L’auteur a travaillé pendant près de 20 ans sur la colline parlementaire à Ottawa, notamment à titre d’attaché de presse principal de Jack Layton, de secrétaire principal de Thomas Mulcair, puis comme directeur national du NPD. En plus d’agir en tant que commentateur et analyste politique, il est président de la Fondation Douglas-Coldwell et président de Traxxion Stratégies.
Après des mois de conjectures et de tergiversations, au cours desquels le premier ministre a lui-même affirmé qu’il n’était pas question d’élections avant la fin de la pandémie, nous y voici. La gouverneure générale, Mary Simon, a ignoré la demande du chef du NPD, Jagmeet Singh, qui lui enjoignait de refuser à Justin Trudeau la dissolution du Parlement (le contraire aurait été très surprenant).
La campagne électorale est bel et bien lancée, n’en déplaise aux Canadiens qui s’en seraient bien passés. Sauf que de penser qu’ils en tiendront rigueur au premier ministre relève probablement de la politique-fiction. Les sondages montrent toujours que les électeurs ne veulent pas d’élections, de toute façon.
Depuis des semaines pourtant, les partis d’opposition ne cessent de répéter que nous ne devrions pas avoir d’élections en pleine pandémie, que c’est irresponsable. Ce n’est pas qu’ils aient tort, surtout compte tenu du fait que le gouvernement de Justin Trudeau a remporté chaque vote de confiance auquel il a fait face à la Chambre des communes. Le gouvernement libéral a pu faire cheminer son programme politique et faire adopter les mesures qu’il voulait vraiment mettre en place, malgré son statut minoritaire. Il aurait pu continuer.
La raison invoquée par le premier ministre est que nous vivons un moment historique et qu’il faut déterminer la route à suivre pour l’après-COVID. « Lors des élections de 2019, nous n’avons pas demandé aux Canadiens comment gérer une pandémie. » Un gouvernement est pourtant élu pour parer à toute éventualité. Si Justin Trudeau avait obtenu une majorité en 2019, aurait-il quand même déclenché des élections à ce moment-ci ? Poser la question, c’est y répondre.
Il est plutôt rare de voir une réaction négative généralisée à des élections anticipées. David Peterson en Ontario et Pauline Marois au Québec viennent à l’esprit. Leur sort prouve que des gouvernements qui vont aux urnes trop tôt, sans raison valable, peuvent parfois payer un prix lourd. La tentation est donc forte pour les adversaires de continuer à parler d’élections inutiles et dangereuses, au milieu de la quatrième vague.
Mais pendant que les partis d’opposition se plaignent des motivations et des ambitions de Justin Trudeau, ils gaspillent tous un temps précieux qu’ils pourraient consacrer à l’imposition de la trame narrative de la campagne. Des tentatives semblables ont été faites par les partis d’opposition provinciaux ces derniers mois, en vain. Même si chaque scrutin pandémique est un pari risqué, les électeurs ne sont pas majoritairement choqués par un déclenchement hâtif. Ça n’a donc pas été un problème pour le premier ministre Horgan en Colombie-Britannique ou le premier ministre Higgs au Nouveau-Brunswick, qui ont relevé le défi de passer de gouvernement minoritaire à gouvernement majoritaire en pleine pandémie.
Cependant, les choses pourraient tourner au vinaigre pour Trudeau, par exemple si le variant Delta faisait des ravages. Ainsi, le premier ministre Andrew Furey, à Terre-Neuve-et-Labrador, a vu son avance fondre au cours d’une campagne marquée par une explosion de cas de COVID-19 dans une province qui avait été jusque-là remarquablement épargnée par le virus. Des candidats ont dû s’isoler après avoir été exposés, certains ont été déclarés positifs, le personnel électoral ne voulait pas se présenter au travail… Le vote en personne a été annulé, la date limite pour l’envoi des bulletins de vote par courrier a été reportée à de nombreuses reprises. Le fouillis total. Furey a vu ses libéraux perdre près de 20 points pendant la campagne, passant de 65 % d’appuis au déclenchement, selon les sondages, à 48 % le jour du scrutin. Les libéraux ont tout de même été réélus.
Mais, contrairement à Furey, Justin Trudeau n’a pas le luxe de pouvoir perdre 20 points. Ce qui explique probablement pourquoi les ministres libéraux visent déjà à faire porter le chapeau aux provinces, principalement Jason Kenney et Doug Ford, les premiers ministres conservateurs de l’Alberta et l’Ontario, si jamais les choses dérapaient pendant la campagne. Difficile d’imputer au fédéral une quatrième vague qui se répandrait dans les écoles, de compétence provinciale, n’est-ce pas ?
Les chefs de l’opposition peuvent bien continuer à essayer de démontrer la folie de ces élections pandémiques, il y a de fortes probabilités que cela ne fonctionne pas. Erin O’Toole attaque Trudeau en disant que ce scrutin est un jeu politique, un projet égocentrique du premier ministre. Le bloquiste Yves-François Blanchet répète que Trudeau est le seul qui veut de ces élections irresponsables et dangereuses. Pour éviter un scrutin inutile, Jagmeet Singh, du NPD, a ouvertement proposé de soutenir le gouvernement pendant la pandémie, détruisant l’argument de Trudeau selon lequel le Parlement est dysfonctionnel.
Le problème ? Depuis des semaines, ces trois chefs politiques étalent leurs arguments contre des élections tout en faisant eux-mêmes campagne ! Pour l’électeur moyen, il y a une dissonance à les voir se plaindre aux côtés de candidats locaux, annonçant des politiques. Le NPD a même déposé toute sa plateforme électorale avant le coup d’envoi ! Aucun d’entre eux ne souhaite un scrutin pandémique, mais ils sont tous en campagne ? Pendant ce temps, Trudeau était en vacances jusqu’au déclenchement, évitant ainsi de parler lui-même de ces élections.
Maintenant que le départ est sonné, les électeurs oublieront rapidement tout le bruit autour du déclenchement et réfléchiront à la direction à prendre pour l’après-pandémie. Les citoyens ne veulent pas savoir pourquoi il y a des élections, mais bien ce que l’avenir leur réserve. Plus tôt les chefs de l’opposition passeront eux aussi à autre chose, plus il sera difficile pour Trudeau de contrôler la trame narrative de cette campagne.
Il est possible que les électeurs punissent Trudeau pour son arrogance à vouloir arracher à la population traumatisée par la pandémie un gouvernement « majoritaire ». Celui-ci n’obtiendrait guère plus de 40 % des votes et encore. Déjà, Trudeau mérite une correction pour avoir renié sa promesse de la réforme du scrutin.
Par ailleurs, l’auteur écrit : « Le problème ? Depuis des semaines, ces trois chefs politiques étalent leurs arguments contre des élections tout en faisant eux-mêmes campagne ! »
Même si on ne veut pas la guerre, mais qu’on voit qu’elle se profile à l’horizon, on se prépare. Il n’y a pas de « problème » ; il serait irresponsable d’agir autrement.
Aussi : « Les citoyens ne veulent pas savoir pourquoi il y a des élections, mais bien ce que l’avenir leur réserve. » Il est tout de même pertinent de savoir pour quel genre de politicien on vote : quelqu’un qui place l’intérêt de la population avant le sien ou quelqu’un, comme Trudeau, qui ne voit que le sien propre et celui de son parti.
Il manque un élément important à ce texte: le fait que le gouvernement Trudeau viole la loi qui veut que les élections fédérales aient lieu à dates fixes aux 4 ans. On peut déroger à la loi en cas de perte de confiance du Parlement, d’un vote de défiance, mais ce n’est pas le cas, loin de là, deux partis d’opposition, le Bloc et le NPD appuient le gouvernement libéral à tour de rôle et personne dans ces deux partis ne parlait de défiance, au contraire.
Cette élection est donc une fraude illégale pour le seul but de donner une majorité à un PM qui voudrait bien agir comme un petit dictateur pendant 4 ans, sans avoir de consensus. N’oubliez pas qu’avec l’appui d’un parti d’opposition, il gouvernait avec plus ou moins 50% de la faveur de l’électorat, voire de la majorité, alors que ce qu’il cherche c’est une fausse «majorité» avec seulement 40% des voix… C’est difficile d’être plus anti-démocratique que ça.
La fourberie des libéraux est claire: d’une part ils promettent le vote proportionnel. Aussitôt au pouvoir ils renient leur promesse puis, un peu plus tard, ils déclenchent des élections à grand frais pour les contribuables pour se donner une majorité qu’ils dénonçaient quand ils ont promis la proportionnelle. C’est difficile d’être plus fourbe et cynique que ça. Ils ne méritent certainement pas cette majorité convoitée d’une manière aussi flagrante.