
Le mercredi 4 mars, en fin de soirée, Hillary Clinton a demandé au département d’État de rendre ses courriels publics.
Cette annonce suivait la requête, de la part de la commission d’enquête sur Benghazi de la Chambre des représentants (The Select Committee on Benghazi), d’avoir accès à environ 50 000 pages de courriels de l’ex-secrétaire d’État. Avant toute chose, le département devra en réviser le contenu, ce qui devrait prendre plusieurs mois.
Il faut savoir que durant son séjour à la tête du département d’État, l’ancienne sénatrice de New York avait en effet utilisé son adresse de messagerie personnelle plutôt que celle se terminant par state.gov, ce qui pourrait poser des problèmes légaux, selon les règles de diffusion de l’information de la National Archives and Records Administration.
Républicains contre Hillary (plutôt que Congrès contre Présidence)
Expliquer l’«obsession Benghazi» des sénateurs et représentants républicains en invoquant les mécanismes de poids et contrepoids (checks and balances) et le désir du Congrès de réaffirmer ses pouvoirs de politique étrangère vis-à-vis la présidence serait approprié si Hillary Clinton n’était pas liée à ce dossier.
Du moins, cette explication tient la route pour ce qui est de l’hostilité avec laquelle les républicains du Sénat ont reçu la nomination de Susan Rice pour succéder à Hillary Clinton, sur la base de ses propos au sujet des attaques du 11 septembre 2012 (lesquelles ont causé la mort de Chris Stevens, ambassadeur américain en Libye, et de trois autres ressortissants américains).
Rappelons que Rice avait décidé de retirer sa candidature en décembre 2012, avant d’être nommée conseillère à la sécurité nationale par Barack Obama — un poste d’envergure au sein de l’administration, et qui ne requiert pas l’approbation du Sénat.
Obama avait par la suite opté pour John Kerry, un candidat plus acceptable aux yeux des républicains, pour diriger le département d’État.
Une enquête partisane sur fond de 2016
En invoquant leur pouvoir de surveillance et d’enquête sur les agissements de l’exécutif, les républicains de la commission sur Benghazi semblent surtout vouloir mettre des bâtons dans les roues de la candidate pressentie à l’investiture démocrate de 2016 plutôt que d’exercer sérieusement les prérogatives de leur institution.
La conduite des activités de cette commission est éminemment partisane, comme l’illustrent les doléances présentées par ses membres démocrates, qui affirmaient avoir été tenus à l’écart de l’interrogatoire de certains témoins à la fin du mois de janvier 2015.
De manière générale, lorsque le parti adverse détient une majorité dans les deux chambres (comme c’est le cas pour les républicains du 114e Congrès), les enquêtes des commissions permanentes et spéciales de la législature visent à déstabiliser l’administration présidentielle au pouvoir.
Or, dans le cas de Benghazi, le «canard boiteux» Obama semble s’en tirer indemne, lui qui avait pourtant dit que la responsabilité de l’attaque contre le personnel diplomatique américain lui revenait.
La cible de la commission et de son président Trey Gowdy (représentant républicain de la Caroline du Sud) est avant tout une ancienne secrétaire d’État, aux ambitions présidentielles bien connues, qui a servi entre 2009 et 2013. Clinton n’a toujours pas annoncé formellement sa candidature pour 2016, mais des organisations comme Ready for Hillary sont en marche depuis de nombreux mois pour récolter des fonds et préparer la mobilisation de la base partisane en vue d’une éventuelle campagne.
House of Hillary
Les amateurs de la série télévisée House of Cards — qui a pour thème les rouages de la politique américaine — se rappelleront que le protagoniste Frank Underwood avait lui aussi décidé de rendre publics ses dossiers électroniques lorsqu’il fut confronté à une enquête, durant la deuxième saison.
Sans suggérer que Hillary soit aussi peu scrupuleuse que Underwood, l’ambition politique de la démocrate est non sans rappeler celle du personnage interprété par Kevin Spacey.
Il y a fort à parier que cet épisode des courriels n’est qu’un des nombreux obstacles que Hillary Clinton devra surmonter si elle annonce sa candidature pour 2016. Tout comme celle du démocrate fictif Underwood, la marche de Hillary vers la présidence sera parsemée d’embûches, et ses adversaires seront légion.
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À propos de l’auteur
Vincent Boucher est chercheur en résidence à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, qui compte une trentaine de chercheurs en résidence et plus de 100 chercheurs associés issus de pays et de disciplines divers et qui comprend quatre observatoires (États-Unis, Géopolitique, Missions de paix et opérations humanitaires et Moyen-Orient et Afrique du Nord). On peut la suivre sur Twitter : @RDandurand @UQAM.
Comme toujours, les Partis politiques sont beaucoup plus préoccuppés par leur élection et par la partisannerie que par les intérêts de la population….
Et puisque les Médias ne s’en indignent rarement, que pouvons-nous faire, NOUS LES ÉLECTEURS ?
Du moins ICI, alors que ce n’est pas ENCORE: 1 $ = 1 vote comme chez nos voisins….