Depuis la formation du Parti populaire du Canada (PPC) en septembre dernier, son chef, Maxime Bernier, dit à qui veut l’entendre qu’il s’agit du seul «vrai parti de droite» du pays. Un parti plus conservateur, même, que le Parti conservateur.
Il n’est donc pas étonnant que ses propos trouvent échos auprès de groupes flirtant avec l’extrême droite. Et ce, même si l’homme politique veille à rester prudent et à se dissocier publiquement de toute idéologie extrême.
Il n’en demeure pas moins que le discours, les codes et les images que Bernier et ses candidats véhiculent sur les réseaux sociaux ou en entrevue, racontent, eux, une toute autre histoire, peignant un portrait beaucoup moins modéré du nouveau parti politique.
On l’a vu pas plus tard qu’hier, notamment, quand le chef politique a qualifié l’avortement tardif d’«infanticide» et de «meurtre» (alors qu’il s’est toujours présenté comme un défenseur des libertés individuelles). Et qu’il a profité de son enfilade de tweets pour rappeler qu’il n’y avait «pas de sujets tabous au PPC».
4/ Pensent-ils tous que ces meurtres sont moralement défendables?
La majorité des Canadiens acceptent l’avortement durant les premiers mois de grossesse mais souhaitent qu’on l’encadre au dernier trimestre.
La question n’est pas réglée. Et il n’y a pas de sujets tabous au PPC.
— Maxime Bernier (@MaximeBernier) May 28, 2019
Le chef du PPC veut ratisser à sa droite. Il sait donc trouver les mots pour interpeller les groupes les plus extrêmes. Voici quelques exemples.
Le danger de la diversité
L’une des inquiétudes principales des groupes identitaires, d’extrême droite et des nationalistes blancs? La préservation des valeurs canadiennes de souche, attaquées, selon eux, par le multiculturalisme et les immigrants qui refusent de s’intégrer.
Dans ces groupes on parle sans cesse «d’attaques», «d’assaut», de «destruction» et d’«abus» du peuple canadien. Des termes qui appellent à la méfiance et à la peur. Des mèmes et des discussions à ce sujet sont publiés quotidiennement.

Bernier utilise régulièrement le même champ lexical alarmiste. «Nous devons nous opposer à ces folies politiquement correctes qui détruisent notre société et notre culture», déclarait le chef du PPC à l’occasion d’une conférence à Calgary en octobre 2018.
Il martèle que le Canada souffre d’un «culte de la diversité». Il affirmait d’ailleurs en août dernier que «les partisans radicaux du multiculturalisme voulaient modifier de force le caractère culturel et le tissu social du Canada».
Et le 22 mai, Maxime Bernier relayait le tweet d’Andrew Nelson, un candidat du PPC, qui affirmait que le Canada est «attaqué de l’intérieur» et que Bernier est le seul choix pour «protéger notre mode de vie».
I decided to run in this election because I'm tired of watching our country constantly under attack from within. Maxime Bernier is the only choice I saw to protect our way of life. Help elect the PPC.
— Andrew Nelson – PPC Candidate (@AlbertaPpc) May 23, 2019
Un mème d’extrême droite
Il y a aussi la fameuse histoire de la Red Pill, qui date de mars 2017, alors que Bernier était candidat à la chefferie du Parti conservateur du Canada. Il avait alors publié un mème tiré du film La matrice. «Vas-tu choisir la pilule rouge?», demandait-il, dans une publication Twitter.
Will you choose the red pill like @Dfildebrandt ? #cdnpoli #ableg pic.twitter.com/m2cjwbo4v7
— Maxime Bernier (@MaximeBernier) March 6, 2017
Comme le rappelle le journaliste Nicholas De Rosa de Tabloïd, le mème et le terme «Red Pill» sont fréquemment (et presque exclusivement) utilisés par des groupes antiféministes et d’extrême droite. Devant la controverse, Bernier s’est défendu, affirmant qu’il ne faisait que faire référence au film.
«Jamais on va dire qu’on a fait une erreur, c’est complètement débile la proportion que ça a pris», avait alors défendu son ancien responsable des communications à La Presse canadienne.
Impossible, évidemment, de vérifier si le chef du PPC ignorait la signification du mème. Une chose est certaine : deux ans plus tard, son tweet original est encore disponible.
Le Pacte sur les migrations de l’ONU
Et puis, il y a aussi la question du Pacte sur les migrations de l’ONU, qui engendre un nombre impressionnant de conspirations et de fausses informations sur les réseaux sociaux.
«[Justin Trudeau] s’apprête à signer (…) un plan de l’ONU pour rendre plus faciles et normales les migrations de masse. Le premier ministre peut-il nous dire s’il croit toujours que le Canada est un pays souverain qui doit protéger ses frontières et son identité?», demandait Bernier en novembre dernier.

Une question qui peint un portrait bien sombre du pacte et surtout, qui semble s’inspirer des mèmes populistes (et souvent erronés) qui circulaient à la fin de l’année 2018.
«Trudeau se prépare à signer l’accord du Pacte sur la Migration (sic) avec les Nations Unies, qui transférera notre souveraineté canadienne à l’ONU. L’accord prévoit d’accueillir 245 millions d’immigrés au Canada d’ici 2030», pouvait-on lire dans une de ces publications.
La pétition du chef politique pour que le Canada se retire du Pacte de l’ONU a d’ailleurs largement circulé dans les groupes nationalistes.
(Pour l’explication rapide : ce pacte est un accord non contraignant qui ne peut légalement rien imposer aux signataires. L’ONU ne s’accapare pas la souveraineté du Canada.)
Parler l’«internet»

Maxime Bernier ne parle pas d’adversaires, de détracteurs : il parle de trolls. Il ne parle pas d’urgence climatique, il parle plutôt d’«hystérie climatique», qu’il qualifie aussi de «fake», de «mensonge». Quand un politicien libéral ou conservateur exprime sa sympathie et souligne l’anniversaire d’une tragédie qui a touché la communauté asiatique, il parle de «politique ethnique».
Il utilise des mèmes, des caricatures, pour illustrer ses positions controversées. Ce sont des médiums facilement partageables, cliquables, qui circulent plus rapidement que n’importe quel article ou publication.
“The science is settled.” pic.twitter.com/sRxpnWlXzi
— Maxime Bernier (@MaximeBernier) May 20, 2019
Ses lignes directrices sont des références directes aux forums de discussion de la droite radicalisée. Forums où l’on craint un règne du mondialisme, où les règlements encadrant les discours haineux sont considérés comme de la censure et où l’on prône le droit de posséder une arme à feu.

On ne pourra sans doute jamais confirmer si ces références sont des clins d’oeil volontaires à l’extrême droite. Ce qu’on sait en revanche, c’est que Bernier connaît bien ses revendications et les manières de les diffuser.
Et que ces groupes radicaux répondent à l’appel.
Il ne faut surtout pas sous-estimer ces groupes et ces politiciens car il y a une part de vérité dans ce qu’ils prônent. Depuis des décennies les gouvernements successifs, qu’ils soient libéraux ou conservateurs, ont eu des politiques d’immigration qui laissaient tomber les immigrants après qu’ils arrivaient au pays. Il y a eu peu d’efforts d’intégration et on a laissé se créer des ghettos ethniques dans les grandes villes alors que les régions ont un besoin criant de main d’œuvre mais on n’encourage pas les nouveaux venus à s’y établir et à apprendre la langue locale. Ce « free for all » rend les immigrants très vulnérables et victimes de ces groupes d’extrême droite car il est facile de casser du sucre sur leur dos alors qu’ils ne sont aucunement responsables de cette situation.
Puis, il est facile de généraliser les politiciens qui en sont responsables en les taxant de gauchistes car, étant de l’extrême droite, tout le reste est à leur gauche… C’est une bonne vieille tactique fasciste que de déshumaniser les opposants à leur idéologie ce qui mène souvent à des dérapages incontrôlables.
Si Bernier est le seul politicien à dire qu’un avortement au dernier terme est un infanticide et un meurtre, il sera en avance sur les autres. Mais, il a encore du chemin à faire. L’avortement est un infanticide et un meurtre point à la ligne. Il faudrait mettre ça dans la constitution. Ceci dit, une femme qui veut se faire avorter, a, et devrait, parfaitement avoir le droit de le faire. S’il y a un plan pour que le Canada reçoive 275 millions d’immigrants d’ici 2030, moi je suis parfaitement en accord avec ça. Si Bernier est contre, il y a des choses qu’il n’a pas compris. La libéralisation des armes à feux? Pourquoi pas? Peut-être pas les mitraillettes à 4 balles à la seconde; mais les armes de point? Pourquoi pas? Bernier à encore de chemin à faire. Mais, il n’est pas le seul. N’est-ce pas ? ….
Par souci d’équité et d’équilibre il faudrait faire le même exercice sur le flirt entre un certain parti de gauche (qui l’a facile dans les médias, sauf chez Quebecor) et l’extrême gauche. Quand j’entendais Amir Khadir banaliser les émeutes et le vandalisme pendant les grèves étudiantes de 2012 (qu’est-ce que ça peut bien faire comparé à la corruption libérale? demandait-il) ou refuser de condamner les vandales cagoulés qui s’en prennent à des commerçants au nom de la lutte à l’«embourgeoisement», il y a de quoi se poser des questions me semble-t-il.