Ottawa : un début de fin de règne

Pour tous les chefs actuels des grands partis, sauf peut-être un, la campagne fédérale de 2021 pourrait bien être la dernière, explique notre analyste Chantal Hébert.

Photo : Daphné Caron

Toutes les campagnes électorales ouvrent la voie à des changements de garde à la tête d’un ou de plusieurs partis. Les élections fédérales du 20 septembre ne feront pas exception à la règle. Et parmi les chefs au sujet desquels on peut se demander s’ils seront encore de la partie au prochain scrutin, il y a Justin Trudeau.

Le jour où il a déclenché les élections, le premier ministre sortant s’est fait demander trois fois plutôt qu’une s’il allait démissionner si jamais il perdait le pari de faire élire un gouvernement majoritaire.

La question peut sembler prématurée. Si le chef libéral remportait une autre victoire à l’arraché le 20 septembre, il serait irresponsable de déclencher une course à sa succession le lendemain du vote, surtout dans les circonstances pandémiques actuelles. Remplacer au pied levé le leader d’un parti alors qu’il vient d’hériter d’un gouvernement fragile n’est pas une mince affaire. 

Ces interrogations sont néanmoins symptomatiques du fait que cette troisième campagne, dans tous les scénarios envisageables, pourrait bien signaler le début de la fin du règne de Justin Trudeau.

Bien sûr, si le chef libéral devait mener ses troupes à la défaite le 20 septembre, personne ne s’attendrait à ce qu’il s’agrippe à son poste ou encore à ce que ses troupes tentent de le retenir en chemin vers la sortie. 

En règle générale, un premier ministre rétrogradé à l’opposition officielle après deux mandats au pouvoir n’a pas besoin de se faire dire deux fois qu’il est temps d’aller se faire voir ailleurs.  

Mais même si Justin Trudeau remportait une victoire majoritaire, ceux qui lui veulent du bien lui conseilleraient sans doute d’accrocher ses patins avant le scrutin suivant. Depuis Wilfrid Laurier, au début du XXe siècle, aucun premier ministre n’a obtenu un quatrième mandat de suite au pouvoir.  

Pour Erin O’Toole, ça passe ou ça casse le 20 septembre. C’est en tout cas avec cette idée en tête que le chef conservateur mène sa première campagne. En route pour le vote, il a imposé une série de virages à sa formation. 

Avec sa position sur le droit à l’avortement, son offre de partenariat avec les syndicats et son admission que la tarification du carbone a sa place dans une stratégie de lutte contre les changements climatiques, Erin O’Toole se démarque de ses deux prédécesseurs… et de sa récente course à la direction du parti. Pour la base militante du PCC, cela fait beaucoup de pilules difficiles à avaler. Bien des conservateurs purs et durs pourraient attendre leur chef au tournant d’une défaite. 

À terme, le salut d’Erin O’Toole et de son leadership passe par l’Ontario. S’il ne gagne pas sa propre province le jour du vote, il ne sera pas le prochain premier ministre. Et s’il n’y réalise pas, au minimum, des gains importants, il ne sera pas chef de l’opposition officielle bien longtemps.

Parmi les principales formations fédérales, le NPD est celle qui a le plus l’habitude de donner des chances à répétition à ses dirigeants. À ce chapitre, le cas de Thomas Mulcair est une exception qui confirme la règle. Jack Layton en était à ses quatrièmes élections au moment de la vague orange de 2011. 

La campagne néo-démocrate actuelle se déroule sous des cieux plus cléments que celle de 2019. La pandémie a remis plusieurs des politiques phares du NPD au goût du jour. La dynamique minoritaire a aidé le parti à montrer sa raison d’être et son chef a gagné de l’assurance.

Si Jagmeet Singh réussit à récupérer une partie du terrain perdu il y a deux ans, en particulier dans le sud de l’Ontario, son autorité est peu susceptible d’être contestée, surtout dans le contexte d’un autre gouvernement minoritaire libéral.

Yves-François Blanchet a donné un nouveau souffle à un Bloc québécois moribond en 2019. Pourrait-il, si la présente campagne se soldait par une performance solide du Bloc, vouloir tenter la même opération à Québec ?  La question pourrait se poser au lendemain du scrutin québécois de l’automne 2022. 

Un mot en terminant sur les leaders du Parti vert et du Parti populaire. Annamie Paul et Maxime Bernier se situent sur les côtés opposés de l’échiquier politique, mais leurs avenirs respectifs comme chefs de parti reposent sur le même défi : gagner un siège dans le prochain Parlement. 

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Quand vous écrivez «il serait irresponsable de déclencher une course à sa succession le lendemain du vote, surtout dans les circonstances pandémiques actuelles» je me suis demandé si ce n’était pas le parfait exemple de la démocratie bancale de ce pays. Les citoyens n’ont pas droit au chapitre et ne peuvent élire leur Premier Ministre, ce privilège n’est accordé qu’aux membres de son parti.

Non seulement on ne peut pas élire notre chef d’état, une reine d’un pays étranger et une GG qui ne parle pas français, une des langues officielles du pays, nommée par un PM pour lequel je ne peux même pas voter! En prime. mon vote ne vaut rien dans ma circonscription si je ne vote pas pour le gagnant ou la gagnante car le système électoral ne tient même pas compte des votes de ceux qui n’ont pas voté pour qui vous savez.

Ce que Trudeau cherche, c’est une majorité avec un peu moins de 40% des votes de ceux qui vont se donner la peine de voter. C’est tout un pari mais ce n’est certainement pas un pari démocratique.