La hausse des seuils d’immigration, les enjeux liés aux passages frontaliers irréguliers et l’accueil de réfugiés sont des sujets chauds au Canada depuis plusieurs années déjà. La visite en mars du président américain, Joe Biden, et l’annonce de l’Entente sur les tiers pays sûrs renégociée qui l’a accompagnée auront jeté un flou supplémentaire sur ces questions épineuses.
Le débat autour du chemin Roxham a souffert d’un manque de nuance face à une situation complexe à souhait politiquement, diplomatiquement et humainement. L’efficacité de la nouvelle mouture de l’Entente demeure à prouver, malgré la satisfaction assumée du premier ministre du Canada, Justin Trudeau, et du premier ministre du Québec, François Legault.
Entre l’immigration régulière (ou économique) et l’accueil des réfugiés (un enjeu planétaire), pour le commun des mortels, ces débats restent malgré tout simples : voulons-nous accueillir plus d’immigrants ?
Les réponses à cette question des plus légitimes varient selon les opinions de chacun et, évidemment, selon les intérêts de chaque groupe de la société civile. Une hausse du nombre de travailleurs venus d’ailleurs permettrait de soulager la pénurie de main-d’œuvre, mais une population croissante augmenterait aussi la pression sur les services offerts aux habitants. Tout cela sans compter notre capacité d’accueil et d’intégration, qui serait mise à l’épreuve en fonction du nombre de nouveaux arrivants. En 2022, le Québec a reçu (en dehors des travailleurs temporaires et des étudiants étrangers) près de 63 000 résidents permanents, tandis que le reste du Canada en a accueilli près de 369 000. En proportion, c’est deux à trois fois plus que les États-Unis.
Le dernier sondage nord-américain de la maison Léger, mené dans le cadre de la visite présidentielle américaine à Ottawa, s’est notamment penché sur la perception de l’immigration de part et d’autre de la frontière, et dans chacune des régions des deux pays.
Au Canada, les résultats par provinces ont de quoi combattre certaines idées reçues.
D’abord, à la question « Souhaiteriez-vous que le Canada accepte plus, le même nombre ou moins d’immigrants que par le passé ? », une pluralité de répondants à la grandeur du pays, soit 45 %, ont dit être favorables aux seuils actuels. Seulement 17 % des Canadiens souhaitent accueillir plus d’immigrants, contre 39 % qui croient plutôt que les seuils devraient être réduits.
Par régions, il n’y a que de très faibles variations d’une à une autre. Les Québécois et les Ontariens s’entendent étonnamment comme larrons en foire sur cette question. Les résultats sont statistiquement identiques quant à savoir s’il faudrait plus, autant ou moins d’immigrants.
Partout ailleurs, la proportion de Canadiens désirant que les seuils soient augmentés varie de 15 % dans les Prairies (Manitoba et Saskatchewan) à 21 % en Colombie-Britannique, des écarts bien trop faibles pour être statistiquement significatifs. Il n’y a que sur une réduction du nombre d’immigrants où des écarts — quoique faibles — s’observent un peu plus. Les deux extrémités du pays se démarquent légèrement du reste.
Toutefois, si les découpages régionaux sont quasiment uniformes, il en va autrement des résultats selon les intentions de vote des répondants. Une majorité d’électeurs libéraux et néo-démocrates seraient d’accord pour maintenir les seuils actuels. Et parmi les sympathisants du Parti libéral et du Nouveau Parti démocratique, environ un sur quatre verrait d’un bon œil l’augmentation des seuils actuels d’immigration.
En contraste, les avis sont diamétralement opposés chez les électeurs du Bloc québécois et du Parti conservateur, qui sont majoritairement favorables à une réduction des seuils. Seulement 10 % des répondants qui appuient ces formations expriment le désir d’accueillir plus d’immigrants au pays.
Sans croire pour autant que l’immigration sera la « question de l’urne » lors du prochain scrutin fédéral, se pourrait-il que cet enjeu puisse créer des divisions au sein du mouvement conservateur ? Serait-ce le point de clivage du PLC afin de semer la discorde chez son adversaire principal ? Près de la moitié de ces électeurs s’opposeraient à une réduction du nombre d’immigrants reçus. Une division semblable s’observe chez les troupes bloquistes, tandis que la question divise moins dans les deux autres partis.
Car même les critiques les plus raisonnées sur les niveaux d’immigration exposent leurs auteurs à des accusations de racisme ou de xénophobie. Si les chefs de parti montrent généralement plus de retenue et de prudence dans leurs propos, nous ne pouvons pas en dire autant de tous les députés et candidats. Et ceux-ci pourraient faire mal paraître leur formation pendant une campagne électorale.
Alors, est-ce un piège pour Pierre Poilievre, lui qui n’a pas exprimé de critiques outre mesure sur le plan libéral en matière d’immigration l’automne dernier ? Depuis son arrivée à la tête du PCC, Poilievre a régulièrement et soigneusement offert à sa base électorale les mêmes bonbons qui lui ont permis d’être élu, imputant à Justin Trudeau tous les maux du pays, de l’inflation aux retards dans les bureaux de passeports, en passant par l’ingérence chinoise.
Toutefois, les seuils d’immigration constituent un enjeu où Poilievre est nettement en porte-à-faux avec sa base. Le chef conservateur devra faire preuve de doigté et de discipline, des habiletés qui, c’est le moins que l’on puisse dire, ne lui ont pas été propres depuis son couronnement à la tête du parti.
Bonjour. Pourquoi ne pas regarder sous un autre angle la nécessité ou le désir de quitter sa terre natale à cause d’un manque de travail, d’une guerre dévastatrice, qui n’en fini plus, etc…
Au lieu d’ouvrir les portes de l’immigration, traumatisante dans tous les cas, pourquoi ne pas créer du travail ou arrêter les guerres pour offrir des conditions de vies décentes pour arrêter ces hémorragies?
Je sais que les guerres rapportent beaucoup plus aux quelques personnes qui les fomentent…..
Merci de votre attention. Nicole S.A.
Vous dites que la majorité est favorable au statu quo. C’est une interprétation large de la statistique selon laquelle 39% de la population canadienne accepte le maintien de la politique actuelle, soit deux personnes sur cinq.
Les autres statistiques démontrent que le nombre de personnes voulant une diminution du niveau d’immigration est trois fois le nombre voulant une croissance. La direction est assez claire.
L
Je dois me reprendre. La proportion favorable au maintien du statu quo est de 45%, effectivement presque la moitié de la population canadienne. Pour le reste, le nombre voulant une diminution du niveau d’immigration est deux fois plus grand que le nombre voulant sa croissance. La direction reste claire.