Selon tous les indicateurs dont nous disposons présentement — intentions de vote, taux d’approbation du gouvernement, financement des partis, cote de popularité des chefs —, aucun des partis d’opposition n’est parvenu à percer l’armure de la Coalition Avenir Québec au cours des derniers mois en vue du scrutin du 3 octobre.
Or, malgré le fait qu’il serait facile de prédire une campagne électorale ennuyeuse et sans histoire (comme la campagne somnifère en Ontario ce printemps), l’issue de ces élections pourrait complètement — et radicalement — remodeler la dynamique de la politique québécoise pour des années, voire des décennies.
En effet, au cours de cette campagne qui débutera vraisemblablement le dimanche 28 août, certains des partis d’opposition pourraient jouer leur survie, rien de moins.
Par exemple : imaginez un scénario dans lequel le Parti québécois parviendrait à protéger ses acquis contre la tempête caquiste à l’horizon et à faire élire, disons, une demi-douzaine de députés à l’Assemblée nationale. Ce résultat aurait un effet totalement différent sur les troupes indépendantistes que si le PQ était virtuellement rayé de la carte. Dans un tel scénario, la reconstruction du PQ serait infiniment moins ardue que si tous ses acteurs principaux devaient participer aux débats publics à partir des gradins.
Quant au Parti conservateur du Québec, une réelle représentation élue dans le Salon bleu serait immensément bénéfique à la formation, à la fois pour sa visibilité, sa crédibilité et son financement. Si, par exemple, le chef Éric Duhaime devenait le premier député de l’Assemblée nationale élu sous la bannière conservatrice en près d’un siècle, cela pourrait accélérer la croissance de son mouvement en vue des élections de 2026. S’il est exclu de la législature cet automne, la pente sera bien plus abrupte.
Il ne faudrait pas sous-estimer l’importance de ce scrutin pour le Parti libéral du Québec. Le plus récent sondage Léger, publié au début d’août, a confirmé la tendance désastreuse des derniers mois. Même si certains électeurs libéraux se consoleront à l’idée que le PLQ se classe toujours au deuxième rang avec 18 % à l’échelle nationale, il se situe 26 points derrière la CAQ — à des années-lumière d’une possible victoire. Notamment parce que le PLQ n’attire plus les faveurs des francophones, qui représentent environ 82 % des électeurs québécois et 88 % des électeurs en dehors de la région métropolitaine de Montréal. Les libéraux se retrouvent bons derniers avec l’appui de 10 % de ces électeurs, d’après les données du sondage Léger. C’est 40 points derrière la CAQ. Avec de tels chiffres, le PLQ serait rayé de la carte du Québec francophone.
Si tout ce qui reste du caucus libéral après le 3 octobre sont les secteurs anglophones et allophones de Montréal et de Laval, en plus de Pontiac en Outaouais, comment le PLQ pourra-t-il recruter des candidats francophones de qualité pour les élections de 2026 et au-delà ?
De plus, les sondages des derniers mois révèlent que les appuis au PLQ ont aussi glissé chez les électeurs non francophones. Alors que les données d’enquêtes d’opinion publique ont généralement accordé de 60 % à 70 % (et souvent plus) de ce vote au PLQ dans les dernières décennies, les plus récents chiffres de Léger placent plutôt le parti de Jean Lesage et Robert Bourassa à 46 % parmi les électeurs non francophones, un niveau historiquement bas. S’ils devaient bouder le PLQ à ce niveau cet automne, nous pourrions voir tomber quelques circonscriptions montréalaises longtemps considérées comme de réels bastions libéraux.
Malgré la prudence nécessaire avec ce sous-échantillon (seulement 146 répondants), il n’est pas hors normes par rapport à d’autres enquêtes des derniers mois dans lesquelles environ 50 % des non-francophones favorisaient les libéraux, là aussi loin des tendances historiques.
La cheffe du PLQ, Dominique Anglade, pourrait renverser la vapeur d’ici le scrutin du 3 octobre — rien n’est impossible —, mais les données dont nous disposons montrent que c’est peu probable. Seulement 9 % des électeurs la considèrent comme la meilleure candidate au poste de premier ministre (35 points derrière François Legault), et ce chiffre descend à 6 % auprès de la majorité francophone. La cheffe tire donc son parti vers le bas.
En fait, parmi les partisans actuels du PLQ, seulement 45 % disent qu’Anglade est la meilleure candidate au poste de premier ministre.
Le PLQ est un joueur actif de la joute politique québécoise depuis la Confédération. Dans sa longue histoire, le parti est passé au travers d’autres périodes creuses et s’en est toujours sorti. C’est peut-être pourquoi de nombreux électeurs québécois ne semblent pas se rendre compte de la menace qui plane sur lui présentement.
Les données sont là et tous les indicateurs sont au rouge (et pas un rouge libéral). S’il s’effondre autant que les sondages le laissent voir, le PLQ pourrait demeurer au tapis longtemps.
Le Parti libéral n’a plus de succès depuis que la question nationale et la menace référendaire ne sont plus à l’agenda. Il ne conserve plus comme clientèle fidèle que les fédéralistes purs et durs et les anglophones de souche qui ont toujours voté libéral. Les fédéralistes modérés qui appuyaient auparavant le Parti libéral en raison de la menace référendaire sont maintenant à l’aise avec la CAQ.
Le Parti québécois subit le même sort alors qu’il ne conserve comme clientèle fidèle que les indépendantistes purs et durs alors que les nationalistes mous qui votaient auparavant pour le Parti québécois pour sa défense des intérêts du Québec sont maintenant à l’aise avec la CAQ.
Le succès de la CAQ est d’avoir mis à l’aise et drainé à la fois le vote des fédéralistes modérés du Parti libéral et des nationalistes mous du Parti québécois qui pouvaient passer auparavant d’un parti à l’autre au gré des circonstances.
Dans ce courant actuel d’hégémonie de la CAQ, Québec solidaire et le Parti conservateur ne peuvent eux aussi que demeurer des partis marginaux.
Bonne analyse mais , aux souverainistes mous, j’ajouterais les souverainistes pragmatiques profondément démocrates qui ont bien compris le résultat du référendum de 95. Ceux là aussi ont rejoint la CAQ.
Cette élection est inhabituelle par le nombre de partis qui se partageront le vote. Il n’est donc pas surprenant que le PLQ, PQ, QS et PCQ récolteront 10-15% du vote chacun et très peu de députés.
Les chefs devront démissionner mais les partis eux survivront. C’est peut-être la souveraineté qui disparaîtra de la politique québécoise cependant.
Avec Charest et Couillard, le parti libéral a démontré qu’il était contre les francophones. On est bien loin du parti libéral de Jean Lesage avec son slogan Maîtres chez-nous. Les 2 derniers premiers ministres libéraux ont détruit et affaiblit le Québec. Quant à Dominique Anglade, elle fait le grand écart entre les revendications des anglophones et les aspirations des francophones. C’est la quadrature du cercle. Les grosses huiles de son parti ne la voulaient même pas malgré ses qualités. Je souhaite ardemment que ce parti anti québécois disparaisse de la carte électorale.
La situation de Montréal, quasi ville-état, est très différente du reste du Québec (RDQ) et est composée majoritairement de non francophones. Donc, seront-ils attirés par une CAQ très nationaliste qui bannit les signes religieux? Certainement pas. Le PQ a toujours été la bête noire de la minorité anglo-québécoise et les allophones ont peu d’atomes crochus avec l’idée d’indépendance du Québec étant avant tout Canadiens et Montréalais.
Reste QS qui peut attirer la gauche anglo et allophone mais le fait que le parti prône la sécession du Québec devrait en repousser un bon nombre qui n’hésiteraient pas à voter pour le NPD s’il se présentait au Québec. Restent le PCQ et le PLQ alors que le premier a un programme étriqué et n’a pas fait ses preuves.
Donc, les anglos et les allophones peuvent bien bouder le PLQ dans les sondages mais il est clair que leur choix est mince et que le PLQ est le moins pire pour eux. Le jour du vote ils peuvent aussi choisir de ne pas voter mais ça n’avance à rien et on peut penser que ces électeurs vont se pincer le nez et voter libéral car les alternatives sont peu attirantes pour cette minorité grandissante, devenue majorité à Montréal.
La prochaine étape sera peut-être un référendum à Montréal pour en faire une cité-état détachée du Québec et à l’abri des lois 101, 96 et 21. Si c’était le cas, le fédéral ferait quoi?
Ce n’est pas QS qui attire les votes non francophones, c’est, étonnamment, les conservateurs de Duhaime. Ils sont deuxième chez les non francophones. C’est vrai qu’il les courtise ardemment (opposition à la loi 96 au nom de la « liberté », bataille pour un débat en anglais, …).
En revanche, QS est deuxième chez les francophones et, étonnamment dans les régions où ils performent mieux qu’à Montréal.
Comme dans toute élection, fédérale ou provinciale, le débat des chefs jouera un rôle déterminant dans la suite des choses. On a vu par le passé des chefs qui semblaient bien en selle mais dont le rendement électoral a vacillé à la suite d’une piètre performance au débat et, à l’inverse, des chefs négligés qui ont pris du galon après avoir débattu avec brio. Pour l’instant, nous n’en sommes qu’au stade des conjectures de gérants d’estrades…
Ce n’est pas un débat des chefs qui va changer la tendance actuelle. On a rarement vu une élection avec si peu de suspense quant aux résultats.
L’auteur de cet article Philippe J. Fournier, sur la page web QC-125 évalue à 99% les chances que le parti de la CAQ soit réélu majoritaire. L’incertitude n’est que sur le nombre de sièges remporté qu’il évalue à 80 au plus bas et 106 au plus haut.
Le taux de participation sera probablement faible pour cette élection déjà gagnée à l’avance par la CAQ.
Qui vivra verra… Pour avoir suivi un grand nombre de campagnes électorales par le passé, tous ordres de gouvernement confondus, je puis vous dire que de nombreux prétendus experts ont souvent été confondus à la suite des résultats. Certes, je serais étonné (comme vous sans doute) que la CAQ ne soit pas réélue, mais je suis curieux de voir quel sort l’électorat réservera aux autres partis. C’est notamment à cet égard que l’élection sera intéressante et à ce chapitre que le débat pourrait jouer un rôle déterminant.
Je ne vais certainement pas pleurer sur le sort de ce parti, le plus corrompu de l’histoire politique québécoise… Abrégeons les souffrances du PLQ le 3 octobre prochain!
Le Parti libéral n’a que ce qu’il mérite. L’arrogance, le mépris et la malhonnêteté dont il a fait preuve à l’égard des Québécois dans le passé sans jamais reconnaître ses tords explique pourquoi il est là où il est dans le paysage politique actuel du Québec. Il est sans conteste le parti le plus corrompu de tous les temps que le Québec à eu la malchance d’endurer au pouvoir et les dommages qu’il a causés au Québec prendront des décennies à être oubliés par la population. S’il vient à disparaître ce ne sera que bon débarras!!!
Un petit oubli dans votre introduction. Mais je comprends que ça demanderait une analyse plus poussée et donc un article à lui seul.
Vous mentionnez le sort du PQ et du PCQ, plus faciles à régler, avant de détailler celui du PLQ, mais pas celui de QS.
En raccourci, on peut mentionner qu’il est sur la défensive dans trois circonscriptions. Sherbrooke semble moins en danger d’après votre projection malgré la présence d’une candidate vedette de la CAQ. C’est moins clair dans Rouyn-Noranda-Témiscamingue et Jean-Lesage. Mais l’environnement vient à son secours avec la fonderie Horne dans le premier et la multiplication de la norme permise de nickel dans l’air dans le second. Deux dossiers ayant suscité une forte mobilisation citoyenne, donc un fort potentiel de faire sortir le vote. Tout dépendra du taux de participation des électeurs caquistes.
En revanche, on peut mentionner le potentiel de gain pour QS. Il est en bonne deuxième place pas trop loin du meneur dans Maurice-Richard, Sainte-Henri-Sainte-Anne (le comté d’Anglade), Verdun et même Camille-Laurin (ex-Bourget) où l’élection de Plamondon (bon troisième) est problématique. Il a aussi les yeux sur Saint-François, Ungava et quelques autres circonscriptions.
A son actif, QS est premier chez les jeunes et deuxième chez les francophones et dans les régions (en moyenne) où il performe mieux globalement qu’à Montréal. Avec bien sûr des écarts très grands entre les régions (très faible dans l’est il est bien placé dans l’ouest et le 450). Il a attiré un grand nombre de candidatures de qualité de gens qui n’auraient pas osé se présenter, ni même l’appuyer ouvertement, avant. La dernière élection municipale montre un mouvement de mobilisation et d’implication politique de la jeunesse. Et pour la première fois, QS va pouvoir dépenser le maximum permis par la loi. La croissance de QS se poursuit clairement. Est-ce que cela va se traduire en gains significatifs de siège? Difficile à prédire. Le système électoral permettant des distorsions aberrantes et une campagne électorale est un champ de mines d’imprévus pour tous.
a contrario, le système électoral favorise la lutte entre deux partis (nonobstant les luttes locales). En 2018, la CAQ avait su s’imposer comme opposition à Couillard et avait littéralement saigné le PQ de son électorat. En 2022, quel parti peut s’imposer comme opposition la CAQ? QS est le mieux positionné. A la fois pour les raisons invoquées plus haut et parce que les deux vieux partis sont clairement sur la défensive. Il ne faut cependant pas négliger les capacités de communicateur de Duhaime, qui a réussi à faire oublier ses inombrables prises de position complotistes et choquantes. Ni sa nouvelle base militante extrêmement motivée. Non plus que le fait que QS est diabolisé par de nombreux chroniqueurs alors que Duhaime bénéficie de la sympathie (au moins relative) de certains d’entre eux.
Lequel des deux s’imposera comme alternative à la CAQ? A suivre.