
Le 25 octobre dernier, les élus du Parlement ont adopté à l’unanimité une motion selon laquelle, d’ici la fin février 2017, le Canada accueillera des femmes et des filles yazidies qui ont été victimes d’esclavage sexuel. C’est une victoire pour les militants et les politiciens qui, depuis près d’un an, incitaient le gouvernement libéral à inclure ces femmes parmi les 30 000 réfugiés syriens.
Les yazidis forment une minorité religieuse qui a été brutalement attaquée par le groupe armé État islamique (EI) dans le nord de l’Irak, une attaque considérée comme un génocide par les Nations unies. Selon elles, les violences sexuelles commises envers les yazidies comptent parmi les pires atrocités que vivent des femmes et des filles dans le monde en ce moment.
Voici ce qu’il faut savoir sur les yazidis, la crise dans laquelle ils sont plongés et ce que le Canada fait pour les aider.
En quoi consiste cette crise?
Le 3 août 2014, des combattants du groupe État islamique ont lancé une attaque dans la région de Sinjar, dans le nord de l’Irak, où des yazidis vivaient depuis des générations. L’EI — ou Daech, selon son acronyme arabe — a exécuté tous les hommes et enlevé les femmes et les enfants. Yazda, ONG internationale qui soutient les yazidis, estime que 5 000 d’entre eux ont été tués durant l’attaque et que 7 000 autres ont été kidnappés. De jeunes garçons ont été forcés de rejoindre les rangs des djihadistes.
Selon un rapport de l’ONU publié en juin dernier, Daech a réduit 80 % des femmes et des filles à l’esclavage. Celles-ci ont ensuite été vendues à des combattants pour des sommes variant de 200 à 1 500 dollars américains. La plupart des femmes interrogées par les Nations unies ont subi des «viols quotidiens… et plusieurs affirment avoir été blessées lors de ces viols, souffrant de saignements, de coupures et de contusions». Une des victimes raconte qu’elle a été contrainte de se convertir à l’islam et de prier avant de se faire violer par ses ravisseurs.
Il y a environ 700 000 yazidis dans le monde. La plupart vivaient dans le nord de l’Irak, région ciblée par les attaques des djihadistes. Aujourd’hui, 90 % de cette communauté a été déplacée, estime Yazda, et la majorité vit désormais dans des camps de réfugiés.
Où se trouvent maintenant les yazidis?
Les Nations unies croient que plus de 3 200 femmes et enfants sont encore détenus par Daech. La plupart se trouvent en Syrie, pays toujours en guerre, ainsi que dans le nord de l’Irak. D’autres ont réussi à se rendre dans des camps de réfugiés en Turquie et en Grèce. Selon Murad Ismael, porte-parole de Yazda, ceux qui sont restés en Irak et qui ne vivent pas dans les camps de réfugiés se trouvent dans la région kurde du pays, où il est «sécuritaire» d’intervenir. Des groupes d’aide internationale sont donc à l’œuvre dans ce secteur.
L’Allemagne a déjà accueilli plus de 1 000 femmes et enfants yazidis qui avaient été faits prisonniers par Daech. Son gouvernement s’engage à investir 107 millions de dollars américains, sur une période de trois ans, pour en accueillir d’autres.

Qu’est-ce que le Canada a fait jusqu’à présent?
Avant le 25 octobre, les yazidis n’étaient pas considérés comme un groupe prioritaire par le gouvernement canadien. Citoyenneté et Immigration Canada ne peut toutefois pas indiquer le nombre de yazidis réfugiés au pays, parce qu’il n’identifie pas les réfugiés selon leur religion. Certains petits groupes communautaires tentent d’aider les survivants du génocide grâce au parrainage privé. C’est ainsi que neuf réfugiés ont été accueillis à Winnipeg par un groupe appelé Opération Ezra.
La députée conservatrice au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Michelle Rempel, sa vis-à-vis du NPD, Jenny Kwan, et la chef par intérim de l’opposition, Rona Ambrose, ont talonné le gouvernement durant des mois pour qu’il prenne enfin les choses en main. Les trois députées réclamaient l’adoption d’une motion reconnaissant la crise des yazidis comme étant un génocide, mais celle-ci a été rejetée par les libéraux.
Une fois que les Nations unies ont déclaré qu’il s’agissait bien d’un génocide, le gouvernement a convoqué une session d’urgence du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes afin d’entendre des témoignages de la crise des yazidis. Cela n’a mené à aucune action concrète, mais les libéraux ont au moins envoyé une mission exploratoire en Irak pour déterminer la meilleure façon d’accueillir des réfugiés yazidis au Canada. Pendant ce temps, la députée Michelle Rempel a créé une motion non partisane pour obliger le gouvernement à reconnaître le génocide et à s’engager à aider ce peuple.
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Que promet de faire le gouvernement?
La motion unanime adoptée le 25 octobre stipule que le gouvernement reconnaît officiellement que l’EI commet un génocide envers le peuple yazidi et qu’il agira immédiatement selon les recommandations de l’ONU. Cela inclut, entre autres, le financement d’un soutien psychologique et social. Et, promesse la plus importante, le Canada s’est engagé à offrir l’asile à des femmes et des filles yazidies dans les 120 jours.
À quoi peut-on s’attendre maintenant?
Le gouvernement doit encore établir le nombre et la provenance des yazidies qui seront accueillies au Canada. John McCallum, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, a dit que la mission exploratoire en Irak était terminée et que son ministère possédait désormais toutes les informations nécessaires pour déterminer dans quels pays les représentants du Canada pourront entrer et opérer de façon sécuritaire. Il a aussi noté que la situation dans cette région était «complexe» et qu’elle «pourrait poser des risques» à la fois pour les yazidies et pour les travailleurs qui leur viennent en aide.
Yazda affirme avoir déjà identifié et rencontré 1 096 femmes et filles qui ont réussi à fuir l’esclavage sexuel en Irak. Selon l’organisme, celles-ci feraient de bonnes candidates pour le Canada.
(Cet article a été adapté de Chatelaine)