
Vous qui allez présider aux destinées de la ville de Québec, nourrirez-vous pour elle des ambitions de conquérant ? À la Samuel de Champlain, tiens, puisqu’il sera beaucoup question de lui en 2008 ! Dites-vous bien qu’aucun rêve n’est insensé pour Québec, du moment qu’il alimente la fierté de tous les Québécois.
Votre ville n’a pas besoin de se prendre pour une vieille capitale avec ses ministères logés dans des édifices qu’on appelle bizarrement des « complexes » pour jouir de la considération du monde entier. En fait, elle aurait sans doute meilleure réputation si elle ne se prenait pas pour une capitale du tout ! Et elle n’en serait que mieux estimée par ses détracteurs de la métropole.
Je suis frappé de voir, dans ce numéro spécial de L’actualité, grâce à la plume de mes collègues, à quel point je méconnaissais cette Québec-là, votre ville : dynamique, moderne, entreprenante, ville du monde plutôt que capitale frileuse.
L’année 2008 sera d’ailleurs une magnifique occasion d’affirmer davantage cette nouvelle vocation de ville du monde. Pas moins de 55 chefs d’État ou de gouvernement ayant le français en partage seront à Québec en octobre prochain. Et l’actuel premier ministre du Canada, Stephen Harper, n’est pas de ces ombrageux qui chercheraient à vous mettre des bâtons dans les roues. Au contraire, il a souligné que c’est chez vous que tout a commencé. « Rares sont les villes nord-américaines qui peuvent célébrer un tel passé, a-t-il dit. C’est une date historique pour le Canada tout entier […], car la fondation de Québec marque aussi la fondation de l’État canadien. »
Vous-même et vos concitoyens aurez donc l’occasion de vous tisser un réseau d’amis, qui retourneront sur leurs continents en vantant vos mérites et en se préparant à vous accueillir à leur tour, à l’Unesco ou ailleurs.
Mais pour cela, il faut que votre ville et ses habitants se montrent « recevants », ce qui n’est pas toujours leur plus grande qualité. De grâce, mettez en garde vos animateurs de radio contre la tentation de répéter les erreurs de 1987, lors du premier Sommet de la Francophonie, où ils se sont permis des remarques déplacées sur les « rois nègres » ou les « émirs arabes ».
Et puis, qu’a fait Samuel de Champlain après avoir bâti Québec ? Il s’est rendu à Montréal ! Il faut plus qu’une capitale pour faire un pays, n’est-ce pas ? Nul ne vous demande de céder vos ministères à la métropole, encore qu’il suffise d’une Assemblée nationale et de la résidence officielle d’un premier ministre, si vous y tenez ! pour faire une capitale.
Mais les Québécois, ceux de Montréal et de la Montérégie en particulier, se souviennent encore de cette crise du verglas qu’un quarteron de hauts fonctionnaires prétendait gérer depuis un bureau de Sainte-Foy ! Ils y ont vu le symbole d’une haute fonction publique encore trop souvent retranchée dans ses « complexes » de béton. C’est pourquoi, de temps à autre, ils ne se contentent pas de rire de votre ville. Il leur arrive d’en rire méchamment.
Vous voilà donc premier magistrat de la ville, son ambassadeur et son porte-parole. Comme Champlain, il faut maintenant vous rendre à Montréal ainsi qu’un peu partout ailleurs au Québec et dans le monde. Emmenez avec vous quelques sous-ministres, de jeunes entrepreneurs et certains des artistes qui peuplent si nombreux votre « jeune » capitale. Mettez sur pied votre propre « Équipe Québec », en partenariat avec vos concitoyens du public et ceux du privé. Imaginez-vous ce que cela donnerait si le créateur Robert Lepage et la sous-ministre de la Culture, Christiane Barbe, rencontraient de temps en temps, par hasard, dans un restaurant de Montréal ou le hall d’un hôtel de Laval, la directrice de la Place des Arts, Marie Lavigne. Vous pourriez même créer un Prix de la Ville de Québec, qui consacrerait la réussite du Québécois ayant le plus contribué au rayonnement de la capitale hors de ses remparts !
Tout au long de 2008, Québec accueillera aussi le Congrès eucharistique international et peut-être même le pape Benoît XVI , le Congrès mondial des jeunes, le Championnat mondial de hockey masculin, le concours international de chant Operalia ainsi que de grandes expositions : le monde semble s’être donné rendez-vous à Québec en 2008. Quelle chance vous avez d’en avoir reçu les clefs à ce moment-là !
Le saviez-vous ?
Le général de Gaulle, débarquant à Québec en 1967 : « Mais on est chez soi ici ! Parce que ce que nous faisons ici et là-bas, nous le faisons ensemble ! Nous en avons des choses à faire en ce monde difficile et dangereux où ce qui est français a son rôle à jouer comme toujours. »