Yan Plante est vice-président à l’agence de relations publiques TACT. Il est un ex-stratège conservateur ayant conseillé l’ancien premier ministre Stephen Harper lors de trois élections. Comptant près de 15 ans d’expérience en politique, il a également été chef de cabinet de l’ex-ministre Denis Lebel.
À : Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois
Sujet : Apprendre du premier mandat Harper si Poilievre devient premier ministre
Date : 20 octobre 2022
J’ai eu une pensée pour vous cette semaine, en voyant les images des retrouvailles émouvantes entre Michael J. Fox et Christopher Loyd, les deux acteurs principaux de la trilogie Retour vers le futur.
Le lien entre la politique et cette série de films parait ténu, mais si Pierre Poilievre devient premier ministre du Canada, il vous faudra embarquer dans la DeLorean — cette voiture qui voyage dans le temps — pour aller analyser le positionnement du Bloc pendant les années 2006 à 2008. Ce ne serait peut-être pas le « retour vers le futur » le plus excitant de l’histoire, mais il aurait son utilité pour vous.
Le premier mandat de Stephen Harper comporte en effet plusieurs enseignements pour vous préparer à un potentiel gouvernement Poilievre. Minoritaires, les conservateurs prenaient plaisir à jouer avec les partis d’oppositions. La proie la plus facile de 2006 à 2008 a incontestablement été le Bloc québécois.
Jamais dans ma carrière politique je n’ai vu le Bloc être aussi inefficace et perdu que durant cette période.
Le fait que le gouvernement Harper réglait des conflits avec le gouvernement du Québec plutôt que d’alimenter les tensions entre les deux capitales compliquait la tâche du Bloc : règlement du déséquilibre fiscal, octroi d’une place pour le Québec à l’UNESCO parmi la délégation canadienne et reconnaissance que les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni, le sens du vent avait changé.
Sans débat référendaire, sans scandale des commandites, c’était comme si votre formation politique ne savait plus comment se positionner en cette période d’accalmie. Gilles Duceppe se retrouvait à manquer d’arguments pour critiquer un gouvernement décentralisateur et en mode séduction au Québec.
Ainsi, Ottawa et Québec se lançaient la balle en ignorant complètement le Bloc, qui semblait ne plus exister.
N’eût été des erreurs de Stephen Harper dans le dossier des subventions culturelles — alors que son gouvernement avait coupé les vivres à plusieurs artistes —, l’hécatombe que le Bloc a vécue en 2011 aurait pu se produire dès 2008.
Dans votre promenade à l’intérieur de la machine à voyager dans le temps, vous constaterez qu’à deux semaines du vote, les conservateurs étaient en première place dans les sondages au Québec. Cette affaire des subventions culturelles avait été un point tournant. Après une sorte de lune de miel, les relations entre les gouvernements Harper et Charest se sont dégradées. Certaines prises de positions conservatrices ont choqué, notamment l’abolition de certains programmes en culture.
Gilles Duceppe s’est alors ressaisi et a commencé à identifier les bons boutons sur lesquels peser pour cristalliser le rejet de plusieurs électeurs à l’égard de l’ancien premier ministre Harper. Il a été excellent à naviguer sur le thème culturel — et sur celui des jeunes contrevenants, à qui les conservateurs souhaitaient serrer la vis. Le chef bloquiste a dit que les conservateurs enverraient ainsi de la « jeune chair » en prison à des pédophiles. Ouch !
Il avait trouvé son filon. Avec les libéraux, il avait longtemps utilisé les chicanes. Avec les conservateurs, il devait miser sur les prises de position qui pouvaient aller à l’encontre du Québec ou des « valeurs québécoises ».
C’est ainsi qu’il a su mettre en lumière le déséquilibre entre l’aide généreuse accordée au secteur automobile de l’Ontario et le soutien moindre au secteur forestier du Québec. Dans les faits, comparer le secteur forestier à celui de l’automobile revenait à comparer des pommes avec des oranges : les deux n’obéissent pas aux mêmes lois. Mais le Bloc était efficace et ne s’enfargeait pas dans des faits qui auraient pu nuire à une bonne histoire.
Gilles Duceppe poussait également les conservateurs à la limite de leur nationalisme québécois en jouant à la surenchère — bien sûr, seul un parti séparatiste peut remporter ce genre de course. Il demandait par exemple : « Vous, Conservateurs, vous dites que vous êtes sensibles à la protection de la langue française ? Alors qu’attendez-vous pour imposer la loi 101 dans les entreprises à charte fédérale au Québec et comment pouvez-vous nommer des juges non bilingues à la Cour suprême du Canada ? » C’était efficace.
À partir de 2008, le Bloc était donc redevenu un parti d’opposition efficace et pugnace.
Mais, 2011 est arrivé. Et Jack Layton a séduit un électorat qui avait commencé à se questionner sur la pertinence du Bloc. Il y avait un désir de changement, et Gilles Duceppe et son équipe n’ont pas semblé le réaliser. Jack Layton a le mérite d’avoir ramassé les pommes tombées au sol, mais Stephen Harper a contribué à brasser le pommier avec son approche décentralisatrice.
Je vous rappelle ceci parce qu’en ce moment, vous êtes bien servi pour surfer sur les conflits entre Ottawa et Québec, comme l’était Gilles Duceppe jusqu’en 2006. Quand ce n’est pas Justin Trudeau qui en provoque un en s’ingérant à deux pieds dans les juridictions provinciales comme la santé, c’est François Legault qui donne des leçons sur les compétences fédérales dans la gestion des frontières. Et quoi de mieux que le dossier chaud de l’immigration, alors que les deux premiers ministres semblent faire exprès pour se picosser ?
Mais la donne pourrait changer si Pierre Poilievre devenait premier ministre. Vous pourriez jouer dans une sorte de Retour vers le futur, avec un contexte politique semblable à celui de 2006 à 2008. Si c’était le cas, assurez-vous d’être mieux préparé que votre prédécesseur ne l’était. Vous devrez mettre en lumière la différence qui existe entre les valeurs fondamentales que vous défendez, et celles de Pierre Poilievre.
C’est bien de porter les consensus du Québec à Ottawa quand ceux-ci sont mal reçus dans la capitale fédérale. Mais c’est compliqué lorsqu’ils trouvent une écoute plus attentive. Et je m’attends à ce qu’un éventuel gouvernement Poilievre soit tout aussi décentralisateur que l’était celui de Stephen Harper. Bon voyage dans le temps !
À part un retour vers le passé, il n’y a aucun commentaire constructif envers le Bloc Québécois pour les prochaines années dans cet article. Même si le BLOC ne formera jamais le Gouvernement, son influence peut être très grande dans la défense des intérêts du Québec s’il obtient un nombre important de députés. Pour cela il doit toujours s’opposer fermement aux politiques des trois autres partis qui sont contraires aux intérêts du Québec. soit:
– défendre avec acharnement la langue française au contraire du louvoiement du parti libéral (PL), du parti conservateur (PC) et du NPD
– faire respecter les champs de compétences des provinces contre les tendances du PL et du NPD
– faire adopter une politique du développement durable dans tous les domaines : environnement, ressources naturelles, finances et déficit, développement des communautés autochtones, intégration des immigrants, etc)
– défendre sans cesse et avec conviction la vision d’une société québécoise francophone, inclusive, laique, sociale au contraire du multiculturalisme canadien qui encourage le repli des communautés sur elles-mêmes, l’exclusion et à la limite l’apartheid. Vision que les trois autres partis soutiennent
c’est préférable de jouer avec que contre; dans le sport comme dans toute action qui n’est pas seulement individuelle, dont la politique …
Attention à votre arrogance, commencez a vous rendre au pouvoir et vous pourez donner la leçon aux autres partis , en faisant vos devoirs correctement
Vous l’avez dit. Les conservateurs de Harper, minoritaires, donnaient du lest au Québec. C’est le cas de tous les gouvernements minoritaires à Ottawa, rouges ou bleus, C’est une question élémentaire de rapport de force et de calcul électoraliste. Trudeau l’a fait avec les garderies. Mais ce n’est pas toujours le cas. D’où la pertinence du Bloc, non pas tant pour faire de la surenchère, selon votre logique fédéraliste, mais pour amener le ROC à reconnaître concrètement le Québec, au delà de principes vertueux. Le Québec ne cesse pas d’exister quand les gouvernements fédéraux redeviennent majoritaires.