Les citoyens qui s’estiment lésés par l’interdiction de ports de signes religieux dans l’exercice de certaines professions n’ont pas attendu de voir si Justin Trudeau serait reporté au pouvoir pour s’adresser aux tribunaux.
À la cause déjà inscrite au rôle de la Cour supérieure du Québec viendront presque certainement s’ajouter d’autres contestations.
Nonobstant les efforts du gouvernement de François Legault pour bétonner la loi 21, elle n’est pas à tout épreuve.
La clause dérogatoire de la Constitution est un bouclier contre des attaques fondées sur la Charte des droits et libertés, pas une armure constitutionnelle.
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Ce n’est pas d’hier ou de l’entrée en vigueur de la Charte dans les années 80 que des lois provinciales et fédérales ont été portées avec succès à l’attention des tribunaux au Canada.
Parmi les lois qui ont, au fil du temps, été invalidées parce qu’outrepassant les compétences du Québec, certaines avaient même été adoptées à l’unanimité de l’Assemblée nationale.
C’est le cas, par exemple, de la loi du cadenas de Maurice Duplessis qui permettait à l’État québécois de sévir, entre autres, contre les communistes, les syndicats et les Témoins de Jéhovah.
Si le jugement des parlements devait être considéré comme infaillible, l’avortement et l’aide médicale à mourir seraient toujours assujettis au Code criminel. Dans ces deux cas comme dans beaucoup d’autres, ce sont les tribunaux qui ont forcé la main du gouvernement fédéral.
Cela dit, le fait qu’Ottawa s’associe à la contestation juridique d’une loi provinciale n’est pas garante de victoire pour ceux auxquels il s’allie.
Il y a quelques années, on a fait grand cas de la décision du gouvernement de Stephen Harper de se joindre à des militants anglo-québécois pour contester la loi 99 sur l’autodétermination du Québec.
Adoptée sous le gouvernement de Lucien Bouchard en réponse à la loi fédérale sur la clarté référendaire, elle visait à réaffirmer le pouvoir de l’Assemblée nationale de déterminer les règles de la démarche d’accession du Québec à la souveraineté.
Malgré les renforts fédéraux, la Cour supérieure du Québec a donné raison au gouvernement québécois sur toute la ligne.
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Il n’y a rien d’inusité à ce qu’un gouvernement fédéral ou provincial intervienne dans des contestations qui mettent directement ou indirectement en cause ses lois ou ses compétences constitutionnelles.
Sur la foi de ce principe, il arrive même que des gouvernements s’associent à des contestations qui visent des lois dont ils appuient les intentions.
Ainsi, le gouvernement Legault a décidé, plus tôt cette année, de se joindre à la bataille juridique des provinces conservatrices contre le cadre de lutte aux changements climatiques de Justin Trudeau.
Même si la taxe fédérale sur le carbone n’est pas en vigueur au Québec et que le premier ministre Legault est foncièrement d’accord avec les objectifs du gouvernement fédéral, la manière dont Ottawa s’y prend lui semble ouvrir la porte à des empiètements dans un ou des champs de compétence québécoise. Cette décision ne fait pas de M. Legault un climato-sceptique.
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Depuis le début de la campagne électorale, le chef conservateur Andrew Scheer promet que s’il devient premier ministre, son gouvernement n’interviendra dans aucune des contestations actuelles ou à venir de la loi 21.
Si le passé conservateur est garant de l’avenir, sa pensée pourrait évoluer dans le sens d’une intervention une fois au pouvoir.
Comme député réformiste, Stephen Harper défendait la règle du 50% plus un pour enclencher le processus d’accession du Québec à la souveraineté, une position qu’il n’a pas reniée explicitement par la suite.
Mais comme premier ministre lors de la contestation de la loi 99, il a néanmoins défendu la loi sur la clarté, y compris la discrétion qu’elle accorde au gouvernement fédéral pour déterminer ce qui serait un appui référendaire suffisant pour ouvrir des négociations sur l’indépendance du Québec.
Parmi les arguments que pourraient faire valoir d’éventuels contestataires de la loi 21, il y a celui qui voudrait que la religion soit une compétence fédérale ou tout au moins une compétence partagée et que par le fait même, l’interdiction de port de signes religieux de la loi 21 soit inconstitutionnelle.
Le précédent gouvernement conservateur se voyait tellement comme un champion de la protection des minorités religieuses qu’il avait créé un office dédié à cette cause. Et M. Scheer lui-même est issu de la droite religieuse.
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De son côté, le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, affirme que la présence d’un fort contingent de bloquistes dans le prochain Parlement aurait un effet dissuasif sur le prochain gouvernement fédéral.
Encore faudrait-il que ce gouvernement soit minoritaire et que le Bloc soit investi de la balance du pouvoir. Mais même si ces deux conditions étaient réunies, le parti souverainiste n’aurait pas pour autant les moyens de ses ambitions.
Dans un premier temps, la décision d’intervenir ou non dans un examen juridique comme celui de la loi 21 ne requiert pas l’approbation de la Chambre des communes.
Pour empêcher un éventuel gouvernement libéral d’intervenir dans le dossier de la loi 21, le Bloc ne disposerait, dans un Parlement minoritaire, que de l’arme nucléaire d’une motion de censure vouée à faire tomber le gouvernement.
Et même dans ce scénario, il faudrait encore que suffisamment de députés d’opposition, néo-démocrates, conservateurs ou verts, soient partants pour provoquer des élections générales au nom d’une loi québécoise qu’ils réprouvent.
Rien n’est moins certain.
Comment pourrait-il exister une loi, même prétendue constitutionnelle, donnant le pas à une déclaration de droits, sur les pouvoirs constitués, en démocratie? Car, en démocratie, c’est le peuple qui fait la loi, pas l’incarnation d’un quelconque impératif catégorique, au risque de faire sombrer l’État dans l’anarchie, au gré des interprétations subjectives dudit « impératif »…
C’est pourquoi, ni les U.S.A, ni le Royaume-Uni, ni l’Australie, ni la Nouvelle-Zélande, ni même la constitution de la France de la IIIe République, ne possèdent de déclaration de droits antérieures aux articles organiques établissant le fonctionnement du pouvoir. De sorte qu’au Canada, puisque c’est la loi de 1867 qui organise la distribution du pouvoir, entre palier fédéral et provincial, distribution qui n’a pas été amendée en 1982, alors, en tout état de cause, la charte des droits et libertés ne devraient s’appliquer qu’au palier fédéral, en bonne logique. Certes, à ce sujet, les idiots utiles de la Cour Suprême ont erré. C’est pourquoi, pour parer à l’imbécillité des juges fédéraux, le Québec devrait, au début de chaque législature, couvrir tous ses actes de la clause dérogatoire, afin d’informer le Canada, qu’au Québec, en ses domaines de compétences, c’est la volonté des citoyens québécois qui fait la loi, pas celle de Wesmount, ni celle du West Island, ni, encore moins, celle du Bonhomme Trudeau!
Monsieur, la Charte canadienne s’applique uniquement au Gouvernement fédéral et à ses « créatures ». Notez que les créatures fédérales incluent les Gouvernements provinciaux et les créatures de ces derniers. Fac…
Ouais, que de foutaises. L’Acte constitutionnel de 1867, inclut en 1982 lors du rappariement de l’acte constitutionnel, permet selon celui-ci d’invalider toute loi provinciale dans les deux années suivant son adoption par une législature provinciale – peu importe la province – si cette loi est « considérée » comme une atteinte aux principes du « bon gouvernement, et l’intérêt du Canada – dans son ensemble ».
Cet article reprend ce qui était commun sous l’empire britannique, soit: que le Secrétaire aux colonies pouvait en tout temps invalider – séance tenante et de son propre chef – toute loi qu’il jugeait contraire aux intérêts de l’Empire.
Depuis 1967, environ 130 lois provinciales furent invalidées séance tenante par le gouvernement fédéral (GV-F) (période 1867-1943). Dans l’après-guerre cette option de GV-F ne fut guère utilisée – le GV-F privilégiant enrichir les copains avocats tout en faisant de beaucoup de blas blas inutiles – style la patente à Dion sur la clairette référendaire.
Lors des tentatives de modifications de l’Acte constitutionnel par Brian Mulroney, celui-ci proposait d’abolir cette particularité des pouvoirs du « Secrétaire aux colonies » qui était maintenant celui du GV-F. Les provinces refusèrent le « deal » arguant que depuis 1943 le GV-F ne l’avait pas utilisé…
Ouais, de ouais… Cette prérogative du GV-F existe encore, a encore force de loi, fait encore partie de la Constitution… Conséquemment, le GV-F peut en tout temps et comme bon lui semble se prévaloir de cet article. Aucun tribunal – soit-il nommé Cour suprême du Canada – ne peut rien y faire: la Loi, c’est la loi, et la Loi est dure ». Pire, là, c’est la Constitution elle-même qui le permet… Fac, que les pleurnicheurs se le tiennent comme « dit et savoir ».
Heureusement, nous avons une gang de guignols incultes qui nous « dirigent ».
Vous donnez des mauvais exemples car les contestations dont vous parlez ne visaient pas des lois qui avaient été couvertes par la clause dérogatoire. Si ma mémoire est bonne, le PQ n’a soustrait la loi 101 à la Charte que pendant les premiers 5 ans, par la suite je ne crois pas qu’il ait recouru de nouveau à la clause dérogatoire.
Les restrictions aux droits individuels sont possibles s’ils sont justifiés dans une société libre et démocratique. Or, les tribunaux européens se sont penchés sur des lois beaucoup plus restrictives quant au port de vêtements ou signes religieux, lois qu’on disait entraver la liberté religieuse ou d’expression et ont validé ces lois. Dans ce contexte si la Cour suprême du Canada finissait par invalider la loi 21, elle ferait bande à part de plusieurs autres pays dits libres et démocratiques. Il faudrait aussi qu’elle passe outre à la clause dérogatoire.
Enfin, la question importante est de savoir si un état peut ou doit protéger sa neutralité, sa laïcité, dans les fonctions où les représentants de l’état pourraient aussi afficher leur convictions religieuses. En cas de conflits de droits, comme c’est le cas ici (et dans les dossiers des cours européennes) y a-t-il des droits qui prévalent sur d’autres ? Est-ce que les droits collectifs valent plus ou moins que les droits individuels ? Est-ce que le fait de porter un signe ostentatoire est un ingrédient essentiel de l’appartenance à une religion ou est-ce une pratique individuelle ou celle d’un groupe en particulier ? Le port de signes ostentatoires peut-il être considéré comme du prosélytisme religieux ?
Il faut tenir compte du fait que la loi 21 a de la compagnie dans le monde occidental, dans les sociétés dites libres et démocratiques, et que sa contestation pourrait s’avérer difficile. D’autre part, si la Cour suprême du Canada valide la loi 21, est-ce que cela pourrait avoir un effet d’entraînement dans les autres provinces et territoires ? Comme on peut le voir, il y a loin de la coupe aux lèvres pour les contestataires !
Bien que je ne saurais jouer les experts. Il m’a semblé comprendre que dans tout dispositif législatif, tout ce qui est fait peut toujours être défait en sorte que toute loi peut toujours être amendée, abrogée ou mise à l’index. En ce sens, c’est le temps qui fait son ouvrage. Un changement de gouvernement provincial pourra ou pourrait très bien changer la loi 21 ou tout simplement décider de ne pas l’appliquer dans certains domaines.
Par exemple : laisser aux commissions scolaires ou même au cas par cas, le soin aux établissements de décider s’ils doivent ou bien pas, interdire le port de foulards… pour autant que le port d’un foulard soit un signe explicite d’une pratique religieuse ou d’une quelconque foi….
À cet effet d’ailleurs la loi 21 me confond, soit en raison de mon ignorance de ce qui constitue un signe religieux, soit parce que les législateurs qui en principe légifèrent en mon nom (en tant que composante bien médiocre du peuple), ne savent pas plus que moi ce qu’est un signe religieux. Certains codes gestuels invisibles sont quelquefois des signes religieux bien plus puissants, contre lesquels les lois ne peuvent rien. « Urbi et orbi ».
Ainsi, celles ou ceux qui veulent inviter la loi 21 dans la campagne fédérale et par là-même impliquer les postulant.e.s au poste de premie(è)r.e ministre le font — selon ma compréhension des faits — essentiellement à des fins partisanes et non spécifiquement au nom du droit du peuple à se gouverner (lui-même) par le truchement d’élus qui ne sont pour la plupart jamais élus majoritairement.
Quoiqu’il en soit, je trouve dommage que le Québec se paye le luxe de perdre de bons éléments pour des questions vestimentaires. Je ne vois pas grand-chose dans tout cela qui révèle des dispositions qui plaisent à toute forme bien faite d’un ordre laïc et républicain dans la province du Québec. Si ce n’est que ceux qui ont le verbe haut sont généralement plus entendus que ceux qui parlent à voix basse ou restent muets.
M. Drouginsky,
malgré le respect que je vous dois, je ne vois pas votre dernier paragraphe sous le même œil que vous. En ce sens que , selon moi, ce n’est pas le Québec qui se paye le luxe de perdre de bons éléments pour des questions vestimentaires, mais plutôt ces ¨bons éléments¨ qui, au nom de leur croyance, ne veulent pas, sur une base très temporaire, mettre de côté la représentation ¨visuelle¨ de leurs convictions religieuses. Car disons le clairement, on ne parle pas ici de ¨juste un vêtement banal¨, on parle bien d’un vêtement représentatif et très explicite. Selon moi, une foi, une croyance doit d’abord et avant tout se vivre intérieurement, et non s’exposer tel un ¨m’as-tu vu¨, tels les ¨sépulcres blanchis¨ dont parlait le Christ dans les évangiles.
Mes respects.
Trudeau attend d’ être réélu pour détruire le Québec par la suite!.
Chantal Hébert se donne à toute une gymnastique intellectuelle pour réunir deux sujets aussi éloignés qu’une contestation judiciaire et le pouvoir de l’opposition dans une situation d’un gouvernement minoritaire. Et c’est ainsi qu’on apprend par la plume de madame que les Témoins de Jéhovah étaient de fidèles communistes étant donné que la loi du « cadenas » visait uniquement les bolcheviques et les communistes.
Je crains que la Loi 21 ne vienne troubler la campagne 2019 – une Loi inutile car pas nécessaire – on ne légifère pas les croyances religieuses – trop intrusive. Si le problème est migratoire, l’avenue est une Loi sur l’immigration, pas sur des croyances religieuses.
Pourquoi donner des munitions à un parti provincialiste (lire séparatiste) qui, pour une raison inconnue, a reçu une reconnaissance nationale (au sens canadien du mot) par le DGE fédéral?
Une démocratie à 2 vitesses! Quel gâchis!
Oh que oui, le religieux se légifère, comme tout comportement humain en fait.
Si je dis que je suis membre d’une secte athée de nudiste qui croit fondamentalement en l’éducation sexuelle des jeunes enfants par des adultes lors de cérémonies religieuses en vase clos. Ou bien si je te dis que je suis un fanatique de ma religion dont le dieu a supposément dit (à quelques favoris seulement) que la domination du mâle sur les femelles est dans la nature des choses et que rien ne peut changer cela. Vas-tu encore dire que le religieux ne se légifère pas ?
La loi 21 a été faite pour éviter ça et je ne souhaite qu’une chose; c’est que si jamais PET Trudeau junior s’en prend à cette loi, j’espère que tout le Québec va se lever et faire voir à ce guignole que son multiculturalisme et sa ¨post-nation¨ canadienne ne passent tout simplement pas au Québec.
Comme tu peux voir, je suis séparatiste, indépendantiste et nationaliste québécois car je crois que notre Québec a tout ce qu’il faut pour être une grande nation, un grand pays, même plus que le Canada qui veut juste nous voir disparaître avec l’aide de gens comme toi peut-être.
Je ne suis pas fan de Justin Trudeau, j’ai toujours en travers de la gorge TMX et la non-réforme du mode de scrutin, mais franchement j’en suis a me dire que les soit-disant nationalistes québécois le méritent bien…