Il est rare, en politique, qu’une seule et même personne alimente les espoirs et les craintes des deux principaux partis fédéraux.
C’est néanmoins le cas de Rona Ambrose, l’ex-leader intérimaire du Parti conservateur.
L’automne dernier, des libéraux influents et des commentateurs ont conseillé à Justin Trudeau d’en faire son ambassadrice à Washington.
Dans le passé, des premiers ministres ont confié à des candidats qui n’appartenaient pas à leur famille politique des rôles importants au sein de la diplomatie canadienne. Brian Mulroney avait dépêché l’ancien chef néo-démocrate de l’Ontario Stephen Lewis aux Nations unies. Plus récemment, Stephen Harper avait nommé l’ex-premier ministre néo-démocrate du Manitoba Gary Doer à Washington.
Des stratèges conservateurs qui se souviennent de l’aplomb de Rona Ambrose comme ministre et, par la suite, comme chef intérimaire de l’opposition voudraient plutôt la voir remplacer le leader démissionnaire de leur parti, Andrew Scheer.
Cette politicienne albertaine — qui a ses entrées aussi bien dans les officines du premier ministre Jason Kenney que dans les cercles plus progressistes du Parti conservateur — pourrait devenir une pièce maîtresse dans la partie d’échecs qui opposera les libéraux aux conservateurs en 2020.
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Sur papier, la vice-première ministre Chrystia Freeland est désormais l’élue la plus influente en politique fédérale. Le choix du mot « élue » s’impose cependant parce que, jusqu’à preuve du contraire, c’est plutôt la chef de cabinet du premier ministre, Katie Telford, qui siège au sommet de la pyramide du pouvoir au féminin à Ottawa.
C’est surtout pour donner plus d’importance au rôle actuel de responsable des relations intergouvernementales que le titre de vice-première ministre a été dépoussiéré pour Mme Freeland. Dans le passé, l’influence n’a pas toujours été au rendez-vous de cette fonction.
On verra en 2020 si elle a vraiment la capacité de changer des choses ou si, comme ses prédécesseurs, elle sera cantonnée dans le rôle d’exécutante des volontés du bureau du premier ministre.
Ce qui est sûr, c’est qu’elle est déjà dans la mire de l’opposition conservatrice, non pas en raison de sa mission de rebâtir des ponts avec les provinces, mais plutôt parce qu’elle est largement considérée comme la candidate la mieux placée pour succéder à Justin Trudeau.
Si le premier ministre veut éviter que l’idée de le détrôner au profit d’une remplaçante moins abîmée par l’exercice du pouvoir ne fasse son chemin parmi les libéraux au cours de la prochaine année, il aura intérêt à limiter au maximum les gaffes du genre de celle qui a fait les manchettes lors du récent sommet de l’OTAN.
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Jusqu’à présent, le Parti libéral du Québec n’a jamais été dirigé par une femme. Cela pourrait changer si Dominique Anglade remporte son pari, ce printemps, de succéder à Philippe Couillard. Elle deviendrait, du même coup, la première leader d’origine haïtienne à diriger un parti politique au Canada.
Depuis la Révolution tranquille, tous les chefs permanents du Parti libéral sauf un (Claude Ryan) ont occupé le poste de premier ministre. Si Mme Anglade l’emporte, on saura, à cette date l’an prochain, si elle est capable de donner un nouveau souffle au PLQ.
En théorie, l’arrivée de chefs permanents à la tête de l’opposition libérale et à la direction du Parti québécois en 2020 devrait réduire la marge d’erreur dont a abondamment profité le premier ministre François Legault depuis son accès au pouvoir.
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D’abord à titre de ministre-vedette du cabinet de Justin Trudeau et ensuite comme personnage principal dans l’affaire SNC-Lavalin, Jody Wilson-Raybould a pris l’habitude d’être au centre de la glace politique depuis son arrivée dans l’arène fédérale.
Mais l’ex-procureure générale risque de trouver le temps long maintenant qu’elle siège comme indépendante à la Chambre des communes. D’autant plus que sa fidèle compagne de route, Jane Philpott, a perdu le pari de se faire élire le 21 octobre dernier.
Mme Wilson-Raybould a déjà écarté l’idée de se présenter à la succession de la leader du Parti vert, Elizabeth May. Pas question non plus qu’elle revienne sur ses pas et réintègre les rangs libéraux. Certains la verraient dans l’équipe néo-démocrate du premier ministre John Horgan, en Colombie-Britannique. Mais celui-ci a sans doute noté qu’elle a elle-même affirmé qu’elle ne se voyait pas recevoir les ordres d’un autre chef.
Cette chronique a été publiée dans le numéro de février 2020 de L’actualité.