Le Québec risque de se « louisianiser » s’il ne parvient pas à rapatrier tous les pouvoirs du gouvernement fédéral en matière d’immigration, a prévenu le premier ministre François Legault.
Si ce pronostic n’a pas fait l’unanimité, il reste que la question de l’immigration et de la langue française est complexe. D’importantes nuances sont de mise dans cet épineux débat. De plus, les détails des demandes du Québec à cet égard devront être soigneusement étudiés. Ce qui n’a pas empêché le chef de la Coalition Avenir Québec (CAQ) de soulever cet enjeu à quatre mois des élections générales.
Or, le dernier sondage de la maison Recherche Mainstreet révèle que les Québécois sont très partagés sur ce sujet. Des divisions à la fois générationnelles et partisanes apparaissent.
À la question : « Le gouvernement Legault désire rapatrier des pouvoirs du fédéral en matière d’immigration. Il affirme que c’est une question de survie pour la langue au Québec. Êtes-vous d’accord avec ce constat ? », globalement, les répondants sont divisés en parts presque égales : 52 % se disent d’accord avec le premier ministre (dont 31 % entièrement d’accord), contre 48 % qui sont en désaccord (dont 26 % entièrement en désaccord).
En ventilant les résultats par tranches d’âge, nous remarquons un escalier générationnel croissant. Les jeunes électeurs (18-34 ans) sont en désaccord avec le premier ministre dans une proportion de deux pour un, soit 33 % d’accord contre 67 % en désaccord.
Toutefois, chez les électeurs plus âgés (65 ans et plus), tranche démographique où la CAQ fait particulièrement bonne figure dans les intentions de vote, une majorité claire de répondants (63 %) sont d’accord avec les efforts de rapatriement de pouvoirs du fédéral.
Ce même sondage de Recherche Mainstreet avait aussi mesuré les intentions de vote des répondants en vue des élections d’octobre prochain (voir les résultats du sondage et mon analyse dans cette chronique). Or, lorsque nous classons selon les intentions de vote des répondants les résultats de la question sur les pouvoirs en matière d’immigration, nous observons quelques tendances intéressantes :
Sans surprise, une majorité d’électeurs caquistes sont d’accord avec le constat de leur chef, mais il n’y a pas unanimité non plus : 75 % d’entre eux se rangent du côté du premier ministre, alors que 25 % sont en désaccord. Les électeurs du Parti québécois sont du même avis.
Dans l’électorat de Québec solidaire, la question divise : 46 % sont d’accord avec le constat, contre 54 % en désaccord. Finalement, sept électeurs sur dix du Parti conservateur et du Parti libéral sont en désaccord avec le premier ministre sur cet enjeu.
Selon les chiffres présentés dans ce sondage, nous ne pouvons que conclure que, d’un point de vue purement politique, cette chicane programmée avec le fédéral sur les pouvoirs en immigration est une stratégie payante pour François Legault. En effet, coups de sonde des derniers mois sur les intentions de vote montrent que la CAQ profite grandement de l’effondrement des appuis au PQ.
Donc, toute politique pouvant encourager cette tendance — le transfert graduel des votes du PQ vers la CAQ — ne peut qu’être bénéfique électoralement pour François Legault. Le recrutement de candidats ouvertement souverainistes de grande notoriété comme Bernard Drainville et Caroline St-Hilaire s’inscrit aussi dans cette tactique : la victoire écrasante d’octobre vers laquelle la CAQ se dirige passe d’abord et avant tout par l’écroulement puis la récupération du vote péquiste.
Ajoutons à cela une opposition divisée, un Parti libéral au plancher et une formation de gauche, Québec solidaire, qui n’affiche aucune progression nette depuis 2018, et les ingrédients d’une « tempête caquiste parfaite » sont réunis. Reste à voir si la recette demeurera fraîche jusqu’au 3 octobre.
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Ce sondage a été réalisé par la maison Recherche Mainstreet auprès de 1 404 électeurs québécois de 18 ans et plus les 9 et 10 juin 2022. La marge d’erreur de l’échantillon total est de ±3 %, 19 fois sur 20. Vous trouverez le rapport du sondage ici.
c’est bien malheureux que la prochaine élection se jouera sur une tactique et non pas sur du contenu. La planète brule, le système de santé manque cruellement de coordination et de priorisation, les travailleurs et les logements sont en pénuries, nos écoles sont en lambeaux et les corporations de médecins, infirmiers, enseignants se préoccupent plus d’eux que du service a rendre. Nos routes sont dans un très mauvais états, pourtant on veut construire in bi-tube. j’espère juste que les électeurs ne seront pas dupent et verront le jeu de M Legault
L’immigration divise partout sur la planète. Chaque pays, province, état, région, département, etc, a des enjeux différents et tente de bien contrôler l’évolution de sa population sur son territoire.
Malheureusement, on fait aussi de la « petite » politique et cela contribue à cliver la population.
Franchement la « louisianisation » du Québec. Indigne d’un premier ministre qui se rapproche négativement du trumpisme.
Le Québec n’est pas une tribu. Sans avoir les derniers chiffres du recensement national de 2021, il y a probablement environ 6,9 millions de québécois dont la langue parle à la maison est le français (environ 1,0 million de personnes de plus qu’en 2001) et ce, sans compter que les immigrants dont la langue parlée à la maison n’est pas le français vivent aussi en français (école, travail, loisir) à l’extérieur de leur chez soi.
On verse dans le populisme complotiste, dans la théorie du «grand remplacement» de la société et de la langue françaises au Québec.
À soir, on fait peur au monde! Legault mousse la peur des anglophones, le rejet du Canada, le repli défensif à la limite des « Invasions barbares » de la civilisation franco québécoise. C’est un appel insidieux au vote ethnique francophone à l’encontre des anglophones et des immigrants.
Denis Lauzon
Blainville
La question démontre une méconnaissance malheureuse, mais bien commune, du dossier. L’immigration n’est pas une juridiction du fédéral, mais plutôt une compétence partagée selon la Constitution canadienne de 1867. Les provinces et le fédéral peuvent légiférer dans le domaine. Rien à « rapatrier » du fédéral donc.