Pourquoi y a-t-il si peu de mairesses ?

À peine 20 % des municipalités du Québec ont une mairesse, alors que l’Assemblée nationale compte 44 % de députées. Redresser le bilan paritaire peu reluisant du palier municipal est possible, explique notre collaboratrice Pascale Navarro.

Paul Chiasson / La Presse Canadienne

L’élection de Valérie Plante à la mairie de Montréal en 2017 a été perçue comme une avancée majeure pour la parité hommes-femmes en politique municipale. C’était d’autant plus frappant que l’arrivée de la première femme à la tête de la plus grande ville du Québec était accompagnée de la victoire d’autres aspirantes mairesses dans certaines municipalités importantes : Sylvie Parent à Longueuil, Josée Néron à Saguenay, Doreen Assaad à Brossard, Chantal Deschamps à Repentigny, etc. De là à croire que la bataille pour la parité au palier municipal était pratiquement gagnée, il n’y avait qu’un pas, que bien des observateurs ont franchi. 

Or, les chiffres montrent que l’échelon municipal a un bilan paritaire peu reluisant si on le compare à celui du gouvernement provincial. 

Parmi les 1 100 municipalités québécoises, seulement une sur cinq est dirigée par une mairesse. Les femmes ne représentent qu’un tiers de l’ensemble des conseillers municipaux. La situation est meilleure dans les grands centres : les 20 municipalités de 50 000 habitants et plus comptent une proportion de 40,3 % d’élues. 

En comparaison, 55 femmes sur 125 députés (soit 44 % des élus) siègent actuellement à l’Assemblée nationale. À la Chambre des communes, c’est 100 sur 338 (29 %). 

Qu’est-ce qui explique ce déficit démocratique en politique municipale ?

Au premier chef, il y a la difficile conciliation famille-politique, reconnaît Maude Laberge, présidente de la Commission Femmes et gouvernance de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), mairesse de Sainte-Martine et préfète de la MRC de Beauharnois-Salaberry. « Ce sujet revient souvent parmi les premiers facteurs qui font hésiter les femmes. »

A priori, la politique municipale semble la plus adaptée à la réalité des mères. Siéger dans sa propre ville plutôt qu’à Québec ou à Ottawa facilite évidemment la conciliation au quotidien. Par contre, bien des élus municipaux jumellent leur engagement politique à un emploi, et cette double tâche retient parfois les femmes de sauter dans l’arène.  

Autre obstacle difficile à abattre : le deux poids deux mesures qui fait qu’on met davantage en doute la légitimité et la compétence des candidatures féminines. Julie Bourdon, conseillère municipale à Granby et candidate à la mairie pour la prochaine élection, en témoigne : « J’ai cinq ans de pratique au conseil municipal, mais on me questionne sur l’expérience qui justifie ma candidature à la mairie. » 

Ce doute constant sur la légitimité des candidatures féminines a bien sûr tout à voir avec notre socialisation. Le problème, c’est que les femmes ont aussi le réflexe de douter d’elles-mêmes : l’histoire féministe nous a montré que, ostracisées en politique pendant des siècles, elles ont, en général, intériorisé des valeurs comme le don de soi (travailler gratuitement), mais également la suspicion à l’égard de leurs propres ambitions. 

Le biais entretenu contre les femmes en politique est tenace, et pour le combattre, il faut une réelle volonté — et de la pression populaire. Si la parité a augmenté au niveau provincial et fédéral, c’est beaucoup parce que les chefs de parti se font questionner systématiquement sur cet enjeu à chaque élection. Les électeurs s’attendent maintenant à ce que les formations politiques mettent les efforts nécessaires pour recruter des candidates. Or, la présence de partis n’est pas inhérente à la politique municipale. Dans la majorité des municipalités (surtout de petite taille), il n’y en a pas. Cela a des effets sur la parité : comme les partis ont le pouvoir de se donner des règles et des statuts, ils ont ainsi les leviers pour exiger le recrutement de candidates. Projet Montréal est un exemple de formation où l’obligation de parité a porté des fruits. 

Des solutions

La Fédération québécoise des municipalités (FQM) et l’UMQ ont lancé des initiatives pour encourager les femmes à se présenter. Très actifs sur les réseaux sociaux, les deux regroupements ont notamment mis en place des campagnes (comme D’Elles à Élues) et formé des comités féminins. Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) propose quant à lui des séances d’information sur le site Je me présente, offertes tant aux femmes qu’aux hommes et mettant l’accent sur le besoin de candidatures féminines. 

Celles qui sont tentées par l’aventure peuvent obtenir de la formation au Groupe Femmes, Politique et Démocratie (GFPD). « Les femmes demandent ce soutien, elles sont à la recherche de moyens pour se donner du pouvoir, dit Esther Lapointe, directrice générale de l’organisation. Nous sommes là pour ça : répondre aux besoins des aspirantes candidates qui souhaitent garnir leur coffre à outils. » À ce titre, le GFPD offre un assortiment de formations (lecture d’un budget municipal, interface avec l’administration publique, communication, image des femmes en politique, etc.) et a constaté une fréquentation accrue de ces activités dans la dernière année. 

Mais les véritables avancées viendront surtout quand la politique sera plus attrayante aux yeux des femmes. Un grand pas a été franchi il y a cinq ans lorsque les élus municipaux ont acquis des congés parentaux, soit la possibilité de s’absenter du conseil pendant 18 semaines sans subir de pénalités (on leur en imposait jusque-là). Maude Laberge a constaté que ces congés faisaient progresser les choses. « Ils évitent que les femmes ne se présentent pas au cas où elles souhaiteraient avoir des enfants. Dans les dernières années, on a d’ailleurs vu plusieurs mairesses et conseillères fonder une famille en cours de mandat. » 

Faudrait-il aussi changer la façon même dont la politique se pratique ? Deux candidates annoncées à la mairie de leur ville, déjà conseillères municipales, Virginie Proulx à Rimouski et Évelyne Beaudin à Sherbrooke, croient que oui. Elles ont créé le collectif Cartes sur table, qu’elles ont représenté en commission parlementaire le 22 avril dernier. Elles pressent le gouvernement d’appliquer la recommandation 51 de la commission Charbonneau, qui vise à limiter les exceptions permettant le huis clos lors des séances des conseils municipaux. Qu’est-ce qu’une séance à huis clos ? Une réunion où l’on prend des décisions sans consulter la population en prétextant une situation exceptionnelle, pratique devenue la norme, déplorent les élues. « Le souci de la transparence n’est pas spécifiquement féminin, reconnaît Virginie Proulx. Mais les nouvelles générations arrivent en politique municipale avec d’autres parcours. Et de nombreuses jeunes femmes choisissent ce palier afin de renouveler les façons de faire de la politique. À l’heure où plusieurs élus, dont beaucoup de femmes, dénoncent l’intimidation, nous pensons que la transparence est notre meilleure protection. Est-ce que ça amènera plus de femmes en politique ? Nous croyons que oui. »   

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On pourrait très bien poser la question : « Pourquoi y a-t-il si peu d’infirmiers? ». Où est le problème? Ah, oui, il faut que les femmes fassent absolument out comme les hommes.

Je crois fermement au principe d’égalité des chances mais je crois aussi que certains « métiers » sont plus attrayants pour la gente masculine et d’autres pour les femmes.

Je trouve qu’on manque la cible en voulant à tout prix avoir du 50/50 partout. Au lieu de consacrer des efforts à vouloir booster les chiffres dans un domaine qui semblent moins plaire aux femmes, on devrait mettre tous nos efforts pour s’assurer que celles que ça intéresse puisse y pratiquer et y ait toutes les mêmes chances que les hommes. Et de là l’équilibre, s’il doit exister, se créerait tout seul.

Faire éclater le plafond de verre au lieu de construire un ascenseur.

Parce que sinon, comme le dit M. Nickell, si on recherche la parité partout plutôt que l’égalité des chances, que fait-on des métiers à prédominance féminine?