau des dettes sont les États-Unis et le Japon, cela ne les empêche pas d’emprunter aux meilleurs taux.
L’argument : « Qui va payer pour tout ça? » est répété inlassablement de décennies en décennies. Les dettes augmentent constamment mais elles trouvent finalement toujours un financement.
J’aimerais enfin rappeler qu’un des facteurs d’accroissement des dettes est imputable à l’inflation et à la « libre concurrence » qui n’est pas si libre que ça ! En sorte que le coût des certains services ont tendance à augmenter plus vite que l’inflation de par leur rareté. En somme, on ne peut avoir et le beurre et l’argent du beurre. Il n’est pas contraire à l’éthique que ceux qui ont le plus payent équitablement plus.
Ultimement j’aimerais vous poser une simple question : Estimez-vous que le poids des dettes devrait être plus encore supporté par les ménages qui au Canada sont déjà parmi les plus endettés au monde ou si l’État peut mitiger cette endettement en contractant des dettes dans plusieurs champs de compétences et d’applications ?
Enfin, les sommes supplémentaires consenties aux personnes âgées ont pour avantage d’être dépensées dans la communauté. Ce genre de dépenses a un effet multiplicateur indéniable qui a été calculé par John Maynard Keynes. Ce qui disons-le clairement, est plutôt difficile à contester.
M. Drouginsky,
Nous ne sommes plus au point où l’augmentation de la dette future restera en déça de l’augmentation de l’économie.
Autre point que j’aimerais faire par rapport à vos commentaires. Vous me donnez l’impression d’être un adepte du Modern Monetary Theory. Je désapprouve.
@ Cher M. Jean-Marie Brideau,
Merci pour vos commentaires. J’aimerais vous rassurer, je m’efforce de ne pas être adepte de quelques théories quelles qu’elles soient. La théorie monétaire à laquelle vous vous référez n’est à ma connaissance pas appliquée au Canada et je ne la préconise pas.
Cependant vous marquez un bon point, la masse monétaire augmente continuellement. Si cette masse monétaire augmentait peu ou pas comme avec le Bitcoin notamment, la monnaie deviendrait rapidement un objet de spéculation. Ce qui est susceptible d’avoir des conséquences dramatiques pour les épargnants.
Même pour permettre aux contribuables de payer leurs impôts, il y a nécessité d’imprimer de l’argent puisque d’un point de vue macroéconomique, la masse salariale augmente constamment, il en va ainsi des prélèvements.
Comme le nombre des échanges mondiaux n’ont cessé de croitre au fil du temps, il est nécessaire de mettre de l’argent dans le système monétaire, la question est de savoir s’il faut injecter de la monnaie en temps opportun pour soutenir et maintenir la croissance économique conformément aux objectifs ou s’il faut toujours attendre le dernier moment en réduisant la masse monétaire constamment ?
Usuellement la décision d’imprimer des billets revient aux Banques Centrales. La Banque du Canada est reconnue pour sa prudence, elle respecte ses objectifs de maintien d’un taux d’inflation autour de 2%.
Il existe au Canada un déficit structurel qui n’a pas même été supprimé par Stephen Harper (malgré les promesses). Or à moins de couper drastiquement dans tous les programmes pour fin d’obtenir des excédents primaires, la seule façon d’éliminer ce genre de déficits consiste à augmenter les taxes et les impôts. Les conservateurs sont toujours en faveur des baisses d’impôts. Trouvez l’erreur !
Actuellement, la plus grande part du déficit canadien est conjoncturelle, il s’éliminera progressivement avec le retour à des activités plus normales, même Erin O’Toole est d’accord avec cela. Je ne suis ni un idéologue, ni un théoricien, je m’en tiens tout simplement aux faits.
J’ai toujours estimé que la meilleure opportunité pour les libéraux pour rester au pouvoir, c’était la vaccination. Suivant que cette opération soit un succès ou bien un échec. Les faits semblent pour le moment établir que ce devrait être un succès. Ce succès donne une longueur d’avance pour eux de rester au pouvoir.
Ce qui signifie qu’il ne devrait pas y avoir d’élections avant l’automne et même rien ne permet d’exclure que ce parti puisse être encore au pouvoir l’an prochain. Le temps travaille pour les libéraux.
C’est probablement ce qui devrait rendre la prochaine campagne électorale intéressante puisque tous les partis devraient pouvoir présenter un programme solide pour obtenir la balance du pouvoir, ou pour prendre la place de ce parti majoritairement ou minoritairement.
Selon moi, ce sont les enjeux qui mobilisent les électeurs, comme on a pu le voir lors des dernières élections américaines. Quand les gens se sentent vraiment concernés. Ils vont voter.
Prétendre que le parti libéral va remporter les élection basé simplement sur le fait que la vaccination est ou sera un succès est simplet au plus haut point
Je suis du même avis que vous. La vaccination sera la clé du (maintien au) pouvoir des partis actuellement élus.
Je puis me tromper (nul n’est infaillible en la matière), mais selon ce que je perçois, les divers premiers ministres au Canada devront leur prochaine réélection (ou défaite) au succès (ou à l’échec) de leur campagne respective de vaccination. À titre d’exemple, si cette campagne demeure bien rodée au Québec, François Legault sera vraisemblablement réélu. Je ne saurais toutefois en dire autant de Jason Kenney en Alberta.