
Dans l’administration Bartlet, Charlie Young était l’un de ces factotums qui n’auront pas marqué l’histoire de leur nom, mais qui auront permis aux présidents américains de passer à travers leur campagne électorale et de survivre au rythme effréné qu’impose la vie sur Pennsylvania Avenue. Or ce qui n’est qu’une fiction dans The West Wing est le reflet de l’organisation de la Maison-Blanche.
En effet dans l’ombre du président, et ce depuis les débuts de la république, marche un homme. Qui s’assure que le président mange quand il le souhaite et ce qu’il veut. Qui a avec lui un manteau, une chemise propre, un parapluie, de l’aspirine, du désinfectant, des Post-its, des marqueurs, ou encore un crayon détachant. C’est le plus souvent un majordome de luxe, surqualifié et le plus souvent diplômé, et suffisamment ambitieux pour se plier au rythme de vie d’un aide de camp disponible 24/24, 7/7.
George Washington avait requis l’aide de Tobias Lear, dont il avait fait son secrétaire particulier qui était également son garde du corps. Et alors que le service secret a pris le relais de la sécurité du président, l’aide de camp est demeuré. Et depuis lors, chaque président s’est doté d’un tel bras droit.
La sécurité du président
C’est le Congrès des États-Unis qui est à l’origine de la décision de protéger le Président. Suite à l’assassinat d’Abraham Lincoln en 1865 et de James A. Garfield en 1881, le Congrès désigne officiellement et exclusivement, en 1901, le Secret Service pour assurer la protection rapprochée du Président. Les moyens de protection du Président ont progressivement pris de l’ampleur suite aux échecs successifs du Secret Service. Temporaire en 1901, la protection devient permanente en 1902 avec deux agents après l’assassinat du Président McKinley. Aujourd’hui, regroupés au sein de la Presidential Protection Division (PPD), les agents chargés exclusivement de la protection du Président et de sa famille proche s’appuient, en fait, sur l’ensemble des moyens humains et techniques du Secret Service et des autres agences fédérales.
D’après Élisabeth Vallet (Dir), La présidence des États-Unis, présidence impériale ou présidence en péril, Presses de l’Université du Québec, Coll. Enjeux contemporains, 2005.
Le factotum du président, son « body man » selon le terme consacré aux États-Unis, devient souvent plus que cela. Il est si proche du président qu’il a parfois l’exclusivité de certains moments – les proches de John Kerry notaient que peu étaient amenés à skier avec l’ex-candidat à la présidence… sauf son body man, Marvin Nicholson Jr..
Comme il n’est pas officiellement présent dans un organigramme pré-établi, et comme chaque président s’est prévalu d’un body man, il devient un filtre. Celui qui a entre les mains le téléphone cellulaire du président, celui qui conserve trace de toutes les personnes que le candidat/président rencontre. Celui qui rappelle leurs noms au président lorsqu’il les croise de nouveau. Un ambassadeur de fait. Un pouvoir informel.
Et de fait, c’est dans l’espace adjacent au bureau ovale qu’on le trouve, au cœur même du pouvoir.

La chaîne ESPN a d’ailleurs consacré Reggie Love, body man de Barack Obama entre 2007 et 2011, « secrétaire général de tout » (chief of stuff), le plaçant implicitement, même si cela se voulait humoristique, au même niveau que le secrétaire général de la Maison-Blanche (chief of staff). Au point d’ailleurs où lorsque John Edwards a renoncé à la course, son équipe a appelé… Reggie Love, le body man d’Obama.
L’homme (car cela n’a jamais été une femme) qui a l’oreille du président et qui maîtrise finalement les détails de son agenda n’est donc pas ordinaire.
Et de fait, la Chaire Raoul-Dandurand reçoit justement l’un d’entre eux ce mardi à l’UQAM. Reggie Love, diplômé en science politique de l’université Duke, attaquant pour l’équipe universitaire de basket des Blues devils, receveur pour l’équipe universitaire de football de Duke également, testé par les Green Bay Packers, puis les Cowboys de Dallas, fait partie de ces hommes qui ont choisi, pour un temps, l’ombre. C’est du choix de cette vie trépidante (plutôt qu’un emploi beaucoup plus rémunérateur), et de l’expérience de celui qui a pratiquement vécu dans les pantoufles du président qu’il sera question.
Professeure associée au département de géographie @UQAM et directrice scientifique à la Chaire @RDandurand
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À propos de la Chaire Raoul-Dandurand
Créée en 1996 et située à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques compte une trentaine de chercheurs en résidence et plus de 100 chercheurs associés issus de pays et de disciplines divers et comprend quatre observatoires (États-Unis, Géopolitique, Missions de paix et opérations humanitaires et Moyen-Orient et Afrique du Nord). On peut la suivre sur Twitter : @RDandurand.
Le boulot le plus cool au monde. Celui que j’aimerais le plus faire. Être au côté de l’homme le plus puissant au monde tous les jours. Travaillé et vivre dans la Maison Blanche, Air Force One, Marine One, Limo One. Voyagez partout, rencontré les grands chefs d’États. Et ce n’est que pour 4 ou 8 ans…