Poilievre cherche son Mulcair…

Le chef conservateur ne pourra faire l’économie d’une vedette québécoise s’il compte rester pertinent dans le fief de François Legault. Et son entourage le sait. La chasse est ouverte.

Photo : Daphné Caron pour L’actualité

Depuis la fin des années 1960, un seul chef fédéral issu de l’extérieur du Québec a réussi à remporter la majorité des sièges de la province. Pour ce faire, le néo-démocrate Jack Layton avait commencé par surprendre un peu tout le monde en recrutant Thomas Mulcair comme candidat à une élection partielle en 2007.

L’apparition d’une vedette de la politique québécoise à l’avant-scène du Nouveau Parti démocratique (NPD) fédéral et sa victoire dans une circonscription montréalaise longtemps considérée comme acquise aux libéraux avaient eu pour effet de sortir le parti de la marginalité dans laquelle il se morfondait depuis sa fondation.

Des électeurs québécois qui ne prenaient pas les néo-démocrates au sérieux auparavant avaient décidé de jeter un autre coup d’œil sur la formation. Jack Layton a profité avec brio de cette rare éclaircie avec les résultats que l’on connaît, c’est-à-dire la vague orange du scrutin de 2011.

La même recette pourrait-elle réussir au nouveau chef conservateur, Pierre Poilievre, aux prochaines élections fédérales ? Chose certaine, à moins de frapper un grand coup dans l’imaginaire québécois, le Parti conservateur du Canada (PCC) risque, encore une fois, de faire piètre figure dans la deuxième province du pays en nombre d’habitants.

Comme l’a prouvé Stephen Harper en 2011, il est mathématiquement possible de remporter une victoire majoritaire sans gagner le Québec. Mais encore faut-il que les plaques tectoniques se déplacent en faveur du PCC en Ontario.

Or, dans le passé, ce genre de mouvement a eu tendance à se produire quand les conservateurs n’étaient pas au pouvoir à Queen’s Park. Tout juste réélu le printemps dernier, le gouvernement du premier ministre Doug Ford est en selle jusqu’en 2026, c’est-à-dire au-delà de la prochaine échéance électorale fédérale.

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Au Québec, l’arrivée de Pierre Poilievre à la tête du parti l’automne dernier a été accueillie avec plus de méfiance que d’intérêt. S’il est plus connu, après cinq mois comme leader, que ses prédécesseurs Andrew Scheer et Erin O’Toole, le nouveau chef est également moins apprécié. 

La mesquinerie de sa campagne contre l’ex-premier ministre Jean Charest et la décision de l’ancien lieutenant québécois Alain Rayes de claquer la porte du caucus ont laissé des traces !

Des stratèges conservateurs ont dans leur ligne de mire le ministre des Finances, Eric Girard. Et on rêve de voir la vice-première ministre, Geneviève Guilbault, faire le saut.

Les stratèges du Parti conservateur savent déjà que la politique de la terre brûlée qu’affectionne M. Poilievre ne sera pas un atout contre deux chefs du Québec comme Justin Trudeau et Yves-François Blanchet au prochain scrutin fédéral. Vu qu’ils savent également que la technique qui consiste à promettre la lune à l’électorat québécois a de sérieuses limites. Erin O’Toole peut en témoigner.

Dès son arrivée à la direction du parti, il s’était précipité à Québec pour rencontrer François Legault et accéder publiquement à ses demandes. Le premier ministre lui a dûment renvoyé l’ascenseur aux élections de 2021 en invitant les Québécois à ne pas appuyer Justin Trudeau. Pourtant, le soir du vote, les gains espérés par les conservateurs n’ont pas été au rendez-vous.

En début d’année, soit quatre mois après sa victoire au leadership, Pierre Poilievre n’avait toujours pas eu de tête-à-tête avec le premier ministre Legault. De toute façon, il n’est pas en mesure de lui faire les mêmes promesses que son prédécesseur.

Par exemple, à la faveur de son plus récent changement de chef, le Parti conservateur envisage maintenant de participer à une éventuelle contestation en Cour suprême de la loi 21 sur la laïcité de l’État.

Pour gagner du terrain au Québec, l’équipe Poilievre voudrait bien miser sur des candidats-vedettes, susceptibles de faire pour le Parti conservateur ce que Thomas Mulcair avait fait pour le NPD.

Des stratèges conservateurs ont dans leur ligne de mire le ministre des Finances, Eric Girard, qui a déjà été candidat conservateur au niveau fédéral. Et on rêve de voir la vice-première ministre, Geneviève Guilbault, faire le saut.

Mais il y a bien loin de la coupe aux lèvres. D’une part, les sondages actuels sur les intentions de vote, même s’ils ne sont pas mauvais, garantissent difficilement un retour au pouvoir des conservateurs et font encore moins miroiter une majorité gouvernementale conservatrice.

Et puis, contrairement à M. Mulcair qui était très disponible pour d’autres défis politiques dans la foulée de sa démission du cabinet de Jean Charest, Girard et Guilbault occupent déjà le genre de postes ministériels auxquels les députés de Pierre Poilievre ne peuvent que rêver.

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C’est surtout grâce à son passage à l’émission « Tout le monde en parle » que Jack Layton avait conquis à l’époque le cœur de l’électorat québécois. Tandis que Stephen Harper déclinait systématiquement l’invitation qu’on lui lançait de participer à cette émission-là (ce qui le rendait — à tort ou à raison — suspect aux yeux de nombreux téléspectateurs au Québec), Jack Layton y avait opportunément vu l’occasion de « passer pour un bon Jack » et, ce faisant, de mousser sa popularité au Québec. Cette stratégie s’était révélée fructueuse : la cote de popularité de Layton au Québec allait effectivement grimper en flèche au cours des semaines suivantes. On connaît la suite…

De ce fait, l’hypothèse suivante est plausible : si Pierre Poilièvre accepte en temps et lieu de prendre part à l’émission « Tout le monde en parle » et qu’il y fait bonne impression, sa popularité au Québec pourrait fort bien grimper, lieutenant québécois ou pas. Qui vivra verra!

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Personnellement, ça me prendrait pas mal plus qu’une participation à TLMP pour me faire pencher du côté des Conservateurs et M. Poilièvre.
Autant dire mission impossible!

@ Claudette Desroches

Vous dites ça parce que vous suivez la politique et que votre choix est déjà arrêté, ou presque. Or, tel n’est pas forcément le cas de tout le monde. En effet, d’une élection à l’autre, nombreux sont les indécis et il suffit souvent d’un rien pour les amener à voter pour un politicien plutôt qu’un autre. À mon sens, qu’il y ait lieutenant québécois ou pas ne change rien à l’affaire.

La personnalité attachante de Jack Layton lui valait une couverture médiatique complaisante. Son passage à TLMEP a certes contribué à la vague orange mais il ne faut pas passer sous silence l »empathie soulevée par son combat contre le cancer, dont il se refusait d’admettre la gravité.
Les Québécois se laissent souvent gagner par l’émotion.
Un peu comme dans le cas de Lucien Bouchard, lequel arrivé en renfort en lieu et place de Jacques Parizeau, avait fait bouger les appuis du « oui » dans les sondages mais pas tant qu’après avoir eu à combattre la bactérie mangeuse de chair..
Pas certaine qu’un Eric Girard ou Geneviève Guilbeault réussiraient à créer une vague conservatrice. Ils n’ont pas le charisme des Layton et Bouchard pour arriver à convaincre les Québécois de passer par dessus leur méfiance envers le PCC qui s’est clairement radicalisé sous Pierre Poilievre. On est loin du conservatisme progressiste à la Mulroney.

Given your proclivities as I understand them I would appreciate a translation on anything you might like to say regarding that man. 😂

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Chantal Hebert is on CBC National every Thursday evening with the political panel “At Issues”.
Or learn French 🥴😁