Qc125 : rien n’est joué !

Les derniers sondages indiquent toujours que la CAQ flirte avec une majorité, mais de justesse. Le PLQ reste dans la course, mais avec un vote concentré. Quant au PQ, il semble avoir freiné sa chute, mais son regain demeure modeste. 

Photo: La Presse canadienne/Jacques Boissinot

Trois sondages effectués par trois sources différentes (Ipsos/La Presse, Léger/Le Devoir/Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec et Recherche Mainstreet) ont été publiés depuis la dernière projection électorale Qc125 de janvier dernier. Ensemble, ces coups de sonde dressent un portrait de l’humeur actuelle des électeurs québécois :

  • La CAQ est en tête dans chacun des sondages, mais son avance varie entre 4 (Ipsos, Mainstreet) et 11 points (Léger) ;
  • Le PLQ glisse sous son plancher théorique de 30 % chez Léger et Mainstreet ;
  • Le PQ grimpe quelque peu depuis son creux de janvier, les trois sondages lui accordant au moins 20 % d’appui sur la scène nationale ;
  • Québec solidaire recule à des niveaux similaires à ceux de l’an dernier, avant l’arrivée de Gabriel Nadeau-Dubois.

En guise de mise de contexte, voici les sondages toutes sources confondues des 12 derniers mois :

Bleu foncé : Parti conservateur du Québec ; Rose : Nouveau Parti démocratique du Québec ; Vert : Parti vert du Québec

Avec ces nouveaux sondages nationaux et toutes les informations des sous-échantillons qu’ils renferment, nous avons suffisamment de données pour mettre à jour notre projection électorale.

1. Projection du vote populaire

Au sommet du vote populaire se trouve la Coalition Avenir Québec, avec un vote populaire moyen de 34,1 %, une faible baisse de 0,8 point par rapport à la projection Qc125 de janvier dernier. Après plusieurs mois consécutifs de montée, il est possible que la CAQ ait atteint un certain plafond. Au cours du dernier mois, les maisons Ipsos, Léger et Mainstreet ont, respectivement, mesuré des appuis caquistes de 34 %, 37 % et 32 %. Nous verrons plus bas qu’avec ce niveau d’appuis (et une longueur d’avance auprès des électeurs francophones) la CAQ reste la grande favorite pour remporter des élections générales.

Le Parti libéral du Québec descend sous le seuil des 30 % d’appuis pour la première fois depuis la création de Qc125 et n’obtient que 29,1 %, en baisse de 1,2 point. En effet, dans chacun des trois sondages du dernier mois, le PLQ a reculé de deux points auprès de chaque maison respectivement. Certes, cet écart de deux points peut ne pas sembler significatif (avec des sondages dont les marges d’erreur avoisinent ± 3 %), mais une baisse dans trois maisons différentes est rarement, d’un point de vue probabiliste, une aberration statistique.

Du côté du Parti québécois, les chiffres du dernier mois ont sans doute montré que le PQ a jugulé l’hémorragie de l’automne dernier. En légère hausse chez Mainstreet et Léger, le PQ grimpe à 21,9 % du vote populaire dans cette projection, en hausse de 1,6 point par rapport à janvier. Toutefois, en analysant les chiffres de ces sondages de plus près, nous remarquons que la hausse du PQ serait attribuable en partie à une montée dans la région de Québec (+ 3 chez Mainstreet et + 8 chez Léger), où le PQ ne peut, pour l’instant, espérer remporter de nouvelles circonscriptions. Comme le PQ se trouve loin derrière la CAQ dans le 450, plusieurs circonscriptions, comme Terrebonne, Verchères et Saint-Jean, sont en danger.

Chez Québec solidaire, la glissade amorcée à l’automne s’est poursuivie et QS n’obtient que 10,3 % du vote populaire, en baisse de 1,7 point. Les causes de cette baisse graduelle seront sans doute analysées en détail au cours des prochains cycles médiatiques, mais il ne fait pas de doute que la fusion avec Option nationale, combinée avec l’arrivée récente du NPDQ dans l’arène, devront faire partie des hypothèses.

Finalement, le Parti conservateur du Québec obtient 2,2 % et le Nouveau Parti démocratique du Québec, 1,8 %.

Voici les moyennes des quatre principaux partis avec les intervalles de confiance de 95 % :

Comment lire ce graphique ? Par exemple, au cours des 50 000 simulations, la CAQ obtient un vote populaire moyen de 34,1 %, et son vote se trouve entre 30,8 % et 37,5 % dans 19 simulations sur 20.

2. Projection des totaux de sièges

Avec une telle avance dans le vote populaire et confortablement en tête du vote francophone, c’est sans surprise que la Coalition Avenir Québec remporte encore le plus grand total de sièges de cette projection, avec une moyenne de 63,1, une légère baisse de 2,9 sièges par rapport à janvier 2018. La moyenne caquiste est donc à peine supérieure au seuil requis pour une majorité de sièges à l’Assemblée nationale.

Le Parti libéral du Québec glisse encore dans cette projection et tombe à 40,0 sièges en moyenne, une baisse modeste de 1,7 siège par rapport à la projection de janvier. Avec de tels appuis, le PLQ serait virtuellement balayé de la Mauricie, de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches. Nous verrons plus bas que la quasi-totalité de sa députation serait issue du Grand Montréal et de la région de l’Outaouais. (D’ailleurs, la dernière fois que le PLQ a remporté moins de 40 sièges lors d’une élection générale remonte à 1976…)

Après un creux en janvier, le Parti québécois grimpe à une moyenne de 18,0 sièges, une hausse modeste mais significative de 4,8 sièges. Le PQ a-t-il vraiment gagné du terrain au cours du dernier mois, ou était-il sous-estimé en janvier ? Seuls les chiffres des prochains mois nous le diront. Mais il se peut fort bien que la nomination de Véronique Hivon, députée de Joliette, comme vice-chef, et le retour de Jean-Martin Aussant, qui briguera l’investiture péquiste dans Pointe-aux-Trembles, aient pu faire bouger l’aiguille. Le PQ n’est toutefois pas sorti de l’auberge, car son intervalle de confiance supérieur (voir le graphique ci-dessous) n’est que de 31,7 sièges, soit un seuil à peine plus élevé que le résultat de 30 sièges de 2014, jadis considéré comme désastreux.

Finalement, Québec solidaire remporte une moyenne de 3,8 sièges, une baisse de 0,3 siège par rapport à la projection de janvier. Nous verrons plus bas qu’une quatrième circonscription solidaire est toujours une éventualité probable, mais qu’avec les derniers chiffres sur l’île de Montréal, les probabilités d’une victoire solidaire dans Rosemont et Laurier-Dorion auraient diminuées, au profit du PQ et du PLQ, respectivement.

Voici les moyennes des totaux de sièges avec les intervalles de confiance de 95 % :

Comment lire ce graphique ? Par exemple, au cours des 50 000 simulations, le PLQ obtient une moyenne de sièges de 40,0 et son total de sièges se trouve entre 27 et 53 dans 19 simulations sur 20.


En arrondissant les moyennes de sièges à l’unité près, voici ce que nous obtenons :

Voici les distributions statistiques des totaux de sièges pour chacun des partis :

3. Les probabilités du vainqueur

Sans surprise, la Coalition Avenir Québec remporte, et de loin, le plus grand nombre de simulations d’élections générales. Sur les 50 000 simulations de cette projection, un peu plus de la moitié (53,5 %) résultent en une victoire caquiste majoritaire.

Au total, la CAQ remporte le plus grand nombre de sièges dans un peu plus de 9 simulations sur 10, soit 91,2 % des simulations.


Le Parti libéral du Québec, si le vote populaire du PQ et de la CAQ est divisé à son avantage, parvient à remporter une pluralité de sièges dans près d’une simulation sur 12, soit 7,8 %.

Finalement, il y a une égalité entre la CAQ et le PLQ dans 1,1 % des simulations.

Le Parti québécois ne remporte aucune simulation.

D’ailleurs, comme seuls deux partis remportent des simulations, nous pouvons tracer la distribution de probabilités de la différence de sièges entre le PLQ et la CAQ. Voici ce que nous obtenons :

Les couleurs pâles indiquent que ces résultats sont hors de l’intervalle de confiance de 95 %.

 

4. La distribution régionale

Voici les cartes de cette projection électorale Qc125. (Cliquez sur les cartes pour les agrandir.)

Les couleurs pâles indiquent les circonscriptions pivots, où aucun parti ne remporte plus de 80 % des simulations. Les circonscriptions blanches sont trop serrées pour se voir apposer une couleur, car aucun parti ne remporte au moins 60 % des simulations.





Les projections du vote populaire avec intervalles de confiance, ainsi que les probabilités de victoire de chacune des 125 circonscriptions, seront accessibles vendredi matin sur Qc125.com.

En conclusion

Les 30 derniers jours auront été fertiles en rebondissements et histoires à grands titres en politique québécoise, notamment avec la nomination de Véronique Hivon et le retour de Jean-Martin Aussant au PQ.

De son côté, la CAQ est parvenue à recruter une candidature de taille pour l’affrontement dans Pointe-aux-Trembles : Chantale Rouleau, actuelle mairesse de l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles.

Pendant ce temps, d’autres députés libéraux ont annoncé qu’ils ne se représenteraient pas à l’automne, notamment Jean-Marc Fournier (Saint-Laurent), Stéphanie Vallée (Gatineau), Guy Hardy (Saint-François), Pierre Reid (Orford) et Karine Vallières (Richmond).

D’autres annonces devraient suivre au cours des prochains mois, qui seront sans doute féconds. Des analyses plus approfondies des données de cette projection seront publiés au cours des prochaines semaines.

À propos de la méthodologie :

Les données de cette projection se basent sur les six derniers mois de sondages, l’historique des 125 circonscriptions (en tenant compte de la nouvelle carte électorale qui sera en vigueur à l’élection générale d’octobre prochain) et les tendances électorales régionales des élections de l’ère postréférendaire (1998, 2003, 2007, 2008, 2012 et 2014). Chacun des sondages est pondéré selon la taille de son échantillon et sa date de terrain. Il va sans dire que les sondages plus récents possèdent un poids plus important dans la pondération.

Le modèle Qc125 effectue ensuite 50 000 simulations d’élections générales en faisant fluctuer le vote à l’intérieur des marges d’erreur de la pondération des sondages. Le vote populaire, les totaux de sièges et le résultat de chaque simulation sont ensuite compilés et analysés en détail.

Philippe J. Fournier est professeur de physique et d’astronomie au cégep de Saint-Laurent, à Montréal. À l’hiver 2017, il a lancé le blogue Qc125, un modèle statistique de projection électorale basé sur les résultats des élections de l’ère postréférendaire et des tonnes de données démographiques.

Les commentaires sont fermés.

Le PQ est en train de disparaitre de Montréal à l’image de notre peuple.
Lise Payette avait fait un documentaire en 1988 qui s’appelait justement Disparaître. J’aimerais tellement le revoir.

Vous avez raison ! Le PQ est en voie de disparition sur l’ île de Montréal ! Mais lorsque vous parlez de l’ image de notre peuple; j’ en perds mon latin !! De quel peuple vous voulez parler?

Je persiste et signe .
Léger surestime les intentions de vote de la CAQ.
Comment expliquer l´écart important qui existe entre Léger et les autres firmes de sondage ?
Léger devrait revoir sa méthodologie et/ou son échantillonnage.

Je comprends que statistiquement, on est dans la marge d’erreur, mais le PLQ me semble sous-estimé.

Dans la période où nous vivons, les électeurs libéraux doivent plutôt être discrets, mais ils sont néanmoins embusqués et ils sont généralement motivés et disciplinés le jour du scrutin.

Je considérerai le PLQ comme battu lorsque tous les résultats seront compilés le le premier octobre prochain.

Par ailleurs, le PQ risque de faire les frais du leitmotiv si tristement imaginé par son chef: «Sortir les libéraux et réaliser l’indépendance, dans cet ordre».

À partir du moment où la CAQ apparaît la plus en mesure de «sortir les rouges» dans l’immédiat, le PQ souffre de cette situation qui s’empire par le fait qu’un éventuel référendum est reporté à un second mandat de plus en plus en plus hypothétique.

La génération des souverainistes qui désespère de voir la souveraineté avant sa disparition risque fort de ne pas être entièrement au rendez-vous le premier octobre.

Mais, comme le disait le Général De Gaulle: «L’avenir dure longtemps» !

La fameuse prime à l´urne (4% de plus que les sondages) qui bénéficie toujours au PLQ et que les analystes des sondages négligent.
Pourquoi ?

Attendons de voir ce que nous propose la CAQ pour améliorer notre système de santé , avant de déclarer qu´il faut du changement … juste pour changer.

@dominique

La prime à l’urne est effectivement le terme précis pour décrire de façon concise le phénomène qui veut que l’électeur discret ou indécis soit bien davantage un Libéral silencieux.

Le meilleur exemple est le référendum de 1980 où les tout derniers sondages donnaient le OUI et le NON à 50-50; le résultat fut plutôt de 60-40 pour le NON.

Au référendum de 1995, la prime à l’urne a favorisé le camp du NON, mais de façon moins marquée qu’en 1980, mais décisive.

Idem pour l’élection générale de 2011 au Québec; les sondages donnaient un taux d’impopularité entre 73 et 77% pour le gouvernement libéral sortant.

Généralement, cela implique un balayage pour l’opposition; or l’élection s’est jouée à deux sièges près.

Monique Gagnon Tremblay et Nathalie Normandeau eurent-elles été toutes deux candidates pour le PLQ (Saint-François et Bonaventure) que le PLQ serait demeuré au pouvoir, sauf en cas de coalition improbable entre le PQ et la CAQ.

Ce que tous ces sondages nous montrent, c’est qu’il y a encore un clivage entre fédéralistes et souverainistes dans l’électorat. En effet, environ 65% des québécois ne sont pas souverainistes. Ils vont pour la plupart voter pour un des 2 partis non souverainistes, soit PLQ ou CAQ, qui recueillent autour de 65% dans tous ces sondages . Ça restera ainsi tant que PQ et QS demeureront souverainistes, avec environ 35% des votes à se partager, ce qui n’est pas suffisant pour qu’un des 2 puisse prendre le pouvoir. Ce sera même difficile pour l’un de devenir l’opposition officielle. Et comme le PLQ demeure la plus solide base fédéraliste, ça explique qu’il sera là encore longtemps. Les fédéralistes purs et durs qui sont déçus du PLQ n’oseront pas voter pour la CAQ dirigée par un ancien souverainiste et voteront quand même PLQ le jour du vote, ce qui constitue une partie de la fameuse prime à l’urne.

Sondage ou pas ; il y a nettement un vent de changement et de mécontentement de la part de la population! Tout dépendra bien sûr des programmes des partis et de la qualité des candidats pour la CAQ! Si les libéraux réussissent la transition entre les départs des députés et les nouveaux arrivants!